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Hier, à 20h40 sur PLANETE : « A LA RECHERCHE DE LA VERITE – LE MYSTERE DES OLMEQUES » .

Par Ananda

La jungle d’Amérique Centrale.

Un monolithe vieux d’au moins trente siècles.

En fait, il s’agit là d’une tête colossale, coiffée d’un casque et affichant un visage plat, aux lèvres lippues, au nez épaté, aux grands yeux. C’est l’un des rares vestiges qu’ait légué la civilisation précolombienne des Olmèques qui, soupçonne-t-on, fut la toute première de Méso-Amérique.

Ainsi, les Olmèques émergèrent de la forêt tropicale au temps où le célèbre pharaon Ramsès II régnait sur l’Egypte. Ils furent le premier peuple centroaméricain à « régner sur la jungle ».

Leurs « têtes colossales, étranges, sans corps, sont  [à ce jour] au nombre de dix sept ».

Nombre de ces têtes sont conservées au musée de Xalapa, dans le sud du Mexique.

Les plus imposantes des têtes olmèques ont plus de vingt mètres de hauteur.

Elles furent, on le sait à présent, façonnées uniquement « pierre contre pierre », pour la bonne raison que les Olmèques ignoraient totalement l’usage du métal (de même, par ailleurs, que celui de la roue).

Le plus remarquable – outre la dimension de ces monuments – est sans doute que chaque visage inscrit dans le basalte a été doté d’une expression unique, n’appartenant qu’à lui, ce qui trahit une grande volonté de personnalisation et, peut-être aussi, de fidélité au modèle.

Il faut reconnaître qu’à part cela, ce peuple reste difficile à cerner. La rareté des vestiges qu’il a laissé et qui ont pu tomber dans nos mains y est sans nul doute pour beaucoup.

Toutefois, les recherches, inlassablement, se poursuivent, concentrées essentiellement sur le site de San Lorenzo, que l’on a tout de même réussi à identifier comme étant la « première capitale olmèque » et donc, probablement, la première ville à s’être constituée en Amérique Centrale.

On soupçonne les Olmèques d’avoir été d’excellents bâtisseurs, à l’instar des Mayas, puis des Aztèques. La grande différence entre eux et ces derniers est, selon toute vraisemblance, simplement que leurs réalisations architecturales se sont trouvées « englouties dans le sol de la forêt ». Pas de chance !

Le site de San Lorenzo est le « domaine » de l’archéologue Anne Siffers. Il consiste en une sorte de « plateau » très étendu. On sait qu’il regroupait à l’époque une population olmèque de 5500 habitants. Il n’est encore, à ce stade, que très partiellement exploré.

C’est sur ce site de San Lorenzo que, vers 1800, l’on déterra (non sans mal) une dizaine de têtes colossales, qui provoquèrent aussitôt chez les chercheurs une vive perplexité : qui étaient ces personnages ? Les héritiers d’Atlantis ? Des colons venus de la lointaine Afrique Noire ?

L’une des têtes – la huitième, nous signale t- on – a été retrouvée à l’intérieur d’un trou où « on l’avait enterrée intentionnellement et recouverte d’une plate-forme de terre ». Elle constitue « une œuvre hautement symbolique », orientée vers l’est (serait-ce une indication de la lointaine provenance du peuple qui les façonna ?). Alors que les autres têtes du site avaient été laissées « exposées aux intempéries », elle fut, au contraire, « volontairement enfouie, avec cérémonie ».

Quelle idée peut-on se faire de la vie de ce très ancien peuple ?

A défaut de vestiges nombreux et précis, les scientifiques disposent d’ « éléments de présomption » qui les guident un petit peu dans le brouillard préhistorique : parmi ceux-ci, le fait que la région de San Lorenzo regorge de gisements de pétrole brut, lequel « suinte » sous forme de lacs de goudron avec bulles à la surface. On a désormais la conviction que les anciens Olmèques ont profité abondamment de cette « ressource particulière », dont ils se servirent en tant que colorant pour décorer des figurines et également en tant que substance adhésive (autrement dit, colle). Comment le sait-on ? Grâce à la découverte de fragments d’asphalte utilisés par les Olmèques et contenant des traces révélatrices. Hautement précieux parce qu’ils témoignent quand même, de tout un mode de vie, ces objets révèlent souvent qu’ils « ont parcouru des centaines voire des milliers de kilomètres », ce qui plaide en faveur de tout un réseau « de commerce, d’échanges, d’interactions ».

