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Rupture préfectorale

Publié le 27 juillet 2010 par Jlhuss

prefetbmp.1280170636.jpgIl est clair que le souci du maintien de l’ordre « Républicain »  est à nouveau à la une des préoccupations présidentielles, au moment ou Grenoble et le Loir et Cher viennent de défrayer la chronique du début d’été.
Et de reparler de ces zones de « non-droit », de ces économies parallèles, de ces « mafias » locales défiant la Loi commune pour en instituer une autre etc.
Le sujet ne date pas de ce début juillet, des notes et des commentaires émaillent le blog.
Le thème du jour se tourne vers les grands chambardements préfectoraux que ces situations de crise suggèrent à l’Élysée.
L’attitude est curieuse quand on connaît, par ailleurs, les origines du principal conseiller du Président, collaborateur depuis des lustres et actuel Secrétaire Général de l’Élysée : Claude Guéant.
L’homme est discret, sa parole est comptée, sculptée. Il est issu de l’Ecole Nationale d’Administration et appartient au fameux corps qui compta Jean Moulin dans ses rangs. Il a été sous-préfet, secrétaire général, Préfet, Préfet de Région … Il ne peut être considéré comme étranger à cette grande et historique mission préfectorale.
Noble charge en effet que celle de représenter l’Etat « en région », dans toutes ses composantes, ses missions, ses actions et ses contrôles.

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Sous la cinquième République, telle que fondée et pensée par Charles de Gaulle, le Préfet est le ciment de l’État jacobin, une référence dans tous les domaines, l’arbitre entre des volontés locales quelquefois divergentes et une planification nationale, une volonté d’un développement harmonieux et coordonné, d’une “permanence de l’État.
Quand Le Président reçoit les Préfets faubourg St Honoré pour les exhorter eux aussi “aux résultats”, il déclare : «Vous faites un métier qui ne ressemble à aucun autre. C’est d’ailleurs ce qui en fait la grandeur. Vous représentez l’État, l’État indivisible, l’État protecteur impartial. Cela implique le don de soi et une disponibilité totale » … C’est du Guéant …

En revanche, l’idée de désigner comme Préfet des « spécialistes » de telle ou telle question bien spécifique est une « rupture » par rapport aux pratiques habituelles, même si le Préfet “fusible” a toujours existé.  Nommer un « super » flic parce que la zone est dé-sécurisée, relève de la politique de l’instant ou de l’effet d’annonce mais pas d’une vision normale du fonctionnement de la 5 ème République. Le Préfet doit demeurer un « généraliste » capable d’embrasser tous les dossiers qui concernent une partie du territoire et pas seulement un dossier brûlant.

Il est en effet possible d’adjoindre au Préfet, le spécialiste du moment pour la « crise » du moment. Un super-flic sur des dossiers d’aménagement du territoire, pour conseiller des collectivités locales, pour équilibrer harmonieusement l’offre sanitaire, pour délivrer tout simplement le message de l’État, n’est sans doute pas la meilleure stratégie.  De telles « nominations » sont en générale populaires; elles laissent croire que « le taureau est pris par les cornes » : des hommes «solides, efficaces, proches du terrain» non plus issus de l’École nationale d’administration comme cela fut longtemps la tradition, peut-on lire ici ou là. Mais au fond, quand on se donne la peine de gratter un peu, ce sont des fausses bonnes idées, comme celle qui consisterait à nommer un médecin directeur d’hôpital.

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Grenoble et Le Douaron n’est pas une première, Christian Lambert, ancien chef du Raid, est aux commandes de la Seine-Saint-Denis et il nous reste à attendre pour le Loir et Cher. Ces Préfets “new loook” sont sans doute des hommes d’exception avec de grandes qualités, mais le costume dont on veut les affubler est-il le bon ?

La Vendée est sous les eaux, nommons Georges Pernoud … Le Var brûle … C’est la place de Pierre-Marie Delplanque, commandant des marins-pompiers de Marseille etc.

“J’ai décidé de nommer préfet de l’Isère Éric Le Douaron, un policier de métier, préfet de la Meuse (déjà), qui a été durant six ans un très remarquable directeur de la sécurité publique à Paris, de la même façon que j’ai nommé voici quelques semaines préfet de Seine-Saint-Denis un autre grand policier en la personne de Christian Lambert”  ainsi s’exprime le Président renvoyant aux oubliettes les pratiques du passé et la plus élémentaire des formes vis à vis du chef du gouvernement. Il ira lui-même installer le nouveau préfet le 30 juillet.

La “valse” des préfets a toujours fait jaser, c’est une spécialité très en vogue depuis l’accession de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. Les relations directes avec l’exécutif semblent compter désormais au moins autant que les compétences. Les jeunes énarques préfèrent de plus en plus faire carrière au Conseil d’État ou à la Cour des comptes que dans la préfectorale et on peut les comprendre.
En réalité cette noble fonction impose de s’occuper de questions de solidarité, de développement économique, de faire de l’accompagnement des collectivités locales et “pas uniquement du maintien de l’ordre”.

Il est à craindre que de telles pratiques rentrent dans les moeurs, deviennent normatives : tel problème … tel Préfet … Et on change pour telle autre question du moment : la République “kleenex” … L’époque des “grands Préfets” serait révolue au bénéfice des “grands spécialistes“. Les “alternances” ne reviennent en général pas sur de telles commodités. C’est dommage pour l’État. Ceux qui prétendent encore qu’il n’y a pas “rupture devrait consulter l’ophtalmo. Nous avons radicalement tourné le dos à la Vème République.

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Certains chercheront des précédents et rappelleront Barril, la cellule Élyséenne sous Mitterrand, ses écoutes et sa protection du foyer alternatif, les Irlandais et Vincennes etc. Ils seront dans l’erreur la plus totale : pour contestables que furent ces pratiques du “Prince” de l’époque, elles ne concernaient qu’une organisation parallèle et circonscrite à l’Elysée, pas le maillage administratif du territoire. Enfin le péché des autres ne peut en aucun cas excuser le sien propre. En 2007 les Français n’ont pas réélu Mitterrand… ni de Gaulle … Mais la rupture; à ce titre ils devraient être satisfaits.


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