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Mexique (Part 2)

Publié le 04 août 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 4 août 2010

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Je reviens à mon coup de coeur pour le Mexique. Cet amour m'a été rendu au centuple… C'est le début de cette histoire que je veux vous conter.

Je suis donc partie un beau jour, munie de mon “laisser-passer” zapatiste, dans le but d'étudier la vie de ces communautés et d'en faire mon mémoire de maîtrise. J'avais dans mes bagages des médicaments demandés par les Zapatistes, distribués gracieusement par mon toubib et les pharmaciens de mon quartier… Une fois à Mexico, j'aurais acheté du fil de coton à broder pour les femmes zapatistes qui voulaient continuer la lutte en transmettant leur culture (tissages et broderies) à leurs enfants. Nous étions en 97, et les Zapatistes refusaient de se taire, tout en créant de plus en plus d'adeptes à l'étranger… ce qui énervait beaucoup le gouvernement fédéral (en pleine campagne électorale). Les militants extérieurs venus principalement des USA et d'Europe pour soutenir les communautés étaient nombreux au Chiapas.

A peine arrivée à Mexico dans mon petit hôtel pas cher et sympa, je vois à la télé des scènes horribles de policiers en hélicoptères débarquant au beau milieu d'une communauté, tabassant les indigènes, embarquant les étrangers venus à la rescousse, installant des barrages sur les routes d'accès principal à la communauté où j'étais sensée me rendre. Les télés, privées et publiques, à la solde des riches et d'un gouvernement corrompu jusqu'à l'os, passaient ces images en boucle et disaient combien il était risqué de tenter de s'introduire dans une de ces communautés puisque toutes étaient encerclées par l'armée. Ca n'allait pas du tout dans mon sens et j'étais quelque peu contrariée. Je n'avais aucune envie de faire du tourisme alors que j'étais venue pour faire “du terrain” ! J'avais un mois… ce qui est très court pour expérimenter une activité d'ethnologue et étudier le fonctionnement d'une communauté.

Je décide alors de remettre au surlendemain mon départ en bus pour San Cristobal, puis pour les environs d'Ocosingo et d'aller me promener au gré du vent ou du métro (qui ressemble furieusement au métro parisien sauf au niveau des tronches des passagers).
Le lendemain, les scènes proposées par les télévisions étaient pires ! TV Azteca étant la plus délirante… je savais que les télés exagéraient mais bon, il n'empêche que le moindre étranger surpris dans les environs étaient immédiatement renvoyé chez lui par le premier avion. Je n'avais aucune envie de voir mon séjour se réduire à 3 jours à Mexico et un jour de voyage. La veille, j'avais repéré une tente “zapatiste” sur le Zocalo où j'étais allée faire un tour et “tâter” la température. J'ai vu qu'on pouvait y déposer notre aide aux Zapatistes… mais les gens présents n'étaient guère bavards. Pour la plupart, c'étaient des étudiants à l'université de Mexico, venus bénévolement gérer la logistique. Peu savaient vraiment ce qu'il se passait sur place.

Je décide donc d'aller apporter les médicaments et les rouleaux de coton à broder achetés aux jeunes du Zocalo. Si j'allais au Chiapas, je serais ainsi moins encombrée par les paquets. Un petit sac me rendrait plus véloce. J'arrive au Zocalo après avoir pris mon jus vitaminé quotidien (des guitounes vous proposent des jus divers et variés de fruits et légumes frais) et vais déposer mon gros sac de médocs et de fils. Et je traîne encore… sous la tente, aux alentours, ne sachant que décider mais assez découragée par les images vues récemment à la télé, presque résolue à aller faire du tourisme du côté d'Oaxaca ou d'un autre état de l'Ouest.

