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Fascisme 2.0 : encore un effort !

Publié le 11 août 2010 par Ruminances

Posté par Christophe Certain le 11 août 2010

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Dans un article intitulé « fascisme 2.0 », je racontais l'année dernière les opérations en cours en divers points de la planète pour nous faire passer de la démocratie à la dictature, sous la coupe des industriels et des banquiers, et quelques-unes des méthodes utilisées.

Il est intéressant de constater, au vu du dernier discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble, que j'étais bien dans le ton. Définir des « Français » et des « Français d'origine étrangère », voilà longtemps que personne n'avait eu une idée de ce genre dans ce pays, très précisément depuis le régime de Pétain. Il ne reste plus maintenant qu'à mettre une mention « métèque » sur leur carte d'identité, ou leur coller une étoile jaune sur la poitrine ?

On entend actuellement beaucoup de gens à gauche relativiser ce discours extrémiste en dénonçant la tactique de Sarkozy qui lâche ce pet idéologique pour qu'on arrête de parler de l'affaire Bettencourt-Woerth, laquelle commençait à lui mettre le feu. Il n'y a guère de réponse sur le fond, de peur de se laisser entraîner dans la polémique.

On sous-entend que Sarkozy n'est pas plus aujourd'hui d'extrême-droite qu'il n'était hier « Grenelle de l'environnement », et qu'au bout du compte, il se contentera dans ce domaine comme dans les autres, de paroles, son seul objectif étant de draguer les électeurs du Front National. Je n'en suis pas aussi sûr.

Il est clair que Sarkozy se rapproche de l'extrême-droite non pas par idéologie (il n'a qu'une idéologie, celle de l'argent) mais par pragmatisme. Comme beaucoup l'ont souligné, il a peur d'un 21 avril à l'envers, et de ne pas arriver au second tour. Mais on peut pousser le raisonnement et se demander ce qui va se passer au second tour. Car il n'est pas sûr non plus de le gagner cette fois, et les derniers sondages indiquent paraît-il que si les élections avaient lieu aujourd'hui, il perdrait même contre Martine Aubry. Quoi qu'on pense des sondages, le risque est réel.

Alors que va-t-il se passer d'après vous ? J'espère me tromper, mais je parierais qu'après avoir poussé les feux le plus loin possible à l'extrême-droite, il finira par s'allier avec le Front National pour gouverner, s'il voit que ses chances de gagner seul ne sont pas suffisantes. Sarkozy ne renoncera pas au pouvoir, quel que soit le prix à payer, et les électeurs du Front National savent que quel que soit le score de Marine Le Pen, elle ne peut pas être élue présidente de la république. Par contre, en votant Sarko dans le cadre d'une alliance, ils sont sûrs d'avoir des membres du front au gouvernement, et des députés à l'assemblée. Marine premier ministre ? Impensable, me direz-vous ? Regardez donc ce qui s'est passé en Italie avec Berlusconi, l'avatar transalpin de Sarko, et son alliance avec le néo-fasciste Gianfranco Fini. Bien que la romance semble toucher à sa fin, elle a bien fonctionné pendant 20 ans. Avez-vous jamais entendu Sarkozy dire qu'il ne s'allierait jamais au FN ? Non, il n'a jamais dit une chose pareille. Il n'a jamais dit le contraire non plus, pas fou. Comme à chaque élection nationale depuis 20 ans, la gauche va se faire rouler dans la farine suite à un coup de théâtre au dernier moment, et la présidence lui échappera encore. Il ne restera plus, comme d'habitude, qu'à s'indigner et manifester dans la rue, mais il sera trop tard ! Vraiment, quelle malchance n'est-ce pas ?

On m'objectera que dans le camp même de Sarkozy, la fronde risque de monter et qu'un autre candidat à droite, comme Villepin ou Dupont-Aignan, risque de rafler la mise ? Eh bien c'est peu probable.

Il sera facile à Sarkozy de montrer, exemple de 2002 à l'appui, que présenter deux candidats de droite à la présidence de la République reviendrait à élire la gauche. S'il n'en faut qu'un, ce ne pourra être que lui. Et qui osera s'élever contre Sarkozy? Un pari hasardeux dans lequel y a peu de chances de gagner, mais la certitude de perdre ses mandats et même sa chemise en cas de défaite. La rancune de Sarkozy est tenace, demandez à Villepin. Et puis Sarkozy a été élu grâce à ses amis qui détiennent la presse et les finances. Il dirige lui-même les médias publics. Il tient les cordons de la bourse de l'UMP. Tous les membres du gouvernement sont à sa botte. Les médias ne sont pas pour la droite, ils sont pour Sarkozy.

