Grand frère

Je ne te l'ai jamais demandé, mais que te reste-t-il de notre enfance ?
Moi, je me souviens encore de t'avoir ébouillanté en nous faisant du "Bolino". Je me souviens aussi que tous les deux, on s'endormait souvent devant "Winnie l'ourson" sur FR3 en attendant le retour des parents.
C'était il y a des années. Beaucoup d'années. On était en primaire, on vivait à Vitry et on détestait les bonnes qui s'occupaient de nous.
Quand j'y repense, je me dis qu'on a malgré tout bien évolué. Parce que les parents, ils n'étaient pas si présents que ça. Enfin quand je dis bien évolué, je parle surtout de toi. En Angleterre, on t'appelle quand même Docteur Lao-Sirieix ! Et puis quand je vois Nathan et Inès...
Je crois que tu as toujours été plus forte que moi. Plus courageuse aussi. Même si l'aîné dans l'histoire, c'est moi. Tu m'appelles "grand frère", mais à côté de toi, je n'ai pas grand chose de grand, à part peut-être la fierté que j'ai à te voir réussir si bien la vie que tu as choisie.
Je ne te l'ai jamais demandé non plus, mais es-tu heureuse ?
C'est une question qu'on ne pose jamais aux gens qu'on aime vraiment, comme si notre amour suffisait à les rendre heureux...
As-tu souffert du fait que j'étais le chouchou de maman ? As-tu souffert d'être partie vivre seule en Angleterre ? As-tu souffert, comme moi je l'ai été, du divorce des parents ?
Mon dieu que le temps passe vite.
On se voit peu. Et parfois, je souhaite que tu reviennes ici, en France. Pour rattraper le temps perdu. Pour être auprès de nous. Parce que même si je n'ai pas grand chose de grand, je reste ton "grand frère" et un grand frère, ça s'inquiète beaucoup pour ses petites soeurs.
Et puis il y a aussi Nathan et Inès qui me manquent énormément et que je ne vois pas assez non plus...
Je t'ai toujours peu parlé de ma vie. Comme si j'avais beaucoup à te cacher. Le fait est que je n'ai pas grand chose à dire à ce propos. Le fait est que je ne suis pas particulièrement fier de moi-même. Le fait est que un "grand frère" qui n'est pas tout le temps joyeux, ça n'est pas un exemple à montrer...
J'aurais encore tant de choses à écrire ce soir. Parce que parler de la soeur avec qui j'ai grandi, c'est comme raconter toute une vie.
Mais il est presque deux heures du matin.
Et si je continue, les larmes vont vraiment me monter aux yeux.
J'ai un entretien demain. Ça serait dommage d'y aller les yeux bouffis...