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170ème semaine de Sarkofrance : la diversion ratée de Nicolas Sarkozy

Publié le 07 août 2010 par Juan
170ème semaine de Sarkofrance : la diversion ratée de Nicolas SarkozyIl croyait avoir bien fait: une déclaration sécuritaire qui surprit tout le monde où, à partir d'un fait divers opposant police et truands, il réussit à mêler intégration, immigration, Roms, et déchéance de nationalité pour certains Français récents. Las, Nicolas Sarkozy pouvait constater, 8 jours plus tard, que la partie était loin d'être gagnée.
Enfin les vacances ?
Il est enfin arrivé au Cap Nègre, mercredi avec épouse, vélo offert par Martine Aubry, et lectures de vacances. Un collectif l'attendait, manifestant pour l'abolition des privilèges. Il faut avouer qu'atterrir le jour anniversaire de la nuit du 4 août 1789 était particulièrement maladroit, après deux mois de polémiques sur les conflits d'intérêt et cadeaux fiscaux de son gouvernement.
En début de semaine, Nicolas Sarkozy pensait pouvoir quitter Paris avec le sentiment du devoir accompli : ses propos «toni-truands» sur l'insécurité vendredi à Grenoble avaient surpris la plupart des observateurs: à partir d'un fait divers affrontant policiers et truands dans une banlieue de l'Isère, Sarkozy a tout sorti, tout amalgamé, tout mélangé : les sans-papiers, l'échec de l'intégration des immigrés depuis 50 ans, la déchéance nationalité pour les criminels violents d'origine étrangère, les Roms, et même la suppression des allocations déjà votée. Le Figaro nous expliquait que l'affaire avait été préparée de longue date. Claude Guéant avait multiplié les contacts avec certains hauts perchés de la police pour alimenter le président et ses proches en anecdotes sécuritaires pour tout l'été. Dimanche, un supplétif des Alpes Maritimes du nom d'Eric Ciotti, et dont l'épouse a été casée dir com' adjointe d'Estrosi à la mairie de Nice, annonçait qu'il prévoyait une peine de prison ferme pour les parents d'enfants délinquants qui ne suivraient pas le parcours probatoire délivré par le juge. Brice Hortefeux promettait d'étendre la déchéance de nationalité à des cas d'excision ou de polygamie. Lundi, Eric Besson complétait que cela ne serait pas constitutionnellement si difficile. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, ajoutait jeudi que «la délinquance, chacun sait qu'il y a des liens avec l'immigration». Xavier Bertrand défia Martine Aubry en duel médiatique, lui proposant un débat public sur le sujet. Et le Figaro complétait l'affaire d'un sondage jeudi soir qui affirmait que les Français, même de gauche, plébiscitaient les propositions présidentielles. Qu'importe si ces résultats s'appuyaient sur une poignée de centaines de sondés, pour ce qui concerne les élucubrations assénées par le Figaro sur les désirs profonds du «peuple de gauche». Qu'importe si les «sans-opinions» ne sont pas comptabilisés. Il n'y avait qu'à lire les chroniques de l'été 1940 dans les pages estivales du Monde pour se rappeler qu'un sondage similaire sur les premières mesures du gouvernement Pétain contre les juifs et les étrangers auraient eu le même assentiment populaire. Quelle infamie ! Ces dérapages ne sont malheureusement pas nouveaux. La même droite «républicaine», déstabilisée par le Front National dans les années 80, usait et abusait de ces mêmes outrances. On croyait que l'électrochoc d'avril 2002 avait servi de leçon. Visiblement pas pour tout le monde. Michel Rocard s'est étonné de telles annonces, inédites selon lui depuis ... les Nazis. Bravo, Nicolas !
Ratage sécuritaire
Depuis 8 jours, toute la Sarkofrance s'est ensuite essayer à attirer la France et l'opposition dans cette funeste surenchère : alors, t'es cap' ou t'es pas cap' ? On ne savait pas que la conduite des affaires de la Nation pouvait se résumer ainsi à des comportements, par ailleurs irresponsables, indignes même dans une cour d'école.
