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Game Other - Piece of lie

Publié le 19 décembre 2007 par Benjamin Mialot
Il est facile du dire du mal de Valve Software : l'équipe ne tient pas ses délais, Gabe Newell mange trop de donuts, les produits dérivés sont une torture pour le geek non-résident aux USA puisqu'ils ne sont livrés que via Fedex... En revanche, prendre en défaut la créativité du studio, voilà une autre paire de manches. Des jeux qui font date (la paire Half-Life) au bichonnage de la communauté, des récupérations de mods amateurs bien vues (Counter-Strike, Day of Defeat, Team Fortress) au suivi impeccable des produits (particulièrement Steam, usine à gaz devenue une plateforme de diffusion et de jeu en réseau de plus en plus pratique et fonctionnelle) en passant par l'imposition de standards (le moteur Source), Valve flirte avec l'irréprochable. Evidemment, la preuve la plus éclatante du talent de la boite demeure dans ses jeux, tous propulsés par une même addition magique : performance technique + gameplay rigoureux + ambiances soignées + ambitions narratives et esthétiques = chef d'oeuvre. Oui, c'est la journée des superlatifs, du baise-main et des compliments transis. Il faut dire que je viens de terminer pour la deuxième fois Portal, passionnante anomalie du catalogue de Valve et délicieuse friandise sur le gâteau Orange Box, qui contient également le déjà classique Half-Life 2, ses deux sympathiques suites sous forme d'épisodes et la crème du FPS multi-joueur Team Fortress 2. L'Ombre du Z. les avalera un autre jour, car pour l'instant, c'est Portal qui l'occupe et elle n'est pas décidée à le digérée de suite.
Portal est un FPS d'un genre neuf qui vous place dans la peau de la dénommée Chell, cobaye des expériences d'Aperture Science. Pas d'aliens visqueux ou de marines à défourailler ici, puisque l'on se "contente" de déjouer les tests imposés par l'Intelligence Artificielle du coin, GLAdOS. Pour ce faire, un seul outil : l'ingénieux Aperture Science Handheld Portal Device 04, fusil immaculé qui permet la création de deux portails simultanés, soit un pour entrer et l'autre pour sortir. Ca n'a l'air de rien mais le principe est génial et offre des tas de possibilité : utiliser la gravité pour chuter dans un portail d'entrée et être propulsé à l'horizontal par un portail de sortie, piéger des droïdes mitrailleurs en ouvrant une brèche sous eux ou en leur faisant tomber un cube dessus (cube qui d'ordinaire sert à maintenir de gros interrupteurs rouges enfoncés), guider des bulles énergétiques jusqu'au mécanisme qu'elles doivent alimenter... De prime abord, le gameplay peut paraitre tordu et abscons, d'autant que l'engin permet quelques amusants paradoxes (se courir après, entrer debout et ressortir la tête en bas...). Pourtant, pas besoin d'un Master Physique et Application des Plasmas pour s'en sortir, l'évolution progressive de la difficulté permettant une intégration rapide des mécanismes. Chaque salle de test est ainsi l'occasion de découvrir de nouvelles subtilités, la complexité des actions requises augmentant à mesure que la dangerosité des lieux s'intensifie.
Des dangers, Portal en a effectivement quelques-uns sous le coude, des fosses pleines d'acide aux sphères énergiques mortelles au contact. Mieux vaut donc ne pas se laisser amadouer par le ton amical de la cyber-nounou GLaDOS et ses promesses de fête et de gâteau, ni par celui des petits robots défensifs, qui vous demandent de vous approcher et poussent de petits cris déchirants quand vous leur réglez leur compte. Les machines sont d'ailleurs révélatrices de l'excellente atmosphère dans laquelle baigne le jeu, à cheval entre humour noir et angoisse : le design très clinique hérité de Cube ou THX 1138, les omniprésentes caméra de surveillance, les bureaux curieusement vides d'employés, le détachement avec lequel GLAdOS vous annonce que vous risquez de mourir dans de pénibles souffrances, les recoins où des sujets précédents ont griffonnés à même les murs des phrases énigmatiques (dont le déjà culte "The cake is a lie")... En dépit de quelques répliques drolatiques, l'histoire de Portal n'a donc pas été parfumée à la franche rigolade.
Et c'est là le dernier tour de force de ce jeu, celui de ne pas être une simple succession de niveaux mais de proposer un véritable scénario, lequel prend forme dès lors que les réflexes de survie sont plus forts que celui de se conformer aux instructions et que, au lieu de donner satisfaction à GLAdOS, on décide d'aller fouiner dans les entrailles d'Aperture Science. Les dernières séquences de jeu, étonnamment longues, permettent ainsi de transcender chaque élément de l'équation citée plus haut, en offrant un peu plus de boulot au moteur Source (visuellement, rien d'époustouflant mais le level-design et les partis pris graphiques effacent toute stagnation), en permettant l'application des leçons apprises sur un terrain de jeu plus "réaliste" et en brouillant jusqu'au bout les frontières entre expérience prévue et fuite qui brise réellement le protocole. La fin du jeu est d'ailleurs une totale réussite, surprenante et ouverte sans être un gâchée par un futur appel aux biftons, mais j'en ai déjà trop dit. Sachez enfin que, signe de la bonne santé artistique de Valve, les développeurs se sont payés le luxe, pour les crédits, d'accoucher d'une pop-song qui ne dépareillerait pas sur bien des productions indie contemporaines (voir ci-dessous et attention aux spoilers que cachent les lyrics).
Bien sûr, Portal n'est pas parfait, son plus gros défaut étant sa difficulté plutôt faiblarde et sa durée de vie riquiqui de 2-3 heures. Mais honnêtement, entre les maps bonus, les achievements à débloquer et les maps custom que la communauté produit (dont l'incontournable Ren_Test2 réalisée par un développeur de Bethesda Softworks), l'investissement se rentabilise largement.
Ce n'est de toute façon pas tous les jours que l'on tombe sur un jeu qui met un coup de latte aux habitudes et fait montre d'assez de rigueur pour ne pas être qu'une bonne idée mal exploitée.

I'm Still Alive

Portal (Valve Software) - 2007
Verdict du Père Siffleur

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