Réfléchissant depuis plusieurs années au problème de la fiscalité verte, je suis profondément convaincu que celle-ci peut devenir un des principaux leviers du changement de comportement dont nous avons besoin pour à la fois avancer vers un monde plus "propre" et pour sortir de la crise multiforme que nous subissons.
Encore faut-il que cette fiscalité soit efficace.
Lors d'un débat avec Jacques Weber, j'ai tenté de définir ce qu'elle ne pouvait pas être : ni internationale, ni élevée, ni remplaçant des taxes existantes.
Tentons maintenant de résumer les trois principales qualités que doit développer, de mon point de vue, une fiscalité environnementale utile.
1-La totalité de l'argent récolté par ces taxes vertes doit être utilisée pour investir dans l'économie verte. En effet, les principaux problèmes que nous allons rencontrer si nous voulons vraiment faire évoluer nos sociétés, proviennent essentiellement du coût des installations nécessaires. Transports en commun ou voiture électrique, éolienne ou panneau solaire, toilette sèche ou réservoir d'eau de pluie, constructions en matériaux recyclables, les différents acteurs concernés (ménages, entreprises, pouvoirs publics) vont avoir tous le même problème : où trouver, dans des sociétés déjà très endettées, les moyens financiers d'investir?
La fiscalité verte ne doit servir qu'à cela : favoriser l'investissement, en étant le premier levier de celui-ci. On pourra aussi, consacrer une part de cette fiscalité (5%?) à la recherche.
2-La taxation écologique doit rester faible. Par contre, elle doit être croissante. Cette croissance doit être prévue et connue.
Pourquoi faible? Il ne s'agit pas de "frapper fort" en voulant dissuader les différents acteurs par le coût du dégagement de CO2. Car la coercition ne sert à rien si les acteurs n'ont pas les moyens de changer leur comportement.
Faible mais inexorable, la taxation verte doit permettre à chacun de prendre ses responsabilités, en toute liberté, mais en ayant la certitude que la collectivité publique lui donnera les moyens d'évoluer.
Cette démarche transparente facilitera l'acceptabilité de ces taxes.
3-Une contribution verte doit être spécialisée et doit équilibrer ses recettes et ses dépenses.
Si l'argent récolté doit contribuer à investir dans le domaine environnemental, il serait sain, du point de vue éthique et comptable, que chaque contribution soit spécialisée et que, concernant un public particulier, ce public là soit le seul bénéficiaire de l'argent récolté.
Si le transport routier subit une contribution écologique parce que cette activité économique est polluante. Il serait normal que cet argent revienne à ces mêmes entreprises de transport pour qu'elles puissent investir dans des démarches et des outils de travail moins polluants.
Si les utilisateurs de voiture individuelle paient une contribution sur leur consommation d'essence, il serait normal que cet argent permette à la collectivité d'investir dans des démarches de mobilités plus écologiquement responsables (autolib' électrique, transport en commun, ...).
Si chaque contribution est spécialisée, elle doit alors équilibrer ses recettes et ses dépenses de manière à ne pas coûter à la collectivité. L'évolution de ses recettes étant prévue à l'avance, la variable d'ajustement viendra des dépenses: on fera donc évoluer chaque année les possibilités d'investissement pour qu'elles ne dépassent pas les capacités de recettes fiscales.
Cette démarche, radicalement différente de celle de la taxe pigouvienne dite taxe carbone, je l'ai appelé méthode des contributions incitatives. Le pluriel étant de rigueur, puisqu'il ne s'agit pas d'une taxe unique mais d'une multiplicité de contributions différentes, étroitement adaptée à chaque situation particulière.
Pour aller plus loin sur les contributions incitatives:
Quelles sont les différences entre taxe carbone et contribution incitative?
L'auto-contribution, une forme de fiscalité gagnant-gagnant
L'avance sur recettes au cinéma : un système fiscal reproductible
Inventer un système fiscal écologique innovant