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Dans la fraternité des sots, on se brise l’échine.
En voilà qui surgissent, vieux, et n’ayant point appris à vivre.
Que voulez-vous, ils eurent toute une existence pour apprendre à dominer. Maintenant ils ne savent plus que réclamer leur dû.
Ou ce qu’ils croient en être…
*
C’est triste pitance pour l’esprit que cette misère invisible.
Elle est là, tapie dans l’ombre d’un sourire condescendant, dans le ton exigeant de ceux qui ont des droits, et entendent bien les faire valoir.
Ils pensent leur vie comme un tapis rouge, déroulé pour leur honneur perdu.
Jamais il ne leur vient à l’esprit d’être des mortels autant que le commun.
Ils s’arrogent d’un ton vindicatif la place qui leur revient.
Pestent contre la jeunesse, contre la couleur, contre la religion, dès lors qu’elle n’est pas la leur.
Arrivés à cet âge que d’autres prétendent de sagesse, ils n’ont strictement rien appris.
Ils exigent.
*
Vous les verrez, si droits qu’ils en manquent tomber.
Ils se plaignent de leur raideur, de leur douleur, de leur déséquilibre, sans voir que c’est en dedans qu’il leur faut chercher.
Que vaut le dedans au marché des piteuses ?
Le dedans n’est pas prévu au commerce des apparences.
Il faut du sonnant et du trébuchant.
Ce dernier mot est sans aucun doute le plus vrai.
Ils finissent en trébuchant, pour n’avoir point accueilli l’idée de n’être que passage.
Même lorsque la mort se présente, au terme du voyage, les voilà qui s’arque-boutent, refusant le rendez-vous comme une infamie.
*
Ce monde est à leur couleur : il court en tous sens,
S’étourdit de ne point avoir de boussole,
Se gargarise de verbes creux,
Oublie qu’il n’est qu’un espace fini,
L’infini demeurant hors de portée de ses pauvres gesticulations.
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Manosque, 11 juin 2010
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