♦ Qui est l’acte contresigné par avocat ? – Les présentations
Il est le fruit de trois articles qui viendront, dans un chapitre 1er bis, compléter le titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Après leur adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, le contenu de ces trois articles est le suivant :
1. « En contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte ».
Il s’agit ici de réaffirmer le devoir de conseil et d’information de l’avocat qui incombe à l’avocat contresignataire.
L’acte contresigné attestera que les parties concernées ont reçu l’assistance juridique d’un avocat qui a pu leur expliquer à quoi elles s’engageaient réciproquement.
Dans le même temps, cet acte engagera la responsabilité de l’avocat, manière de renforcer le soin mis à l’explication et au passage de l’acte.
2. « L’acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait pleine foi de l’écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable ».
Il résulte de cet article que du fait des diligences accomplies par l’avocat, l’acte contresigné par avocat sera présumé émaner des parties signataires.
Ayant été associé à la préparation de l’acte, attentif à sa rédaction et à la vérification de l’identité des parties, l’avocat pourra, par son contreseing, attester de l’origine de l’acte.
L’écriture et la signature des parties ne pourront ainsi plus faire l’objet d’une contestation par la procédure de vérification d’écriture.
Reste que la preuve d’une fraude pourra permettre de remettre en cause l’origine de l’acte : une personne arguant de ce que sa signature ou son écriture aurait été contrefaite ou de ce que son identité aurait été usurpée demeurera recevable à agir contre cet acte sur ce fondement. Elle pourra alternativement saisir le juge pénal.
En outre, la contestation du contenu de l’acte contresigné par avocat sera soumise à la procédure de « faux » prévue par les articles 299 à 302 du code de procédure civile.
3. « L’acte sous seing privé contresigné par avocat est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi».
Les parties à l’acte contresigné par avocat seront dispensées de la formalité de la mention manuscrite lorsque celle-ci est normalement exigée par la loi, par exemple à l’occasion d’un engagement de caution.
Cette formalité n’a plus de raison d’être dès lors qu’il entre dans la mission d’un avocat contresignataire de s’assurer que les parties ont bien pris conscience de la nature et de l’étendue de leur engagement.
Par ailleurs, le ministère de la Justice a apporté son éclairage à propos de l’acte contresigné par avocat :
- Pour qu’un acte conclu puisse constituer un acte contresigné par avocat, quel que soit le choix qui sera effectué par les parties, chacune d’elle devra être assistée d’un avocat.
- A la question de savoir si un avocat rémunéré par une seule partie peut être considéré comme ayant « conseillé » une autre partie, la réponse relève de la convention conclue entre l’avocat et cette partie.
L’essentiel est que cette partie ait, sans ambiguïté, désigné cet avocat comme étant son conseil.
À cet égard, les règles de déontologie de la profession d’avocat prévoient que « l’avocat doit justifier d’un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l’existence », ce qui n’est pas le cas dans cette situation.
À défaut d’un tel mandat, l’avocat sera considéré comme étant l’avocat d’une seule partie, de sorte que l’acte conclu ne pourra pas être considéré comme un acte contresigné par avocat.
♦ Quel est la nature de l’acte contresigné ? – Une troisième voie entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique ?
Notre Code civil napoléonien distingue deux sortes d’actes juridiques : les actes sous seing privé et les actes authentiques.
Une « troisième voie » a pu être évoquée car le projet du Conseil national des Barreaux innovait en créant un acte « sous signature juridique » à mi-chemin entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique c’est à dire ayant une force probante identique à l’acte authentique et date certaine mais démuni de force exécutoire, lequel était ouvert non seulement aux avocats, mais également aux autres professionnels du droit.
Ce projet n’a pas été retenu car il aboutissait à créer un acte trop proche de l’acte authentique et a été jugé plus générateur de confusion que de sécurité juridique.
S’agissant du projet d’acte contresigné actuellement en discussion au Parlement, sa nature d’acte sous seing privé a été clairement affirmée de sorte que l’on devra bientôt distinguer, au sein de la catégorie des actes sous seing privé, entre :
- l’acte sous seing privé « classique », que nous connaissons tous, défini par la doctrine comme « établi par les parties elles-mêmes sous leur signature sans l’intervention d’un officier public »,
- et le nouvel acte contresigné par avocat.
Au terme de ce billet, je l’espère, vous connaissez désormais mieux ce futur acte contresigné par avocat.
Le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques règlementées qui le porte est maintenant, pour une première lecture, entre les mains du Sénat.
Est-ce que l’acte contresigné par avocat restera en l’état ou est-ce qu’il fera l’objet de plus ou moins importantes modifications sous la pression, par exemple, de groupes divers et variés ?
Une affaire que je ne manquerai pas de suivre et de vous faire suivre…