Agée de 23 ans, Marie-Hélène Audoye est une très jolie brune aux yeux verts. Vivant en couple, elle déborde de projets. Quoi de plus normal lorsque l’on a la vie devant soi. Trouver un nouvel appartement, évoluer dans son métier de représentante en produits pharmaceutiques, puis, plus tard, fonder une famille sont les préoccupations de la jeune femme en ce début des années 90. D’un naturel libre et indépendant, très tournée vers les autres, Marie-Hélène compte beaucoup d’amis qu’elle voit très régulièrement. Aussi, dans les derniers jours de mai 1991, lorsqu'ils ne reçoivent plus de ses nouvelles, l’inquiétude les envahit très vite. Ce silence n’est pas normal. Malheureusement leurs craintes étaient fondées puisque Marie-Hélène ne donnera plus jamais signe de vie.
Pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé, il faut remonter au 21 mai 1991. Ce mardi matin, la jeune représentante quitte son domicile de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) au volant de sa Renault Supercinq blanche pour débuter sa tournée en Principauté de Monaco. La journée s'annonce longue, elle a prévu de passer la nuit dans les Hautes-Alpes afin de visiter d'autres clients à Gap puis à Briançon le lendemain. Près de cinq heures de conduite l'attendent sur les routes sinueuses des Alpes du sud. Heureusement le printemps bat son plein et les conditions de circulation devraient être bonnes.
En début d'après-midi, Marie-Hélène est encore à Monaco. Elle doit voir un dernier client avant de prendre la route. Mais ce dernier est absent lorsqu'elle se présente à son officine. Pour lui signaler son passage elle lui laisse un petit mot: « Bisous, à la semaine prochaine ». A 14 heures 15, elle monte dans sa voiture. C'est la dernière fois qu'elle sera aperçue par un témoin.
Dans les heures qui suivent, la police est alertée. Compte tenu de la personnalité de la disparue, la thèse d'une disparition volontaire et à fortiori d'un suicide, est très vite écartée. L'enquête est confiée à la juge d'instruction Catherine Raby qui saisit la police judiciaire de Nice. Les premières investigations se concentrent sur le parcours qu'aurait du emprunter la jeune femme. Les bas-côtés sont explorés dans le but de retrouver la Renault Supercinq immatriculée 5023 VD 92, peut-être victime d'un accident de la route. Annie Audoye, la mère de la représentante, va jusqu'à louer un hélicoptère pour survoler les zones difficiles d'accès, en vain. Le canal de la Durance est lui aussi sondé par un sonar sur initiative des parents de la disparue sans plus de résultats. Peu à peu la piste accidentelle est délaissée au profit de l'enquête criminelle. C'est ainsi qu'un marginal est interpellé avant d'être mis hors de cause non sans avoir passé quelques semaines en détention préventive. Quelques années plus tard, en 1994, les policiers pensent détenir une piste sérieuse après avoir recueilli un témoignage les orientant vers l'Italie. La juge délivre des commissions rogatoires internationales qui aboutissent à l'arrestation d'un homme d'affaire suisse. Ce suspect a l'habitude de recruter des jeunes filles majeures « libres de toute attache et pouvant voyager ». Après trois mois de prison, aucune charge ne sera retenue contre lui dans le dossier Audoye. Malgré tout, les policiers auront la satisfaction d'avoir démantelé un réseau de prostitution de luxe qui fournissait de riches hommes d'affaires italiens en jeunes femmes recrutées sur la Côte d'Azur. De son côté, Annie Audoye multiplie les initiatives pour retrouver la trace de sa fille. Ainsi plus de 2000 affiches seront distribuées et la mère de Marie-Hélène jouera les femmes sandwich avec une pancarte à l'effigie de sa fille durant la quinzaine du festival de Cannes en mai 1994.
En juillet 1996, plus de cinq ans après la disparition de Marie-Hélène, la PJ de Nice est dessaisie du dossier au profit de la Section de Recherches de la Gendarmerie Nationale de Marseille. A cette occasion, M. et Mme Audoye qui n'ont pas perdu espoir de connaître la vérité, offrent une récompense de 200000 F à toute personne susceptible de faire avancer le dossier de manière décisive. Toujours dans le but de rafraîchir les mémoires, Annie Audoye participe cette même année 96 à l'émission Perdu de Vue de Jacques Pradel sur TF1.
Faute d'avancées, une opération de grande envergure est organisée en janvier 1998. Durant trois jours, la voiture de la jeune commerciale est à nouveau la cible de recherches effectuées dans le lac de Castillon vidé pour l'occasion. Un véhicule est bien retrouvé enseveli sous plusieurs mètres de boue mais il ne s'agit pas de la Supercinq. Malgré ces multiples revers, Annie Audoye n'a aucunement l'intention de baisser les bras. C'est pourquoi, elle réévalue la récompense offerte à 500000 F, somme correspondant à l'héritage reçu de sa mère.
En mars 2002, le juge Thierry Laurent qui a repris la suite du dossier, envisage de clôturer l'instruction, aucun élément probant n'ayant permis aux enquêteurs d'avancer plus de dix ans après les faits. C'est à ce moment-là que la découverte d'un agenda de l'année 1991 dans un garde-meuble lors d'une perquisition l'en dissuade. Dans le document se trouvent les coordonnées d'un homme incarcéré pour deux meurtres dont un « contrat » exécuté à Beausoleil. Or il se trouve que cet agenda appartient à une amie du compagnon de Marie-Hélène Audoye et que cette dernière reconnaît avoir éprouvé, à l'époque, un sentiment de jalousie envers la jeune femme. Pour autant rien ne permet de conclure que Marie-Hélène ait été la cible d'un contrat organisé par une « rivale ». D'ailleurs, faute de preuve, elle ne sera entendue qu'en seule qualité de « témoin assisté ».
Les mois passants, la thèse du tueur à gage perd peu à peu de sa substance jusqu'au mois de mai 2005. C'est alors qu'un policier mentonnais recueille de manière informelle le témoignage troublant d'un détenu. Celui-ci lui rapporte qu'une de ses connaissances du milieu aurait tué la représentante pour de l'argent avant de se débarrasser du corps en mer. Mais sommé de confirmer ses déclarations sur procès-verbal, il s'y refuse par peur de représailles.
Une nouvelle fois, la famille et les amis de Marie-Hélène voient s'évanouir leurs espoirs de connaître enfin la vérité. Après la décision de la juge grassoise Caroline Vercamer d'arrêter les recherches en septembre 2007, seul un extraordinaire rebondissement pourrait permettre à l'enquête d'aboutir. Si elle se montre désormais convaincue qu'elle ne retrouvera pas Marie-Hélène vivante, Annie Audoye poursuit aujourd'hui son combat par le biais d'une association regroupant des familles de personnes disparues.