A l'étranger, l'image de la France est affaiblie. Le New York Times, dans son édition du 6 août, expliquait à ses lecteurs que Nicolas Sarkozy réveille de dangereux sentiments xénophobes pour un gain politique à court terme. A Londres, le Guardian parle d'incitations à la haine raciale. Faut-il qu'il soit inquiet, Nicolas Sarkozy, pour se rabaisser ainsi ? L'affaire pourrait se révéler finalement dangereuse... pour lui. Son propre bilan de lutte contre l'insécurité est désastreux. Depuis 2002, il prend chaque fait divers violent en exemple pour pondre une nouvelle loi. Et c'est justement la délinquance violente qui ne cesse de progresser depuis 2002. Fait remarquable, même les syndicats de police ne sont plus dupes: à force de sabrer les effectifs et les moyens, les policiers en ont marre de ce caïd de pacotille qui joue les fiers-à-bras sitôt descendu de son jet présidentiel.
L'opération sarkozyenne du weekend dernier a ainsi triplement échoué. Primo, l'ensemble des médias ont autant traité de la diversion que du fonds des propositions. Même le Figaro, dans l'un de ses premiers articles, nous dévoilait toute la tactique électorale et médiatique à l'oeuvre depuis l'Elysée pour sortir la fin de mandat de Sarkozy du sale climat des affaires. Secundo, chacun s'est amusé à rappeler le propre bilan de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre l'insécurité : à la manoeuvre depuis 2002, le président français n'est pas parvenu à juguler cette délinquance violente qu'il dénonce pourtant sans discontinuité. Les violences aux personnes ont cru pour atteindre le nombre record de 460 000 à fin juin dernier, leur taux d'élucidation s'est dégradé sous la barre des 60% (alors qu'il atteignait 70% en 2002). Mercredi, caméras et journalistes étaient conviés à l'aube à Grenoble pour assister à 4 interpellations de suspects, une centaine de policiers à l'appui. L'opération fut un échec.  Faute de preuves, les quatre furent relâchés. Le lendemain, Hortefeux installait le nouveau groupement régional d'intervention, basé à Grenoble. Trente-huit policiers auraient été attribués en renfort, pour l'essentiel de la bleusaille, et de toute façon insuffisants pour compenser les départs prévus.
Tertio, la diversion n'a pas effacé la polémique sur les conflits d'intérêt qui entourent le gouvernement, et notamment Eric Woerth.
Conflits d'intérêt élargi
Ce dernier a été pris dans une nouvelle affaire. Mercredi, le quotidien Libération l'accuse, lettre d'avril 2008 à l'appui, d'avoir abandonné 27 millions d'euros d'impôts, ainsi que toutes les pénalités afférentes, à l'exécuteur testamentaire du sculpteur Cesar, qui serait par ailleurs un fidèle donateur de l'UMP. Entre amis, on se comprend. Il n'y eut que Jack Lang, décidément en mal de notoriété, pour louer l'intervention de Woerth. Quand le ministre et le donateur accusent Libération de désinformation et d'amalgame, le quotidien réplique en publiant la lettre, et ... rappelle l'affaire Guy Wildenstein : un ami du Président, fondateur du Premier Cercle, et patron des UMPistes de la Côte Ouest des Etats-Unis, est accusé par sa belle-mère d'avoir subtilisé des milliards d'euros d'oeuvres d'art de son père décédé. La justice a reconnu l'évasion fiscale, «un héritage familial». La veuve a écrit au ministre Woerth l'an dernier, sans réponse... Il ne faut pas déranger l'ami Guy, comme l'appelle Nicolas Sarkozy.
