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Manger, bouger, un concept vieux comme le monde

Publié le 13 août 2010 par Livmarlene
Manger, bouger, un concept vieux comme le monde

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Depuis 2001, le PNNS (Programme National Nutrition Santé) s’enorgueillit d’avoir trouvé LE slogan providentiel sensé contrecarrer l’augmentation de la circonférence du français moyen, irrésistiblement entraîné jusqu’alors par un modèle américain décadent, combinant malbouffe et greffe de la télécommande au creux de la main.

J’imagine d’ici les publicistes chargés d’élaborer la campagne de sensibilisation : “Manger, bouger. C’est simple, clair. Ré-vo-lu-tion-naire !”

Mouais, en fouillant un peu, on s’aperçoit vite fait que nos ancêtres, jusqu’aux époques les plus reculées, appliquaient instinctivement ce précepte essentiel non seulement à la survie, mais aussi à une bonne santé.

Ainsi Lucy (enfin Lucien, à en croire les dernières découvertes. Vers -3.500.000 ans dans les deux cas) et ses congénères veillaient-ils à consommer leurs “5 fruits et légumes par jour” sous forme de graines, baies, racines, feuilles ou fruits. Pour satisfaire leurs besoins en protéines, ils se régalaient d’oeufs dégotés dans des nids ou de larves délicieuses trouvées à droite à gauche. Certes, ils ne respectaient pas les sacro-saints trois repas quotidiens, grignotant à la moindre occasion tout ce qui leur tombait sous la dent. Mais avec l’alimentation assez frugale qui était la leur, ils devaient compenser la faible teneur énergétique par des quantités importantes. Notons que leur régime était riche en fibres, souvent insuffisamment présentes dans notre alimentation actuelle.

Plus récemment (-2.000.000 ans), l’Homo Habilis était quant à lui adepte du steak tartare. Sa préférence allait à une viande un rien faisandée, car laissée sur des carcasses sans vie par les prédateurs. L’Homo H. et ses potes, armés de gros cailloux, n’avaient plus alors qu’à fracasser les os pour en extraire la substantifique moelle, grasse et donc très nourrissante, afin d’accompagner les restes de viande au fumet délicat. Pour éviter que ce petit monde s’empâte, les hyènes et autres charognards venaient leur rôder autour, histoire de leur proposer un peu d’exercice. En résumé, voilà le premier “Bouger” de l’aventure humaine.

Avec l’Homo Erectus (-1.800.000 ans), on touche aux prémisses de l’art culinaire grâce à la domestication du feu (-400.000 ans) par les derniers représentants de ces chasseurs cueilleurs, ouvrant ainsi toute une palette de saveurs nouvelles.

Avec une ration approximative de 3000 Kcal par jour, les hommes préhistoriques pouvaient résister aux importantes variations de température (pas de clim réversible à cette époque) et faire de longues marches pour conquérir des territoires inconnus. Donc oui, ils se bafraient, mais c’était nécessaire.

Bon, et le plaisir dans tout ça ? Eh bien si l’on replace les choses dans leur contexte, à cette époque, le simple fait d’apaiser sa faim devait sans doute apporter une grande satisfaction.

De plus, au delà de l’intérêt gustatif, c’est tout l’aspect social de l’alimentation qui s’esquisse avec la domestication du feu.

On ne le dira jamais assez à ceux qui se bourrent de biscuits apéro, seuls devant la télé, c’est la frustration générée par la solitude qui pousse à consommer en excès. Mettre de la convivialité dans ses repas, c’est le plus souvent alléger la note calorique.

Mais revenons-en à nos mammouths, car l’institution du foyer amorce un tournant décisif dans l’Histoire du comestible : la diversification des modes de cuisson avec notamment, l’invention des soupes grasses, mais aussi de la pierrade (redevenue dans le vent ces dernières années), du rôti (on a retrouvé des os d’animaux calcinés à leurs extrémités) et le bouilli, laborieusement obtenu par introductions répétées de galets passés au feu dans une outre remplie d’eau, de viande et de légumes.

Comme tout cela est délicieux, les hommes ont envie de partager leurs émotions. Cet élargissement des possibilités de cuisson aurait été un des moteurs du développement du langage.

Dans ses spots publicitaires, le PNNS rajoute en tous petits caractères, tout en bas des images, des mentions comme “Pour votre santé, limitez les aliments gras, salés, sucrés.”

Pour ce faire, la démarche la plus sûre et la plus agréable tient en un mot : diversité.

Et la diversité alimentaire n’a, encore une fois, rien d’une invention de notre temps.

Même après la domestication du feu, les hommes continuent à manger du cru. Le cuit s’y ajoute avantageusement, de plus en plus assaisonné d’herbes, tant pour leurs saveurs que pour leurs propriétés médicinales. Ils sucrent au miel et salent... pas (au paléolithique du moins).

Ce n’est pas tout. Neandertal et Cro Magnon font fortuitement la découverte de ce que l’on pourrait appeler le “pourri noble” en ouvrant la panse des rennes qu’ils tuent. Les végétaux qui s’y trouvent sont fermentés. Voilà l’ancêtre de la choucroute.

Oh, ne criez pas “Berk”. Quand vous vous enfilez du Roquefort ou du gorgonzola, c’est moisi et vous vous pâmez !

A l’ère préhistorique, on mange mais pas seulement pour se nourrir. Une théorie explique que le cannibalisme des Neandertal aurait une raison rituelle. Vers -150.000 ans, bouloter l’ennemi aurait été considéré comme un moyen de s’approprier ses qualités. Alors que manger ses proches aurait permis de leur rendre un dernier hommage.

Avec tout ça me direz-vous, quand est-ce qu’on boit ? Vers -8.000 ans, lorsque la fermentation accidentelle d’une bouillasse d’orge crée la première bière, et que celle d’une bouillie de céréales crée une masse pâteuse qui, une fois cuite, donne du pain (parfait pour tamponner l’alcool).

Après tout ce parcours du combattant culinaire, nous voilà rendus au néolithique. De chasseur cueilleur, l’Homme devient éleveur agriculteur, avec toutes les fâcheuses conséquences que l’on connaît : hypersédentarité, prise de poids, augmentation de la fréquence des maladies cardio-vasculaires, manifestations des producteurs de lait pour réclamer un prix suffisant, échec de la PAC, j’en passe, des vertes, des pas mûres et des génétiquement modifiées.

En résumé, à la lumière de tout ce panorama de l’odyssée de la bouffe, il apparaît que le grand responsable de nos maux actuels est notre incapacité à écouter notre corps pour adapter nos apports à nos besoins.

Ceux qui prônent un retour à la Nature peuvent passer pour des Illuminés, ils n’en ont pas moins raison sur un point : si nous voulons avancer sans nous détruire, il nous faut garder à l’esprit les enseignements de tous ces millénaires d’évolution, ne pas nier ce que nous sommes et de qui nous descendons. La yourte n’est pas la solution à nos problèmes. Mais une consommation plus raisonnable, une production inspirée du bio, un changement volontaire de nos habitudes alimentaires, tout cela fait sans doute partie de l’équation à résoudre pour éviter le mur qui se dresse devant nous dans tous les domaines.

Pour que demain, l’Humanité continue de se transformer, de créer, de se réinventer, pour que chacun ait, entre autres, suffisamment à manger, pas de doute, chacun de nous devra se bouger.

Source : Dans l’assiette de nos ancêtres, brochure éditée par la Communauté de Communes du Grand-Pic-Saint-Loup


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