A ce moment-là, je vois un jeune homme avec un sac à dos et un blouson rouge qui font appel à mes souvenirs de manif. Il regarde les photos du Chiapas qui sont exposées… je m'approche pour mieux le distinguer… il ressemble à Eduardo, l'un des deux militants zapatistes avec lesquels j'avais manifesté devant l'Ambassade quelques mois avant. L'autre était une femme, Luz, travaillant pour une ONG de paysans. Je lui tapotte sur l'épaule, il se tourne, et c'est effectivement Eduardo qui me fixe, réfléchit, ouvre des grands yeux et se souvient ! Il me saute au cou car il m'a reconnue ! Je n'en reviens pas… il n'en revient pas…

C'est dingue ça, de rencontrer un militant zapatiste vu une fois à Paris, ce dans une megalopole de plus de 15 millions d'habitants. Il me dit que j'ai une bonne étoile. Je le crois parce que rencontrer par hasard un jeune dont je ne connaissais rien, à part son prénom, c'est vraiment avoir la baraka… ou être une fée. Je suis folle de joie de l'avoir retrouvé. Eduardo me raconte qu'il est étudiant en musicologie à l'université de Mexico, qu'il vit à Xochimilco avec sa famille, et veut absolument m'emmener boire un coup avec des amis à lui, zapatistes aussi. Et me voilà invitée le soir à une fête, entourée d'étudiants mexicains, militants zapatistes, avec qui je peux enfin parler de ce qui se passe sur place, de mes projets etc.

Mon problème de “terrain” n'est toujours pas résolu mais qu'importe… j'ai déjà une communauté sous la main en cas de gros pépin. Le lendemain, je suis invitée dans la famille d'Eduardo. Tous les dimanches, partout au Mexique, les enfants, petits-enfants, etc. vont chez les grands-parents, la grand-mère veuve, l'emmènent au restaurant. C'est le jour de la famille. Eduardo vient me chercher, et nous partons en métro puis en train pour Xochimilco, banlieue lointaine de Mexico. C'était avant une ville pleine de caneaux, de fleurs, réserve d'eau des habitants de Mexico. La sécheresse et la réputation de ce marché aux fleurs, avec des bateaux peints de mille couleurs ont eu raison de cette ville-fleur… c'est devenu du grand n'importe quoi.

Eduardo me montre les dessins pro-zapatistes et anti-gouvernementaux faits par lui et ses équipiers la nuit, sur les murs de la ville. Ensuite, c'est la bouffe chez la abuela. Nous sommes une vingtaine à table et je suis accueillie avec LA phrase mexicaine (chaque fois vérifiée) : “mi casa es tu casa” (ma maison est ta maison). Le père et l'oncle d'Eduardo doivent avoir mon âge, et sont profs à la fac. Je me sens bien avec ces gens… La bière coule à flots, suivie par la tequila reposada (qui a un autre goût que celle qu'on vend en France). Je suis de plus en plus relaxée, je me sens portée par la générosité de cette famille. Avant d'oublier à cause des vapeurs d'alcool, je demande à Eduardo s'il a des nouvelles de Luz, l'autre militante de Paris. Bien sûr, me dit-il, elle vit à Tlaxcala, à 3h de bus de Mexico. Il a même son numéro de téléphone qu'il me note sur un papier, à côté du sien. Il me raccompagne à mon hôtel à la nuit.

Le lendemain, j'appelle Luz depuis mon hôtel et, lorsque je lui dis mes hésitations quant à la situation des communautés zapatistes du Chiapas et mon mémoire de maîtrise à faire, elle me répond : “viens ici, tu m'expliqueras ce que tu veux et on tâchera de voir ce qu'on peut faire“. J'ai fait mes paquets, prévenu Eduardo de mon départ, suis allée à la gare routière prendre le bus pour Tlaxcala et Luz est venue me récupérer en VW avec quelques femmes indigènes de son ONG. En 3 semaines, j'ai pu étudier tout ce que faisait la CNUC de Tlaxcala, sur un fond de militantisme zapatiste. Ca a été mon terrain pour mon mémoire. Et ça a été toute une histoire, de bouffées d'émotion, de larmes, d'énervements, de franches rigolades, de fiestas magnifiques, de manifestations, de courses-poursuites par la flicaille… Mais ça, c'est une autre histoire.

C'était juste pour vous parler de cette belle étoile qui me protège, découverte dans ce pays si vivant et si vibrant.


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