On s'intéresse également au proche cabinet d'Eric Woerth aux ministères du Budget puis du travail. Il semblerait que tout le Premier Cercle y est ses entrées : le jeune et doué Sébastien Proto, fidèle conseiller de Woerth, n'est autre qu'un ami proche d'Antoine Arnault, fils de Bernard Arnault, et beau-fils de Patrice de Maistre... La publiciste Anne Meaux, qui gère depuis juin la communication de crise du ministre accusé et acculé confirme la proximité des deux hommes. Proto passe ses vacances en Corse dans la villa Arnault et sur leur yacht, immatriculé dans un paradis fiscal, alors que de Maistre et Woerth sont impliqués dans une même affaire judiciaire. En Sarkofrance, l'amitié n'a pas de frontière, fusse-t-elle celle du conflit d'intérêt. Bref, Eric Woerth a du mal aujourd'hui à maintenir qu'il connaît à peine le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt.
Patrice de Maistre, justement, a démenti certaines affirmations d'Eric Woerth lors de son interrogatoire de complaisance le 29 juillet dernier : oui, il a bien reçu Florence Woerth, à la demande de son mari, après l'élection de Nicolas Sarkozy, pour la «conseiller» sur sa carrière. Quatre mois plus tard, elle était embauchée. Et dans les enregistrements pirates de ses conversations avec Liliane Bettencourt révélées par Mediapart, on pouvait l'entendre affirmer à sa patronne qu'il n'aurait pas dû l'embaucher pour faire plaisir à Woerth...
Autre proche d'Eric Woerth à récolter enfin quelques attentions cette semaine, Eric de Sérigny, gestionnaire de fortune, est aussi conseiller d'Eric Woerth, en charge des «relations avec le monde économique». Le titre est officiel mais sa nomination aux ministères du Budget puis du Travail n'a jamais été publiée au Journal Officiel. A en croire le Canard Enchaîné, c'est grâce à lui qu'Eric Woerth recrute pour le Premier Cercle. Il a aussi usé de son entregent pour glisser le nom de Patrice de Maistre dans la liste des légionnés d'Honneur. Sérigny est aussi administrateur «non indépendant» d'Imérys, le leader mondial des minéraux industriels, dont l'actionnaire de référence est Albert Frère, autre proche du président. Un autre administrateur d'Imérys est Robert Peugeot, descendant de la famille du constructeur automobile. Selon le JDD, ce dernier a dîné avec Eric Woerth le lendemain d'un cambriolage à son domicile, le 5 décembre 2009, pour s'éviter un redressement fiscal sur 500 000 euros de lingots d'or dérobés et déclarés pour 150 000 euros seulement au fisc. Pour compléter l'affaire, le directeur général adjoint d'Imérys n'est autre que le mari de Valérie Pécresse. Et l'ancien directeur général du Fond Stratégique d'Investissement, ce «machin» créé par Sarkozy et co-détenu par la Caisse des Dépôts et Consignations pour incarner la politique de relance industrielle de la France début 2009, vient d'être recruté par Imérys.
Le mari de Christine Lagarde, Xavier Giocanti, se fait lui aussi épinglé: il dirigeait, de 2003 à 2005, une association de création d'entreprises, laquelle vient de se voir réclamer le remboursement d'un million d'euros de subventions européennes perçues à l'époque. La cour européenne de justice n'a pas apprécié la légèreté avec laquelle le caractère non lucratif de l'association était gérée: soutien logistique et humain de la mairie voisine de Marseille, gestion des aides mal ficelé, etc, l'accusation est sévère. Pas très loin de Marseille, à Nice, on s'étonne de la gestion très familiale et iconoclaste de la mairie de Christian Estrosi : ce dernier a embauché l'épouse du député Eric Ciotti, si virulent contre les parents d'enfants délinquants. Il vient aussi d'annuler un appel d'offre de 153 millions d'euros pour les cantines scolaires de la ville, après avoir été épinglé pour favoritisme par le procureur local.