Nous ne sommes déjà plus en démocratie. Sarkozy tient entre ses mains les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, plus la presse. Il ne reste que le conseil constitutionnel et le conseil d'état qui peuvent ralentir Sarkozy et l'empêcher de faire passer n'importe quelle loi débile. Mais la constitution ça se change. Et il y aura peut-être un moment où Sarkozy dira qu'il se fout du conseil constitutionnel et qu'il appliquera les lois qu'il veut! C'est bien ce qu'il a fait en nommant son ami Pérol à la tête de la fusion des caisses d'Epargne et de la Banque Populaire, au mépris de toutes les règles. Pourquoi se gêner ? En fait la seule chose qui fait que nous ne sommes pas tout à fait dans une vraie dictature, c'est qu'il y a encore des élections. Mais il faudrait que Sarkozy les perde pour que nous soyons débarrassés, et c'est loin d'être évident. Comme il le disait lui-même, « l'important c'est d'être élu » quels qu'en soient les moyens utilisés.

Maintenant on me dira également qu'il n'est pas sûr pour autant que Sarkozy applique réellement un programme d'extrême-droite, puisqu'il n'y croit pas lui-même. Et d'ailleurs, n'est-ce pas, il n'a rien fait en matière d'environnement, ni pour les paysans, ni pour les enseignants, etc. etc. Oui, c'est vrai, mais il faut avoir à l'esprit certaines choses : Sarkozy a des contraintes, il doit s'appliquer à faire plaisir aux amis qui lui ont permis d'arriver là. Industriels, banquiers, grandes surfaces… Or, faire plaisir à ces gens l'empêche de faire beaucoup de choses. Sarkozy ne demanderait peut-être pas mieux que de faire plaisir aux producteurs de lait en augmentant les prix du lait. Je suis sûr que Sarko adore faire plaisir. Mais augmenter les prix du lait reviendrait à baisser les marges de ses amis de la grande distribution, et malheureusement, ce n'est pas possible ! Pareil pour l'éolien et le solaire qui contrarient tellement ses amis dans le nucléaire. Pareil pour de nombreux domaines pour lesquels Sarkozy a tellement promis, avant de se rendre compte qu'il était impossible de faire quoi que ce soit sans déplaire à ses amis.

Car Sarko sait faire des choses quand il veut : le bouclier fiscal est une réalité tangible. La désintégration de l'état est bien en marche avec comme objectif de faire fondre chaque année le nombre de fonctionnaires et de démanteler les services publics. La prise en main des médias a été faite sans bavure, et le ménage se fait chez les rares journalistes irrévérencieux. La prise en main de la justice est en cours. La casse des retraites et de la sécurité sociale est bien avancée. La distribution de prébendes à tous les parrains de Sarkozy se passe comme prévu. Tout cela fonctionne très bien. Nicolas Sarkozy sait très bien ce qu'il fait, il n'est pas l'âne qui brasse de l'air pour lequel on voudrait nous le faire passer.

Mais à un moment il y a un autre problème, car la populace finit par s'agiter et demander des comptes. Donc Sarko va être obligé de faire quelque chose. Et comme il ne peut pas faire ce que souhaitent les gens, car ça déplaît à ses amis, eh bien il va proposer autre chose. En feuilletant tous les programmes idéologiques sur le marché, il est tombé sur celui de l'extrême-droite. Taper sur les étrangers, les roms ? Pas de problème, c'est compatible. Déchoir de la nationalité française ? Aucun problème. Mettre en prison les parents incapables de gérer leurs enfants délinquants ? Chiche ! Rétablir la peine de mort ? Eh ! On pourrait y réfléchir, par exemple pour les tueurs de flics, et on lance ça juste avant la campagne présidentielle pour faire perdre la tête à la gauche ! Vous êtes pour la police ou pour les assassins ? Etc. En fait ce programme est le seul dans lequel Sarkozy n'est pas condamné à la contradiction entre les paroles et les actes. Tout est permis. Non Sarko n'est peut-être pas facho, mais si ça peut lui permettre de rester aux manettes, il va faire le job. Et les électeurs du front national risquent en plus de finir par voter pour lui s'il applique le programme. Est-ce que quelqu'un a arrêté de serrer la main de Berlusconi le jour où il a fait alliance avec Fini ? Pas que je sache, à part ceux qui le détestaient déjà avant. Alors où est le problème ?

