Magazine

Dalton Ghetti a 49 ans. Il est d’origine brésilienne. Il...

Publié le 08 août 2010 par Fabrice @poirpom
Dalton Ghetti  a 49 ans. Il est d’origine brésilienne. Il...

Dalton Ghetti a 49 ans. Il est d’origine brésilienne. Il vit dans le Connecticut, aux États-Unis. Il est charpentier.

Quand il était ado, il tombait parfois amoureux, le con. Quand son corps, alors en pleine mutation, frémissait à la vue d’une jolie blonde, il se taillait le crayon rigoureusement. Mais pas comme tout le monde. Il prenait le couteau que son daron lui avait offert pour ses douze ans et, patiemment, il incrustait le prénom de celle qui le chamboulait sur le bois. Puis, pétri par l’émotion, il offrait à la belle le fruit de son labeur amoureux. Miss Monde lui riait au visage, épaulée par la brochette de pétasses, sculptées comme des cagettes, qui lui servaient de copines. Elle riait, non pas parce que l’oeuvre de Dalton était approximative - l’animal était déjà bourré de talent - mais simplement parce les femmes sont cruelles et les adolescentes pires. Des hyènes moqueuses et destructrices. Puis elle taillait la route, avec sa meute. Sa gueule rieuse dégoulinante de sang. Mâchouillant le coeur de sa victime. L’ami Dalton était réduit à l’état de flaque sur le sol de la cour de récré.

L’ami Dalton s’est beaucoup cassé les dents sur le rire des hyènes de son bahut.

Puis il a grandi, guéri, mûri, quitté les bancs d’école pour apprendre un métier, un vrai. 

Charpentier. Exigeant et beau.

En apprenant à travailler le bois, il apprend la sculpture. Comme nombre d’amoureux de la chose, il se taille le bout le week-end. Son talent s’exprime, à plus grande échelle que celle d’un crayon. Mais très vite, il s’ennuie. Il veut du défi. Quelques chose qui le titille émotionnellement.

Les hyènes.

Le passé lui revient dans la gueule comme un boomerang trop bien lancé. Il fait les fonds de tiroir et dégote une demi-douzaine de crayons. Des machins épuisés, mâchouillés, à peine utilisables.

Puis il se met en quête d’outils. 

Une lame de rasoir, une aiguille et le couteau de mon vieux. Usé mais encore efficace.

Il s’installe devant son plan de travail, allume la lampe, s’assoit et commence, lentement, à gratter.

Depuis vingt-cinq ans, Dalton gratte les mines de tous les crayons qu’il trouve pour en faire des sculptures. Chacune d’entre elles lui prend des mois. Il n’en vend aucune. Il les offre à ses amis.

Au début, lorsqu’il en cassait une, il pétait un câble. Voir des heures, des mois de travail gentiment fracturés en deux le rendait fou furieux.

Il a changé quatre fois de téléviseur et dix-sept fois de poste de radio.

Aucun n’a survécu à mes colères.

Chaque sculpture cassée est précieusement conservée dans une boîte, appelée le cimetière, posée sur son plan de travail. Il jette un coup d’oeil chaque fois qu’il s’assoit.

Piqûre d’humilité.

Aujourd’hui, lorsque l’irréparable se produit, il se jette sur sa boîte de Lexomil, en croque une poignée, trempe la tête dans la cuvette des toilettes et va s’effondrer sur son canapé, dormir quelques jours.

Il émerge enfin. Prend une bonne douche, un bon p’tit déj. S’assoit et recommence. Pour une seule raison.

Faire taire les hyènes.

Aujourd’hui, Dalton Ghetti n’a qu’une seule crainte.

Parkinson.

(article du Telegraph)

- Via


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Fabrice 1390 partages Voir son profil
Voir son blog

Dossiers Paperblog