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Dompter le cheval sauvage

Publié le 04 août 2010 par Do22
«Je n'en peux plus, tu sais !» L'accent de Marseille chante, mais la voix est lasse : « L'an dernier c'était le fils, cette année la fille, sans compter les problèmes d'argent.  Je ne sais plus quoi faire, où donner de la tête. La nuit, je tourne et je retourne tout ça! Toute la famille est dans une situation difficile.» Odette a perdu le sourire qui l'avait jusqu'alors aidée à traverser la vie. Je la connais depuis vingt ans, j'aime son courage et son humour, elle est chrétienne et nous avons souvent parlé de nos engagements respectifs. « Alors, continue-t-elle, toi qui es bouddhiste, donne-moi un conseil, quelque chose qui m'aide.  Un conseil ?» Je regarde son visage fatigué. « Ici et maintenant, voilà. » « Ici et maintenant ? Qu'est-ce que tu veux dire ?» « Vois-tu, sur les problèmes réels, nous rajoutons notre souci : nous nous racontons des histoires sur les catastrophes qui vont arriver, nous construisons des scénarios basés sur notre peur. Le jour, la nuit, notre esprit s'agite et nous ne trouvons plus de repos. Au bout du compte, on embrouille tout, il n'y a plus d¹espace dans notre tête, c¹est pourquoi il faut revenir à ici et maintenant. Essaye: deux ou trois fois par jour, tu t'assois sur une chaise. Tu te poses, sans t'effondrer, mais pas non plus assise à moitié. Tu prends le temps de respirer, naturellement, doucement. Tu est ici et maintenant. Ne t'inquiète pas si des dizaines de pensées déboulent, n'essaie pas de les faire partir. Reste assise tranquillement, ici et maintenant. Dans le bouddhisme, les sages comparent notre esprit à un cheval sauvage. Il flâne ici et là, puis brusquement fait volte-face et part au galop pour s'arrêter soudain, s'immobiliser, et repartir.  Nos inquiétudes nous emmènent souvent au grand galope, et nous nous perdons de vue nous-mêmes. Ici et maintenant, c'est calmer ce cheval sauvage. Qu'on l'appelle méditation ou relaxation, ''Samadhi  en Inde'', ''zazen au Japon'', peu importe ! L'important est de prendre quelques instants pour se retrouver soi-même au milieu de l'agitation du quotidien. J'ai envie de dire : refaire connaissance avec soi-même. Il faut s'accueillir soi-même comme on accueillerait un invité. Quelques instants pour soi dans la journée, ce n'est pas une action égoïste. Nous savons bien que les jours où nous nous levons de mauvaise humeur, cela va se propager et la journée risque de devenir épouvantable si nous ne faisons pas un effort pour changer ! Et lorsque notre corps et notre esprit sont tranquilles, ce calme touche également les autres et aide à dénouer des situations tendues ou difficiles. Mais on ne peut pas décréter :  D'accord, je suis calme!, ça ne marche pas comme ça. Ce ne sont pas nos mots que les autres perçoivent mais directement notre état d'esprit.» Depuis, je reçois régulièrement des coups de téléphone d'Odette : « Tu sais, ça marche ! Quand quelque chose me tombe sur la tête, je m'assois, et je me dis : ''Ici et maintenant.''  D'ailleurs, je le fais chaque jour, même quand tout va bien.  On ne peut pas croire qu'une si petite chose ait de si grands effets. Oui, revenir à soi-même, respirer, lâcher les pensées qui tournent en tous sens : apprécier le goût de ''Ici et maintenant'', c'est une grande découverte si simple...» Luce Joshin Bachoux Nonne bouddhiste, elle a été ordonnée au Zuigakuin, un monastère de la montagne Japonaise, voici plus de quinze ans. Elle a ouvert en 1991 la «Demeure sans limite», à la fois Temple zen et lieu de retraite, à Saint-Agrève, en Ardèche. .

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