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Pierrot traîne dans la rue. Il vit à Madrid depuis la fin des...

Publié le 02 août 2010 par Fabrice @poirpom
Pierrot traîne dans la rue. Il vit à Madrid depuis la fin des...

Pierrot traîne dans la rue. Il vit à Madrid depuis la fin des années 80. Pendant presque dix ans, marketing et communication sont ces principales occupations. Il mange bien avec ça. Il mange gras.

En 96, l’un de ses frères se fait faucher brutalement. Il quitte le plancher des vaches. Retour à la poussière. Méchante claque dans la gueule pour le survivant. Qui plante son boulot, rumine et bibine une bonne année. Avant qu’un de ses potes, qui lui avait offert un jetable avec flash intégré, lui sorte les doigts du cul.

Tiens, la castafiore est en Espagne ces temps-ci. Va lui tirer le portrait pendant qu’elle gargarise.

Il passe deux jours à immortaliser Teresa Berganza, une mezzo-soprano qui pousse la chansonnette à Cuenca, en Castille. Madame bavasse. Pendant des heures. Elle se raconte. Et se laisse faire par notre ami Pierrot. Et ses photos ont de la gueule. Parce que l’histoire de Teresa se voit dessus. Dans ses rides, dans le contour de ses lèvres, dans ses yeux qui dévorent tout ce qu’ils regardent. Dans ses grimaces quand elle braille. Sa gueule est un roman.

Pierrot se gave. C’est décidé. Raconter des histoires avec des tronches est son nouveau gagne-pain.

Il achète un vieux Hasselbald d’occasion et se met en quête. Mais il a ses exigences.

Les sourires papier glacé, c’est pas trop sa came. Il préfère les balafres. Les vieilles mendiantes qui font la manche aux abords des cathédrales. Les têtes de mort qui déambulent, livides, dans les rues dégueulasses des quartiers populos. Les zonards. Les gitans.

Tous les estropiés de la société, c’est ce qu’il veut.

Pas fastoche.

Il va pas dans la pampa, le Pierrot. Pour dégoter ces tronches. Pas de campagne bucolique avec bicoque champêtre et vaches qui font meuh-meuh. Ces estropiés, c’est dans le bitume et le béton qu’il les repère. Les déterre.

C’est pas le tout de les voir. Faut les accoster. Leur causer. Pierrot se prend pas mal de vestes. Quand il traîne dans la rue. Chassant ces sales gueules. Jeunes ou vieilles. Qui racontent. Qui dégueulent leur parcours.

Mais les patibulaires n’aiment pas trop se raconter. Alors il insiste, repart à la charge. Les suit. Montre quelques clichés qu’il a dans sa besace, à côté de l’appareil.

La tête de mort grimace. Selon le contexte, la chose veut dire oui ou non. Ça prend du temps de faire la différence.

Si c’est non, serrer un peu les dents et continuer la quête.

Si c’est oui, direction le studio de Pierrot, en plein Madrid. Ou mieux, direction le domicile du grimaçant.

Dans sa vieille besace en cuir, avec son appareil et ses quelques clichés, il a un trépied et une vieille tenture. Qu’il accroche comme il peut dans la piaule. Pour la lumière, il bricole avec les moyens du bord. Des lampes de supermarché, une fenêtre crasseuse. Rarement mieux.

Rapidement, l’appareil est sur le trépied. Dans la foulée, il déclenche. Très vite, il remballe. Poignée de main. Adieu cordial ou promesse d’amitié.

Plus tard, il développe. Parfois, Pierre Gonnord, dans ses clichés, a ce qu’il cherche depuis le début. Quand il traîne dans la rue.

Deux cent mille bornes au compteur de chacune de ces sales gueules.


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