Jospin avait un très bon bilan en termes de réduction de l'endettement et du chômage, peut-être même aussi de la sécurité, et pourtant il n'a pas été élu. Rappelez-vous qu'à l'époque, le surnom de Chirac était « super-menteur » ! Il a été réélu. Supermenteur a été réélu ! Ceux qui se moquent aujourd'hui de Sarkozy en disant qu'il est au plus bas dans les sondages et que son bilan est catastrophique feraient bien d'y penser au lieu de se contenter d'attendre qu'il dégage en 2012, et de se répartir par avance les fauteuils.

Il y eut jadis une droite gaulliste, résistante, et il y eut aussi une droite de l'argent, qui s'entendit parfaitement avec l'extrême-droite vichyste pendant l'occupation. La dictature n'empêche pas les affaires de marcher, regardez en Chine. C'est cette même droite de l'argent qui a mené au pouvoir Nicolas Sarkozy aujourd'hui, celle du Fouquet's, et aussi d'autres acteurs plus discrets. Tout le monde le sait.

C'est cette même caste des industriels et des financiers qui porta jadis au pouvoir Hitler. Je ne compare pas Sarkozy à Hitler. Je dis juste que quand ça l'a arrangé, l'internationale du fric s'est alliée à l'extrême-droite ou à qui elle trouvait pour arriver au pouvoir. Et généralement ça se termine mal. Pas pour eux, pour nous. De Gaulle avait fait le ménage après la guerre. On dirait que les vautours sont revenus maintenant. Comme le disait Anatole France à propos de la guerre de 14 « On croit se battre pour la patrie, on meurt pour les industriels et les banquiers » Quoi de plus actuel à part la guerre ? Mais la guerre peut prendre de multiples formes.

Contrairement à ce qu'on peut logiquement penser, le fait de plonger délibérément le pays dans le chaos en pratiquant une politique anti-sociale peut très bien servir les objectifs futurs de Sarkozy. En laissant filer le chômage, en exacerbant les peurs et les haines, en opposant les « Français de souche » et les immigrés, les salariés du privé contre les fonctionnaires, les jeunes contre les retraités, en poussant en d'autres termes le pays vers la guerre civile, il peut continuer à dominer le jeu dans une surenchère permanente de violence. C'est lui qui mène le jeu et qui prend les initiatives. C'est la fameuse stratégie de la tension qui a été si bien appliquée pendant les fameuses “années de plomb” italiennes. Des émeutes dans la rue en septembre, et d'éventuels « attentats anarchistes » réels ou provoqués de toutes pièces pourraient lui permettre rapidement de durcir encore les lois et de museler toute contestation.

Que va-t-il se passer dans les années à venir ? Vous croyez vraiment que la reprise va arriver et que la vie reprendra comme avant avec 3% de croissance annuels ? Nous avons connu la pire dépression depuis les années 30. En 2009 la France a connu le pus grand nombre de destruction d'emplois depuis la guerre, et encore les chiffres du chômage sont honteusement truqués. Les Etats-Unis, qui ont toujours été le moteur de la croissance ont atteint un taux d'endettement abyssal, aussi bien au niveau de l'état que des particuliers, car les Américains ont compensé la baisse de leur niveau de vie par l'endettement. Ils sont aujourd'hui en état de faillite, et ils ne doivent qu'à l'exorbitante suprématie du dollar le fait de ne pas se désintégrer. Mais à un moment il faudra que quelqu'un paie, à moins de continuer la fuite en avant dans la guerre, par exemple en Iran. Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ?

Sarkozy sait très bien que non seulement il n'y aura pas de reprise avant longtemps, mais que la situation sociale va empirer. Et il n'a pas de baguette magique pour sortir de là, d'autant plus qu'il a fait allégeance aux forces de l'argent, qui sont les seules bénéficiaires de la situation actuelle. Il n'y a qu'à ces gens qu'il ne peut pas raconter de salades, il est coincé. Alors la seule solution est de prendre les pleins pouvoirs, de serrer la vis, et de trouver des dérivatifs à la colère populaire. Nous y sommes.


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