Et cependant, les Olmèques n’étaient qu’un petit nombre d’individus. Il y a gros à parier qu’ils devaient être entreprenants, actifs.

On en arrive à se demander à quoi ressemblait la cité olmèque de San Lorenzo. Afin d’en savoir un peu plus, Anne Siffers fait procéder, sur les quelques 140 km2 du site, à des prélèvements de « carottes » dans le sol, qui s’avèrent éclairants : les archéologues parviennent de la sorte à extirper des éléments directement issus des sols d’habitation olmèques. S’ensuit la détection de ruines, à un niveau de 20 mètres de profondeur.

Au sud de l’actuelle Vera Cruz se situent les Monts TUXLA, véritables « gisements de basalte », et c’est là que les Olmèques allaient sélectionner la matière première de leurs fameuses têtes géantes. Si j’emploie le mot « sélectionner », c’est parce qu’ils ne choisissaient d’utiliser qu’un basalte particulier, particulièrement solide, le « basalte vésiculaire » ainsi que l’appelle le Pr Richard Dean.

Les Monts Tuxla recèlent encore quelques grosses pierres abandonnées sur place par les anciens Olmèques.

Une question se pose : pourquoi ce choix – somme toute original – d’une pierre basaltique ?

Vraisemblablement, seule une raison d’ordre religieux peut l’expliquer : « ces cailloux sont nés du feu » et furent, par voie de conséquence, associés au volcan, à sa puissance chtonienne, à son énergie d’essence divine. La pierre volcanique devait être créditée de pouvoirs sacrés, de valeur spirituelle forte.

En ce qui concerne l’aspect plus matérialiste de la question, bien des indices indiquent aux chercheurs que le travail de la pierre par les Olmèques se faisait en deux temps : premièrement, l’ébauche du visage, réalisée sur le site basaltique, puis, dans un second temps, le transport du gros bloc vers San Lorenzo, où était alors achevée l’œuvre.

A ce que l’on pense, les Olmèques « travaillaient en petits groupes ».

Reste à savoir, maintenant, de quelle façon ils s’y prenaient (compte tenu de leurs moyens techniques encore extrêmement limités) pour  arriver à déplacer les blocs-têtes sur des kilomètres.

Il ne faut pas perdre de vue que, juste avant leur émergence, l’Amérique Centrale était peuplée de « petits groupes éparpillés de chasseurs-cueilleurs sans chefs pour les gouverner ». En 1200 avant J.C, sans qu’on sache pourquoi, les Olmèques sortirent de la jungle et, sans transition (du moins à notre connaissance) se mirent à construire une ville, qui devint « le premier centre politique de Mésoamérique ».

Tout porte à croire qu’un labeur tel que celui du transport de ces blocs-pierres impliquait la nécessité et l’emploi d’une nombreuse main d’œuvre. Pour le reste, il faut compter avec le muscle, avec « une bonne dose de détermination »…et avec beaucoup d’ingéniosité, en l’absence d’outils en métal. C’est que les plus « petites » des têtes ne pesaient tout de même pas moins de 70 à 80 tonnes ! Tout nous incline à croire que cordes et leviers furent aussi de la partie. Hélas ! Aucun vestige de cordes et de leviers de provenance olmèque n’est disponible. On en est réduit à déduire, d’après ce qu’on sait des pratiques, plus récentes et plus documentées, d’autres peuples .

On sait maintenant qu’ « un homme pouvait déplacer un peu plus de vingt kilos », et que, par conséquent, il fallait « plus de 1000 hommes pour  [déplacer] une pierre de quarante tonnes », ce qui nous donnait une moyenne de « 17 hommes pour chaque pierre ». Il va de soi que ces déplacements s’effectuèrent « en plusieurs étapes ».

Les Olmèques devaient se heurter au problème du frottement, que faute de roues, ils devaient s’appliquer à réduire au moyen de luges disposées sur des rondins de bois.

On ne sait évidemment rien sur leur manière d’organiser leur main d’œuvre. Ce que l’on déduit juste, c’est qu’ils devaient nécessairement être contraints de l’organiser avec une certaine rigueur durant le transport, ne serait-ce que pour gérer les multiples obstacles naturels qui, sans l’ombre d’un doute, s’opposaient à leur progression vers leur cité de San Lorenzo : jungles, marécages, « rivières à traverser ».

