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crimes & insécurité

Publié le 02 août 2010 par Egea

Un article du Figaro de ce matin attire mon attention, et renvoie, d’une certaine façon, au débat sur le déclin qu’on entend régulièrement et auquel j’ai fait récemment allusion.

crimes & insécurité

Je sais : il faut se méfier de l’instrumentation de cette information qui nous apprend que les meurtres et assassinats sont en net recul en France, notamment depuis 2002 : comme par hasard, la source est une étude de la DCPJ, publiée par le Figaro, et alors qu’il y a un débat actuel sur la sécurité depuis 2002. Je ne suis pas dupe. Aussi n’est-ce absolument pas sur ce terrain là que je veux m’engager.

Savoir que le nombre de meurtres et assassinats a reculé en dix ans est important, mais ce n’est pas, au fond, l’essentiel. L’essentiel est de comparer les chiffres avec ceux d’il y a plusieurs décennies, voire siècles. Dans un entretien publié simultanément (non accessible en ligne, seulement sur la version papier), Alain Bauer précise : « il y a quatre siècles, on comptait 150 homicides pour 100.000 habitants. Aujourd’hui, nous sommes tombés à moins de 2 ».

Voilà la donnée essentielle, la tendance de très longue durée, et très lourde : la violence baisse.

Un autre indice : je lisais l’autre jour le premier chapitre de « l’histoire des saint-cyriens » du colonel Camus. Aux premiers temps de l’école, à partir de 1802, il y avait, à la spéciale, plusieurs morts par an. Cela n’émouvait pas grand monde, alors.

Relisez les romans historiques qui fourmillent de détails. Chez Dumas, on ne sort pas la nuit, à Paris, sans être escorté de gardes du corps (de mémoire, « les quarante-cinq ». Autre exemple, le commissaire Le Floch, fin du règne de Louis XV, qui s’émerveille que l’on ait éclairé la route de Paris à Versailles ce qui la rend « sûre ».

Bref, la « réalité » est celle d’une décroissance de l’insécurité. Sauf que….

Sauf qu’il y a un sentiment de maintien de celle-ci, voire d’augmentation (cf. l’affaire de Grenoble, ou celle des villages du centre de la France qui viennent de se dérouler au mois de juillet).

Cela est dû à mon avis à un double phénomène :

  • d’une part, la violence diminuant, on est de plus en plus sensible à celle qui demeure, qui paraît, relativement, encore plus intolérable.
  • D’autre part, la violence semble « localisée » dans des territoires où elle a court. Je ne sais s’il y a une augmentation (en nombre ou en surface) de ces territoires. Il reste que leur présence suffit à accroître le sentiment d’insécurité. (il y aurait ainsi 5% d’opérateurs criminels qui produisent 50 % de l’activité délinquante).

Dernière réflexion. La baisse de cette violence « domestique », de « vie courante » accompagne, d’une certaine façon, la baisse de la violence extérieure, la guerre « conventionnelle ». Et simultanément, la guerre irrégulière correspond à la violence domestique « irrégulière », qui justement ne passe pas (ne passe plus) par des meurtres et assassinats, mais par tout un tas d’autres actes délictueux (qui eux ne sont pas en baisse tendancielle).

Réf :

  • sur les statistiques d'homicides : cette page wikipédia (avec toutes les pincettes liées à wikipedia).
  • de même, ce numéro de "population et société", la revue de l'INED, sur "mes morts violentes dans le monde" paru en 2003, où l'on constate que les homicides bassent avec la modernisation, mais les suicides augmentent.
  • ce numéro est signé de JCl Chesnais, auteur d'une histoire de la violence.. Voici ce qu'en dit la 4ème de couverture, qui rejoint finalement ce que j'évoque : "Contrairement à ce que prétend la rumeur ambiante, amplifiée par les médias et la classe politique, nos sociétés ne sont pas menacées par une irrésistible ascension de la violence. L'idée d'une poussée continue de la grande criminalité est fausse : seules la petite et la moyenne délinquance ont augmenté. Mais plus un mal diminue, plus insupportable paraît ce qui en reste. D'où le sentiment d'insécurité qui semble croître aujourd'hui dans nos sociétés et qui témoigne, paradoxalement, de cette progressive civilisation des moeurs, partie, du temps de la Renaissance, des foyers de modernisation de l'Europe du nord-ouest, pour diffuser lentement à travers tout l'Occident et atteindre toutes les sphères de la vie quotidienne.".

O. Kempf


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