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La disparition de la mixité sociale

Publié le 13 août 2010 par Bernard Girard
On n'a jamais tant parlé de mixité sociale (voir par exemple, ici). Mais n'est-ce pas le signe que plus on en parle plus elle se défait sous le coup de mécanismes puissants?
J'ai eu cette intuition sur la plage, il y a quelques jours. J'étais au Lavandou, cette station très connue depuis que Nicolas Sarkozy y passe ses vacances, qui combine des quartiers de haut luxe et une plage populaire. J'étais sur cette dernière. Et j'ai eu l'impression de découvrir une France que je ne connaissais pas ou, plutôt, que je ne fréquente pas d'ordinaire. Une France de gens souvent en surpoids, de jeunes gens et de jeunes filles avec des tatouages et des piercings, une France comme une autre, ni plus ni moins belle ou agréable que celle que je connais, mais si éloignée. Passé le premier moment de surprise, il m'est apparu que mon étonnement n'était que la révélation de l'impitoyable ségrégation sociale qui s'est mise en place ces dernières années dans notre société.
Autrefois, dans les familles bourgeoises, les plus riches et les classes populaires (domestiques…) vivaient au quotidien ensemble, comme aujourd'hui chez les Bettencourt. C'est aujourd'hui fini : chacun reste dans son univers, les classes les plus riches dans leurs ghettos, les classes moyennes et les classes populaires dans les leurs. Les occasions de se rencontrer, de vivre ensemble se sont raréfiées : le service militaire a disparu, l'école ne joue plus ce rôle tant les classes des quartiers bourgeois (populaires) sont, même dans les établissements publics remplies d'enfants de bourgeois (des classes populaires), le travail a lui aussi cessé de le jouer tant on ne fréquente dans son milieu professionnel que des collègues ayant mêmes diplômes, mêmes profils de carrière… Quant à la culture : il suffit de regarder le public des salles de cinéma ou de théâtre que l'on fréquente pour voir que l'on est entre soi. Même sur les réseaux sociaux, on se découvre entre pairs.
Cette ségrégation croissante se voir partout. Le logement y joue semble-t-il une place déterminante. Son évolution illustre bien le phénomène : les petits logements des beaux quartiers (chambres de bonnes transformées en studios…) qui étaient hier occupés par des ouvriers ou des employés, sont aujourd'hui habités par de jeunes bourgeois qui habiteront demain les appartements, plus spacieux, des étages inférieurs. Ce sont les enfants de ces jeunes bourgeois qui s'inscrivent dans les écoles de ces quartiers, qui vont dans les meilleurs lycées puis dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
Le travail y contribue également à sa manière. Le système hiérarchique qui dominait dans l'industrie fordiste mettait en contact direct cadres, ouvriers et employés. Les nouvelles méthodes de management, plus participatives, ont eu pour effet de renforcer les liens entre pairs au dépens de ceux liés à la hiérarchie : les jeunes cadres qui travaillent dans la banque, l'informatique ne se voient pratiquement qu'entre eux.
Faire ses courses, notamment ses courses alimentaires dans les grandes villes, reste, bizarrement, la dernière occasion que l'on ait de croiser des gens d'autres milieux.
A quoi tout cela tient-il? On ne peut parler de volonté politique de créer une société ségréguée. On ne peut non plus tout mettre sur le dos des préférences individuelles. Il faut regarder ailleurs, peut-être du coté du libre jeu du marché. Si le prix du m2  augmente dans les beaux quartiers, même les petits logements deviennent inabordables pour la majorité. Seuls peuvent y prétendre ceux qui ont des ressources familiales ou des profils de carrière avantageux.

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