De copinage en héritage, de conflits d'intérêt en cadeaux fiscaux, la Sarkofrance paraît bien éloignée des clichés qu'elle promeut à longueur de discours sur le travail et le mérite.
Au fait, les deux secrétaires d'Etat soi-disant «démissionnés» du gouvernement en juin dernier pour abus de leur  fonction, Alain Joyandet et Christian Blanc, retrouveront, sans élection, leur siège de député à la rentrée prochaine. Quelle sanction !
Commissions étrangères
Lundi, Sarkozy recevait le président pakistanais. Une vieille connaissance. Asif Ali Zardari était déjà au gouvernement (de son épouse Benazir Bhutto), en 1994 quand la France balladurienne céda 3 sous-marins nucléaires à son pays. A l'époque, on le surnommait «Monsieur 10%», à l'image du pourcentage de commissions occultes qu'il était censé réclamer sur chaque gros contrat. Le Karachigate s'est ainsi invité dans cet avant-dernier jour de travail du Monarque français avant sa trêve estivale.  Depuis l'attentat de mai 2002 qui coûta la vie à 14 personnes, dont 11 employés français de la DCN à Karachi, la piste d'Al Qaida a été remisée au placard. Le juge Trividic en charge de l'affaire soupçonne plutôt une vengeance pakistanaise suite à l'arrêt du versement des commissions occultes décidées par Chirac en 1995. Il soupçonne aussi le clan balladurien, avec Sarkozy en chef de file, d'avoir perçu des rétrocommissions pour financer la campagne d'Edouard. A Sarkozy qui qualifiait ces hypothèses de «fable» en juin 2009, la police luxembourgeoise a depuis rappelé que l'actuel président français avait supervisé la création de la société offshore en charge des commissions pakistanaises quand il était ministre du Budget d'Edouard Balladur.
Cadeaux fiscaux
On aurait pu parler de la politique économique du gouvernement, du taux de chômage qui vient de grimper en juillet à 9,5%, ou des efforts gouvernementaux pour réduire le déficit budgétaire. Justement, Christine Lagarde, la ministre des Finances, vient d'annoncer l'enterrement en première classe de l'une des mesures-phares du programme du candidat Sarkozy en 2007: la défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier, votée en août 2007 au sein du paquet fiscal. Sarkozy voulait stimuler la propriété. la mesure s'est révélée coûteuse et inefficace, aux dires même de la ministre. Prévue à 1,45 milliards d'euros en 2010, elle se chiffrera à 3 milliards d'euros dans deux ans. Pour la remplacer, le gouvernement de Sarkofrance n'a rien trouvé de mieux que d'élargir le prêt à taux zéro, jusqu'ici réservé aux classes modestes, à tout le monde: «le nouveau prêt à taux zéro sera universel, c'est-à-dire sans condition de ressource, mais il sera réservé aux primo-accédants.»... On croit rêver... Ce gouvernement n'oubliera jamais sa clientèle.
Pour les Français, les annonces de hausses de prix se succèdent et se ressemblent: les prix de l'électricité devraient augmenter de 3% en moyenne pour les ménages et de 4% à 5,5% pour les entreprises. L'Agence Internationale de l'Energie a critiqué la France nucléaire : les tarifs d'EDF ne reflèteraient pas le marché. Les primes d'assurance automobile devraient bondir de 3 à 5% l'an prochain. Le prix du blé, et même les tarifs SNCF sont aussi à la hausse. Tout y passe ! La croissance française, elle, a sérieusement ralenti au premier trimestre 2010, avec seulement 0,1% du PIB (après +0,6% trois mois plus tôt). Le déficit commercial s'est creusé à près de 25 milliards d'euros au premier semestre.
Un président outrancier qui pédale sur les rives d'une Côte dorée, ses proches qui dérapent en roue libre, une économie plombée... tout va bien en Sarkofrance. La rentrée est dans dans trois semaines.
Ami sarkozyste, repose-toi.

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