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Dégradation de la note française par la Chine : quelques éléments de réflexion

Publié le 27 juillet 2010 par Copeau @Contrepoints
Dégradation de la note française par la Chine : quelques éléments de réflexion

C'est officiel : les banques européennes ont majoritairement réussi les stress-tests. Compte-tenu des hypothèses de base posées pour les scénarios les plus pessimistes, on peut en déduire qu'une nouvelle crise fera au maximum sept nouveaux chômeurs, que la croissance sera amputée de 0.1% et se placera à 18.8% et qu'un aller retour Terre-Mars se fera pour 12€.

Et pendant que la BCE aligne les bricolages farfelus que peu jugent crédibles, la Chine, elle, publie au travers d'une toute nouvelle agence de notation un intéressant rapport …

Dans ce rapport, on apprend notamment – chose ô combien étonnante pour le lecteur attentif de ce blog – que la France perdrait son triple-A, note qui lui permet jusqu'à présent d'emprunter tant et plus sur les marchés financiers à des taux faibles.

Bien sûr, le rapport ne se contente pas d'infliger une mauvaise note à la France et administre, en réalité, une véritable volée de bois vert à la plupart des pays européens qui perdent presque tous les notes attribuées par Standard & Poor's, Fitch ou Moody's.

Autre point à noter : non seulement la France est, dans cette nouvelle notation, rétrogradée, mais en plus elle l'est de plusieurs crans d'un seul coup, comme le Royaume-Uni, la Belgique ou l'Espagne. Le pays est en effet placée en AA- (après AA+ et AA), soit trois marches plus bas. Les autres pays notés sont, en général, dégradés, mais pas d'autant (deux ou une marche seulement).

Comme d'habitude en France dès qu'un fait économique d'importance doit être abordé par la presse, cette dernière s'empresse de faire paraître le résumé minimal pondu par l'Agence Fausse Presse, et passe très vite à autre chose : on n'a pour ainsi dire pas parlé du tout de cette nouvelle dans les journaux hexagonaux, jugeant que les entrechats de Mamy-Gatouille et Eric Im Woerth It valaient bien mieux que ça.

Pourtant, il y a matière à réflexion : pour se faire une idée, on pourra regarder le graphique suivant – cliquez dessus pour l'avoir en taille réelle – qu'un lecteur m'a très gentiment fourni via un article paru dans une étude financière (de la Banque Privée de Rotschild).

Dégradation de la note française par la Chine : quelques éléments de réflexion

Bien évidemment, la première remarque qui vient à l'esprit est que les Chinois agissent ici de façon purement politique. On lit même parfois dans les commentaires des deux ou trois articles que la presse nationale consacre au sujet quelques remarques méprisantes sur le thème : « Il y a 20 ans, ils n'avaient que des bouliers, et maintenant, ils viennent nous donner des leçons ! Pouah ! »

Effectivement, on ne peut pas écarter du champ des possibles que le gouvernement chinois (caché derrière la nouvelle agence de notation, Dagong) tente ici de forcer la main de ses principaux débiteurs pour s'assurer de leur part qu'ils feront les efforts nécessaire pour rembourser les montants colossaux qu'ils lui doivent.

Cette agence leur permet aussi d'obtenir de meilleur rendements sur les prêts consentis : avec les montants en jeux, un point ou deux de mieux pour le créancier, ce sont des millions et des millions d'euros en plus dans les caisses…

On peut aussi noter qu'après tout, la création d'une agence de notation par un pays s'occupant d'un sixième de la population mondiale était un événement prévisible et logique alors que ce pays acquiert tous les jours une importance économique plus forte. De la même façon, on se doute bien qu'une agence indienne ou brésilienne verront le jour dans les prochaines années.

Et j'en viens à ma seconde remarque : bien qu'effectivement, la manœuvre chinoise puisse être taxée de politique, il apparaît qu'elle est aussi relativement pragmatique et logique dans le domaine économique.

Les Chinois ont très certainement compris depuis longtemps que les actuelles agences de notations, toutes inféodées au gouvernement américain de près ou de loin, ne peuvent plus être prises au sérieux. Tout comme actuellement personne ne se cache pour déclarer tout le ridicule des stress-tests réalisés avec des hypothèses fantaisistes, les Chinois ont, avec cette nouvelle agence, clairement montré qu'ils n'avaient absolument plus confiance dans les notes délivrées par les agences de notations américaines.

Or, et c'est le plus intéressant à mon avis – et on le remarque fort bien sur le graphique ci-dessus – , si on peut très bien admettre qu'il y a une part de politique et de manoeuvre dans le résultat sorti par Dagong, il n'en reste pas moins étonnamment logique.

Ainsi, une fois les pays replacés en fonction des nouvelles notes proposées, on retrouve une bonne corrélation entre les scores de risque sur la dette et la note, corrélation qui était depuis longtemps perdue avec les notes de Standard & Poor's. Sur le graphique, cela se traduit par un déplacement vers la droite oblique montante des pays qui, auparavant, étaient étrangement scotchés sur la gauche. Et aussi troublant ce résultat soit-il, il est logique que les Chinois, finalement, prennent le plus grand soin à noter leurs débiteurs, compte tenu des sommes en jeu.

Tout ceci, en réalité, veut simplement dire que oui, la France ne vaut pas son triple A, et que lorsque les agences de notations occidentales vont devoir baisser les notes, elles le feront de plusieurs cran.

On imagine sans peine les effets de bords qui auront lieu : la France va, très rapidement, devoir emprunter à des taux qui rendront toute nouvelle dette prohibitive. La cessation de paiement devrait alors aller très vite.

On comprend pourquoi ces agences, dont une partie du revenu dépend indirectement de la bonne tenue économique des pays concernés, ne se pressent pas pour ré-étalonner leurs modèles… Et on comprend aussi pourquoi les économistes et journalistes occidentaux se sont bien gardés de commenter la nouvelle.


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