Les spécialistes savent que les Olmèques se consacraient à l’artisanat (notamment, à une forme de pêche particulière que les locaux pratiquent toujours à l’heure actuelle : la pêche au lancer de filet dans les rivières, fort abondantes en cette partie du Mexique), qu’ils tiraient leur nourriture des « plantes locales » (le commentateur, qui, d’ailleurs, parle un peu trop vite ne nous précise pas lesquelles, ce que je trouve assez dommage) et qu’ils produisaient même des surplus agricoles. Peut-être est-ce la raison (augmentation de la densité de population) pour laquelle ils furent en mesure de se lancer dans de grands travaux d’aménagement, allant jusqu’à déplacer, sur des siècles, des milliers de mètres cube de terre de façon à créer, tout à fait artificiellement, l’immense plateau de San Lorenzo. Une telle entreprise de « travaux publics », d’aménagement du territoire ne peut être menée à bien sans que l’on ne puisse disposer d’un nombre important d’ ouvriers, ce qui implique une indiscutable division du travail. Qui dit division du travail dit embryon de « système de castes », sinon système de caste franc. Qui dit hiérarchisation dit (le processus est connu) présence de chefs. De toute façon, de pareilles actions doivent impérativement être coordonnées.

La population augmentait. La société se complexifiait. Plus elle s’organisait, plus elle sophistiquait son organisation, plus elle avait besoin d’organisation, de sophistication, de cadres stricts.

Le monde des Olmèques était certainement un monde de chefferies et, dans ce contexte, l’importance des têtes géantes s’éclaire d’un nouveau jour.

D’après déductions et recherches, « chaque tête représenterait un roi » et symboliserait « le pouvoir dirigeant ». Les têtes constituaient, d’ailleurs, la partie supérieure de trônes, ce qui donnerait l’explication du caractère plat des visages et, décidément astucieux, les Olmèques pratiquaient, en sus, le recyclage des grosses pierres, en fonction de leurs besoins (par exemple, passage du trône à un monument funéraire).

Abstraction faite de tout ce qui précède, les Olmèques conservent toute leur part de mystère. Dresser leur histoire, c’est, encore, évoluer dans le monde des soupçons et des spéculations.

Mais, parmi ces soupçons, il en est un, tenace : celui qu’ils construisaient nécessairement des embarcations. Leur contrée, fort riche en rivière et en marécages, s’y prêtait, et leur astuce, leur esprit d’entreprise, ne s’y prêtait pas moins.

Les archéologues ont la certitude qu’ils fabriquaient de l’asphalte. D’où la tiennent-ils ? De vestiges de peaux trouvés, imbibés de résidus de cette substance. « Peu de différence entre l’asphalte qu’ils fabriquaient et notre asphalte moderne », constatent les chercheurs, non sans surprise.

De même, a-t-on trouvé des morceaux d’asphalte qui portent l’empreinte du palmier royal. Le faisceau de présomptions se resserre…

On peut parfaitement penser que ce peuple se servait de ce goudron pour enduire la coque de ses bateaux (dont il ne reste, hélas, plus trace) et de cette façon, les rendre étanches.

Construisaient-ils des canoës ? Ces embarcations étaient-elles assez solides pour accueillir les pierres géantes ?

On a avancé, à propos de leur taille, « 15m pour les trajets les plus longs ».

Il est envisageable qu’ils aient réussi à convoyer les énormes pierres en reliant et recouvrant plusieurs canoës à l’aide d’une plate-forme de bois, sur laquelle on posait les blocs.

Trois canoës reliés auraient suffi pour une pierre d’une demi - tonne.

Pour les géantes, les Olmèques avaient donc besoin de 14 bateaux.

Peut-être (ce serait fort souhaitable) l’avenir nous permettra-t-il d’étendre nos connaissances sur ce peuple, dans lequel on voit la « civilisation-mère » de la Mésoamérique précolombienne (en effet, les Olmèques, à coup sûr, « influencèrent les Mayas »)

Mais, en attendant, « ces rois de pierre sont presque la seule chose que l’on connait [d’eux]. Ce sont les ambassadeurs de leur civilisation ».

P.Laranco.


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