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Conseils des prud’hommes : maintenons le suffrage universel direct !
Publié le 03 août 2010 par Jblully
Plus que bicentenaire, l’institution des Conseils de Prud’hommes est aujourd’hui au coeur de vifs débats. L’abstention, plus importante à chaque élection, pose, il est vrai, la question de la légitimité de ces juridictions élues et donc des modalités du scrutin prud’homal.
Pour répondre à cette interrogation, le Gouvernement peut désormais s’appuyer sur les conclusions du rapport de MM. Richard et Pascal remis au Ministre du travail à la fin du mois de mai. Nous en retiendrons deux : l’élection des conseillers pud’homaux au suffrage indirect et la fin du vote par section.
Une participation en trompe-l’oeil
En premier lieu, l’élection des conseillers prud’homaux au second degré. Dans ce cadre, seraient électeurs, dans le collège salariés, les délégués du personnel et, dans le collège employeurs, des délégués employeurs élus dans le cadre d’une élection ad hoc.
Sans nous prononcer sur la solution retenue pour le collège salariés, au sein duquel seules les organisations syndicales ont compétence pour analyser le scénario envisagé, nous ne pouvons qu’être en désaccord avec celle suggérée pour le collège employeurs. Celle-ci est, en effet, loin d’atteindre les buts poursuivis, celui d’une plus grande simplicité de la désignation des juges prud’homaux et celui d’une plus grande assise démocratique de la juridiction prud’homale. Au contraire, la mise en oeuvre de ce dispositif conduirait à ajouter une élection à l’élection, donc une étape et des coûts supplémentaires, sans garantir aucunement la participation des employeurs à ce nouveau scrutin. Peut-on réellement croire que l’élection des conseillers prud’hommes par des grands électeurs aura plus de poids si ces derniers sont désignés par une minorité de ceux dont ils doivent porter la voix ? L’affichage d’un taux de participation record doit-il suffire à dissimuler une réalité radicalement différente ? Cet écueil est d’ailleurs relevé par les rapporteurs eux-mêmes qui, pour l’éviter, propose que ces délégués aient des fonctions de dialogue social. Cette issue, qui fait fi du rôle dévolu par la loi aux organisations patronales, ne saurait davantage être approuvée.
Une spécialisation indispensable
En second lieu, le document remis au Ministre du travail préconise, au nom de la simplification, la suppression de l’élection des conseillers prud’homaux par section (commerce, industrie, activités diverses, agriculture, encadrement) au profit d’une liste unique. Là aussi, la proposition est discutable. Il est, en effet, indéniable que le fonctionnement des juridictions du travail par section est le seul de nature à garantir rigueur et équité des décisions rendues en raison de la connaissance pointue des secteurs d’activités et de leurs contraintes particulières par les juges. Qui sait juge ! Aussi, il convient de s’assurer que chaque section de chaque conseil de prud’hommes sera toujours, à l’avenir, exclusivement composée de conseillers issus des secteurs concernés, ce que ne peut faire le dispositif suggéré que par la mise en place de listes uniques de candidats répartis en leur sein… par section ! Peut-on encore parler de simplification ?
Au total, l’élection au suffrage universel direct des juges du travail est le seul système qui vaille. Rien n’empêche bien évidemment de l’améliorer. En ce sens, il apparaît que, dans le collège employeur, la suppression du vote à l’urne au profit d’un vote à distance généralisé mettant en oeuvre, aux cotés du vote par correspondance sans condition préalable, les nouvelles technologies de la communication (internet, SMS) doit être préconisée. Elle devra s’accompagner d’une vaste campagne d’information des électeurs à laquelle devront s’atteler toutes les parties prenantes : l’Etat, les organisations patronales et syndicales, mais aussi les chambres consulaires et les conseillers prud’homaux eux-mêmes. Ensemble, ils devront veiller à ce que les conseils de prud’hommes, formidable institution au service de la justice du travail mais aussi du dialogue social au travers de leur mission essentielle de conciliation, poursuivent sur la voie tracée depuis plus de deux cents ans.C’est le sens de la position de la CCIP.