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Emploi : quand le gouvernement nous prend pour des ânes

Publié le 13 août 2010 par Juan
Emploi : quand le gouvernement nous prend pour des ânesEn 2009, la France a détruit un nombre incroyable d'emplois salariés en 2009. La nouvelle a été largement commentée et analysée. Mais le rapport des services d'Eric Woerth, publié le 5 août dernier, livrait d'autres informations, des constats plus troublants pour le discours dominant: traitement social du chômage en trompe l'oeil, pré-retraités poussés chez Pôle Emploi, sous-emploi faramineux, la liste est longue, et noire.
1. Jeudi dernier, la direction des études économiques du ministère du travail publiait un bilan de l'emploi en 2009: 255 000 emplois ont été détruits en 2009, après 145 000 l'année précédente. On s'abritera derrière la crise pour l'explication majeure de cette dégradation sans précédent. Mais la DARES fournit surtout une photographie très complète du nombre de Français en recherche d'emploi : à fin 2009, on comptait 4,379 millions d'inscrits à Pôle Emploi, dont 1,3 millions de longue durée, et 529 000 dispensés de recherche d'emploi (stage, formation, maladie).
Sur ces 4,4 millions, seuls 2,236 millions étaient indemnisés par Pôle Emploi, un nombre inférieur de 400 000 aux demandeurs d'emploi sans aucune activité (2,645 millions).
2. La mesure du chômage technique est rarement connue, donc rarement communiquée. La DARES répare cette lacune. Fin 2009, le sous-emploi concerne 1, 439 millions de personnes, dont 1,026 millions de femmes. Cette mesure regroupe les temps partiels contraints et le chômage technique partiel en entreprise. Et le sous-emploi ne s'est pas résorbé : il était de 5,1% de la population active fin 2008; il a culminé à 5,7% au second trimestre 2009. Il était toujours à 5,6% fin 2009.
3. La DARES livre aussi une estimation du «halo» du chômage, c'est-à-dire ces chômeurs cachés : en 2009, «près de 850000 personnes souhaitaient travailler mais n’avaient pas été comptabilisées comme chômeuses, soit 2,1 % de la population en âge de travailler.»
Sommons ces différentes catégories : 4,4 millions de demandeurs inscrits à Pôle Emploi + 850 000 chômeurs cachés + 1,1 millions de sous-employés (*), soit un total de 6,3 millions de personnes en manque d'emplois à la fin de l'année dernière. Nous sommes bien loin des commentaires gouvernementaux sur la seule catégorie A officielle de Pôle Emploi...
4. On l'a dit et répété sur ce blog, la récession économique a débuté en France avant le krach boursier de l'automne 2008. La faillite des subprimes américains a eu des répercutions faramineuses sur l'économie mondiale. Mais en France, les banques - on nous l'a souvent répété - ont bien résisté, moins exposées qu'elles étaient à ces risques spéculatifs. Et en France, l'emploi s'est dégradé plutôt qu'ailleurs, quelques mois, pour être précis, après l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, de la fameuse défiscalisation des heures supplémentaires. La mesure phare de Nicolas Sarkozy a précipité la dégradation du marché du travail. La DARES rappelle en effet que «la contraction de l’emploi total» a été «entamée au deuxième trimestre 2008». En particulier, elle précise que l'emploi intérimaire s'est effondré dès le 1er trimestre 2008. L'intérim a été le premier affecté par l'effet d'aubaine de la mesure sarkozyenne. La DARES parle de «pertes historiques», et ce, jusqu'au premier trimestre 2009.
5. Bizarrement, le nombre de contrats aidés n'a pas véritablement progressé pendant la crise, alors que la dégradation de l'emploi a été hors normes. Fin 2007, l'économie comptait 1,383 millions de bénéficiaires d'emplois aidés. Fin 2008, ils étaient 1,236 millions; fin 2009, 1,245 millions.  En d'autres termes, le gouvernement, et son secrétaire d'Etat à l'Emploi, n'a pas fichu grand chose. La DARES note bien une envolée du nombre de bénéficiaires de Contrat de Transition Professionnelle (CTP) et de conventions de Reclassement Personnalisé (CRP) : de 30 000 fin 2006, ils sont passés à 92 000 fin 2009. Mais d'autres dispositifs d'aides se sont affaissés. Par exemple, le nombre de contrats en alternance a diminué de 439 000 contrats créés en 2007 à 425 000 en 2009. Pour un gouvernement qui se félicitait d'avoir relancé l'apprentissage, la nouvelle fait tâche.
6. En 2009, plus de 6 millions de personnes sont «entrées» dans les statistiques de Pôle Emploi, toutes catégories confondues. Et 5,356 millions en sont sorties. La première cause de sortie n'était pas la reprise d'emploi (1,016 million) ni l'entrée en stage (361 000), ni l'arrêt de recherche (447 000), mais les «cessations d'inscription pour défaut d’actualisation» : 42% des sorties, (soit 2,261 millions en 2009), en hausse de 11% par rapport à 2008 ! Les radiations sont également allées bon train : 571 000 en 2008, et encore 492 000 l'an dernier.
7. Malgré la crise, le gouvernement a resserré les conditions d'accès à la dispense de recherche d'emploi. La DARES confirme: «Quant au nombre de personnes dispensées de recherche d’emploi indemnisées, il a continué à baisser en 2009 (-28000 après -31200 en 2008). Après l’intensification du suivi des demandeurs d’emploi senior en 2008, cette baisse s’explique par le resserrement progressif des conditions d’accès au dispositif, en termes d’âge requis.» Ou encore : «la proportion de personnes âgées de 55 à 59 ans (âges les plus concernés par ces mesures), qui bénéficie d’une DRE, d’un DAR ou d’une préretraite à financement public, a fortement reculé en 2009, particulièrement pour les hommes.» Environ 14 000 seniors de 50 à 64 ans ont été ainsi «poussés» en activité par les mesures de 2009.
8. Les seniors sont donc plus nombreux à être actifs, mais ils pointent plus rapidement au chômage que lors des crises précédentes (1993 notamment). La DARES relève que le taux d'emploi des seniors (55-64 ans) s'est amélioré : de 40,5% en 2003 à 41,8% en 2009, grâce à l'effet des réformes de retraites de 1993 et de 2003. Mais leur taux de chômage aussi : ils étaient 477 000 fin 2009, soit 6,5% des 50 ans et plus (+1,5 points en un an).
9. La population active française a fortement cru en 2009: + 200 000 personnes, une évolution jugée «surprenante» par la DARES. Cette augmentation contredit le discours dominant, notamment lors du «débat» sur la réforme des retraites, selon lequel il y a de moins en moins d'actifs en France. La DARES ne se l'explique pas : elle y voit un effet démographique lié à des mesures plus anciennes (1993, 2003), et aussi des «erreurs de mesure».
Eric Woerth était parti en vacances à Chamonix, dans son appartement de 60 mètres carrés. Impossible d'obtenir une réaction...
(*) la DARES précise que 320 000 des 1,439 millions répertorisés au point 2, environ 320 000 sont à la recherche d'un emploi.
Crédit illustration: Sarkofrance, 2010.

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