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Sarkozy joue au Monarque en Andorre

Publié le 30 juillet 2010 par Juan
Sarkozy joue au Monarque en AndorreUne visite princière dans un paradis fiscal, un fidèle ministre Woerth ntendu 8 heures par la police, une comptable harcelée 8 fois par un procureur, un arrangement Chirac-Villepin que l'on ne commente pas... les vacances approchent en Sarkofrance.
Sarkozy, coprince pour quelques heures
Jeudi, Nicolas Sarkozy se déplaçait en Andorre dont il est, en tant que président de la République française, le co-prince. On attendait de savoir si Andorre, aux yeux du chef de Sarkofrance, n'est plus un paradis fiscal. Il a simplement salué les «progrès» de la principauté, pendant un discours d'une petite quinzaine de minutes: «la transparence n'est pas contraire à l'identité andorrane. Les progrès que vous avez réalisés sont considérables. La compétitivité fiscale personne ne peut vous le reprocher, la fraude fiscale c'est autre chose.» Andorre a déjà été retirée de la liste grise des paradis fiscaux de l'OCDE. Elle a signé 17 accords d'échange d'informations fiscales, notamment avec la France, l'Espagne, le Portugal, l'Argentine et les Etats du Nord de l'Europe. Pourtant, comme le rappelait Rue89, le réseau Tax Justice Network, «lui attribue encore un score de 83% d'opacité financière.» Qu'importe ! Sarkozy, en Andorre, était fier de s'exprimer en tant que coprince. Il fut prévenant à souhait: « La principauté n'est pas une entité folklorique». Son emphase fut parfois gênante : «les 7 collines de Rome sont entrées dans la légende. Il devrait en être autant des 7 paroisses d'Andorre. Elles symbolisent la permanence et l'indépendance de la principauté ». Ou encore: «Andorre n'est pas seule. Elle a des amis, elle a des coprinces.» Ah ! Si la France pouvait suivre cet exemple ! Sarkozy a aussi parlé «nouvel équilibre», «nouveau modèle de capitalisme plus juste, plus solide», « transparence des activités financières» et « lutte contre les paradis fiscaux» .
Vendredi, Sarkozy se rend à Grenoble, pour «installer» le nouveau préfet. Une belle mise en scène est prévue, avec une rencontre «informelle» avec des policiers, puis à 12h40, juste avant les journaux télévisés de 13h, un discours sur l'insécurité. Depuis la publication du 3ème rapport de la Cour des Comptes sur les frais de l'Elysée, on sait que ce type d'opérations coûte entre 60 et 130 000 euros en dépenses de communication pour le filmage du président français.
Woerth entendu, mais pas écouté.
Eric Woerth a donc été entendu par la police, jeudi dès 9H30 du matin. Le procureur de Nanterre avait de son côté ouvert lancé la police sur un nouveau motif d'enquête, le versement de 400 000 euros par Françoise Meyers-Bettencourt à l'ancienne comptable de ces parents en 2007. Jeudi matin à l'aube, le domicile de la fille Bettencourt était d'ailleurs perquisitionné, sans que la police n'y trouve grand chose. Le jeu du procureur s'éclaircit : en saucissonnant le «Woerthgate» en une multitudes de micro-affaires, il pourra plus facilement en prononcer quelques classements sans suite sur certaines d'entre elles et masquer l'essentiel. Le 21 juillet dernier, dans son interview au Figaro, Philippe Courroye laissait d'ailleurs entendre cette possibilité. On devine alors que l'Elysée se saisira de ces décisions pour noyer le poisson. Jeudi, Eric Woerth a eu droit au même traitement de faveur que Liliane Bettencourt : la brigade financière s'est déplacée pour venir l'auditionner. Mais à la différence de l'héritière de l'Oréal, l'audition fut particulièrement longue. Elle s'est achevée vers 16h45. Sans surprise, le ministre a récusé les accusations de conflit d'intérêt et de financement politique illégal: non, il n'est «à aucun moment n'est intervenu pour que son épouse soit embauchée»; il a aussi «nié avoir reçu un quelconque financement politique qui eut été non conforme à la loi». Ce résumé, de 8 heures d'audition, réalisé par l'avocat d'Eric Woerth, fut bien court et très général.
Parallèlement, l'avocat Alain Gillot a dénoncé le nouvel interrogatoire qu'a du subir Claire Thibout, l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, trois jours auparavant: «J'entends aussi Eric Woerth dire son impatiente d'être entendu, eh bien, ma cliente, elle, est impatiente d'en finir avec ces auditions qui perturbent sa vie de façon considérable et lui causent un préjudice majeur. Elle a le sentiment de pouvoir être convoquée à tous moments, y compris comme lundi soir sur des choses qu'elle a déjà dites, c'est tout simplement inacceptable.» Pourquoi a-t-elle été cette fois-ci interrogée ? La police s'interroger sur les 400 000 euros qu'elle a perçu de la fille de Mme Bettencourt en juillet 2007. Cette information fut d'ailleurs la seule qui fut opportunément fuitée à la presse après l'audition de la milliardaire lundi 26 juillet. Comme s'il fallait à tout prix décrédibiliser les accusations de Mme Thibout. L'explication fut limpide : François Meyers-Bettencourt lui avait demandé de témoigner contre François-Marie Banier. Claire Thibout lui demanda de prévoir une indemnité de licenciement, au cas où Liliane Bettencourt la virerait en représailles.
Cette nouvelle journée judiciaire fut évidemment occultée par la grande affaire du moment : la lutte contre l'insécurité chez les Roms et gens du voyage. Après une réunion à huit-clos mais fortement médiatisée mercredi après-midi à l'Elysée, des annonces répressives fracassantes dans la foulée, Brice Hortefeux s'est répandu dans les médias sur son plan d'action. La diversion fut parfaite !
Le deal Chirac-Sarkozy.
Le soupçon d'un «deal» entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy à propos de la prise en charge de l'amende que l'ancien président craint de devoir payer dans l'affaire des emplois fictifs à la Mairie de Paris est parvenue (enfin) jusque dans les colonnes du Canard Enchaîné. L'hebdomadaire l'a évoqué mercredi. Depuis, les ténors de l'UMP sont gênés aux entournures. Lors de son habituel point presse après le conseil des ministres le même jour, Luc Chatel a eu beau jeu de refuser de répondre au motif que cela ne concerne pas le gouvernement. Xavier Bertrand a été plus véhément: «Je ne l’ai pas lu, le Canard, parce que je ne me précipite pas dessus pour le lire. Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne commente pas les rumeurs et les potins du Canard Enchaîné. On ne va pas faire une actu à partir de ça». Et il ajouta: «Le Canard Enchainé, ce n’est pas le journal officiel de la République française.» Curieusement, Dominique Paillé, son porte-parole, usa des mêmes termes : «Le Canard Enchaîné, c'est le Journal Officiel de la République française ?»
Jeudi, il ne fallait donc pas parler de l'affaire Woerth, ni des combines de l'UMP. L'actualité sarkozyenne était faussement riche : paradis fiscaux, gitans, ou insécurité, le menu était bien défini. Et les 8 heures d'audition d'Eric Woerth étaient comme le dernier effort d'un coureur du Tour de France pour emporter la victoire: que la France oublie et passe à autre chose.

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