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Abajo del Popo – suite mexicaine (Part 4)

Publié le 18 août 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 18 août 2010

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Une fois parvenue dans le local de la CNUC, en plein centre-ville, Luz m'a présentée les membres de l'équipe présente, son compagnon et un ou deux autres membres du Bureau. La réunion de la Commission d'hygiène venait de se terminer, il restait une ou deux compañeras. La nuit était tombée et les hommes arrivaient pour la réunion hebdomadaire. Je voulais faire du terrain ethnologique, en réalité j'ai plongé dans le terrain « zapatiste » la tête la première. Nous nous sommes assis pendant que Luz prenait la parole. C'est alors que j'ai entendu qu'elle me présentait à ses compagnons de lutte, puis qu'elle m'a passé la parole ! Bigre ! Faire un discours politique dans une langue que je pratiquais mal. Je me suis donc levée et les mots sont arrivés simplement,  j'ai dit que la lutte zapatiste représentait pour moi un exemple, que nous étions quelques Français à faire en sorte qu'elle soit plus connue dans le pays, que j'avais tout à apprendre d'eux et puis j'ai dit merci. S'en est suivi un débat relatif à une lutte syndicale à Apizaco (gros bourg et noeud ferroviaire situé sur la ligne de chemin de fer qui remonte de Veracruz).

A la fin de la réunion, un homme s'est approché de moi, a quitté sa casquette et m'a demandé de bien vouloir remercier Danièle Mitterrand pour l'aide qu'elle apportait à la lutte des Indigènes du Chiapas. J'étais renversée : ce type qui venait d'un bled d'un petit état très peu connu au Mexique connaissait Danièle Mitterrand ! C'est au fur et à mesure des multiples réunions auxquelles j'ai assisté que j'ai pu ainsi voir que les femmes et les hommes de la CNUC étaient concernés par la politique, par les luttes sociales, voulaient se battre pour retrouver leurs droits et leur dignité, que les petits indigènes du Chiapas leur avait donné l'élan pour ce faire. En plus, ils croyaient que la France était le pays des droits de l'homme (moi je n'y croyais plus mais je n'ai pas osé le leur dire).

Le lendemain soir, après avoir roulé des heures sur des petites routes de montagnes, à la nuit tombante, nous sommes arrivés dans une ferme où nous attendaient un groupe d'hommes, paysans ceux-là. Luz m'avait expliqué sur le chemin que nous allions dans la partie « riche » de l'état, celle où les paysans gagnaient leur vie. Que des hommes, tous en chapeau, tous moustachus et tous en « doudoune » ! Nous étions en altitude, il a fait un froid de canard pendant toute la réunion et j'étais peu couverte. Pour nous réchauffer, à la fin, la maîtresse de maison est alors arrivée avec sa fille aînée et nous a servi un « caldo de pescado » délicieux : un petit bouillon fait avec des poissons de la rivière du coin. Ensuite, ce furent de délicieuses fajitas au poulet. J'ai surpris les CNUCiens en mangeant le piment avec plaisir (j'avais « fait l'Afrique et les Antilles »).

Parenthèse culinaire : si je suis devenue une foldingue de la cuisine mexicaine du terroir, c'est la faute à ces petites bouffes offertes généreusement par l'hôtesse après les réunions. Rien que des produits faits maison : les tortillas n'étaient pas industrielles, les légumes venaient du jardin, le poulet avait couru dans les fermes, seuls les piments devaient venir du marché. Chez les paysans pauvres, c'était frugal (base de riz et de haricots) mais toujours délicieux. Lorsque les réunions avaient lieu dans un gymnase, ou dans une école -souvent le cas lorsque c'était la commission des femmes-, elles arrivaient en fin de séance avec d'énormes casseroles d'où émanait un fumet tomber à la renverse ! L'une ouvrait les tortillas, l'autre y déposait le contenu de la casserole et nous le donnait à manger.

J'ai pu voir que ces femmes et ces hommes ont vraiment la vie dure. Les femmes qui vont vendre leurs produits à la ville doivent se lever souvent à 3 ou 4h du matin pour préparer les tortillas et la nourriture pour les enfants, à la suite de quoi elles marchent souvent une heure, leur gros fardeau sur le dos pour atteindre la route et prendre le mini-bus qui les emmènera à la ville. Elles ont pour la plupart, au moins trois heures de route aller. Le soir, même topo une fois arrivées à la maison, il faut s'occuper de la famille, des animaux, dormir 3 ou 4h et se relever tôt… mais peu se plaignent.

Petit à petit, j'ai été intégrée sans problème… il m'est arrivé de ne pas reconnaître les hommes lorsqu'ils se présentaient sans couvre-chef à la CNUC mais tous et toutes m'ont accueillie comme j'étais l'un des leurs. La première chose que vous dit un Mexicain quand vous arrivez chez lui c'est : « mi casa es tu casa ».

A la fin des réunions, on venait vers moi, me posait des questions. Une femme est venue me dire qu'elle était contente d'appartenir à la CNUC… qu'avant, son mari la battait, qu'elle ne savait pas trop comment se débrouiller toute seule. Je lui donnais la soixantaine, elle en avait 45. Elle a eu du mal à compter combien d'enfants elle avait eus… car deux ou trois étaient morts dans leur petite enfance. Son mari la battait moins parce qu'il était vieux… « esta viejito ahorita » (c'est un petit vieux maintenant). Elle avait maintenant son petit lopin de jardin, où elle cultivait des légumes et élevait des lapins, pour aller ensuite les vendre à la Tlaxcala.

On me demandait où je vivais, si j'avais des enfants, comment était ma vie, quel était mon travail. Souvent, la commission des femmes travaillait à la préparation de diverses manifestations, ou une fois pour un passage de la caravane des Zapatistes du Chiapas, nous avons assemblé des petits« paniers-repas » pour les compagnons de voyage du Sub. Nous étions toutes en rond et ça papotait, ça rigolait fort tout en travaillant rapidement et efficacement. Je n'étais quasiment jamais seule et ça ne m'a jamais pesé ( à moi, la solitaire endurcie). On a fait la fête, on a pleuré, on a picolé, on a manifesté, dansé, fait carnaval… (épisode 3 voire 4 à venir ?) ensemble et les Mexicains m'ont aidée à changer en mieux.

Nulle part ailleurs je n'ai retrouvé ce sentiment d'être aussi gentiment « enveloppée » et incluse dans le groupe -dans tous les groupes- qu'au Mexique. C'est pourtant un pays extrêmement violent, où l'alcoolisme est un fléau, où volcans et tremblements de terre rendent l'avenir dérisoire, la violence passe tout le temps à la télévision (à longueur d'ondes, on montre, filmées d'un hélicoptère, les courses-poursuites entre bandits et policiers, les derniers règlements de compte entre narcotrafiquants, etc.). Dans les églises, les Christs sont terriblement sanguinolants, écorchés… même si dans des cadres dorés ou argentés.

Il n'empêche qu'humainement, je n'ai rencontré que des Mexicains prompts à rigoler d'un rien, qui avaient la faculté de créer des liens de façon simple et sans jamais vous obliger à quoique ce soit. La société mexicaine de base est très « incluyenda » et c'est là-bas que j'ai pris conscience de combien la culture française était excluante. J'ai volontairement occulté la société mexicaine riche parce que le peu que j'en ai vu m'a écoeurée et que ça n'était pas du tout mon terrain d'ethnologie. Et j'en ai été fort aise.

Sourire


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