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La pacification du Québec pas toujours catholique

Publié le 18 août 2010 par Politicoblogue
La pacification du Québec pas toujours catholique

Drapeau blanc

Comme vous l’aurez remarqué, les stratégies et les positions de principe du Québec et du Canada sont diamétralement opposées. Depuis l’invasion britannique, certains loyalistes continuent de manifester une fidélité face aux origines de l’Empire. D’aucuns soulignent le caractère éminemment pacifique du Québec, son refus de cautionner une certaine forme de conscription militaire et de s’engager dans des guerres coloniales. À tort ou à raison, les Canadiens anglais entretiennent une forme de propagande et s’évertuent à dire que les Québécois ne se mouillent pas lorsqu’il est question de guerre.

Dans une récente chronique, je vous mentionnais le fait que Lester B. Pearson fut le seul récipiendaire canadien du prix Nobel de la paix. Son rôle fut reconnu internationalement dans la mesure où il s’illustra dans le contexte d’une deuxième guerre mondiale, prit part au comité pour redessiner les frontières de la Palestine – consacrer l’État d’Israël – et ultimement, il gagna le prix en 1957 à la faveur de la résolution de la crise du canal de Suez. Cela n’a pas empêché la guerre de Six Jours en 1967, l’exacerbation de la cause nationale du Québec et la crise diplomatique du « Vive le Québec libre ».

Aux lendemains du deuxième référendum en 1995, nous avons assisté à un durcissement des positions de l’État unitaire CanadiAn. Violant les dispositions de la loi des dépenses des camps du Oui et du Non lors de ce même référendum, nous apprenions ensuite l’étendue du scandale des commandites et ce qui chapeautait les opérations d’Option Canada. Le Parti libéral du Canada, fort de sa domination parlementaire et partisane, y laissa des plumes. Nous sommes revenus au niveau des tournants post-Laurier et de l’intermède des gouvernements minoritaires à répétition Diefenbaker-Pearson. Ne comptant désormais plus sur une masse critique de l’électorat québécois, les deux partis – Conservateurs et Libéraux – accordent leurs violons en conséquence.

Nous pouvons parfois nous étonner de l’attachement des Canadiens anglais envers leur passé britannique. Souvenons-nous, les loyalistes tinrent à leur allégeance envers l’Empire et s’opposèrent aux ambitions des colonies états-uniennes. Ils durent fortifier leurs armées et soumettre la Nouvelle-France. Avec le temps, des alliances avec le Québec furent nécessaires pour pacifier ce qui, à terme, apparaît comme une alliance contre-nature. Accordant une certaine liberté religieuse et linguistique de façade, les Anglais jouirent du concours des habitants de la Nouvelle-France dans leurs entreprises militaires. Que nous nous rendions ou non aux définitions de l’impérialisme, il nous faut constater que les compromis ont fait défaut dans les relations canadiennes avec la nation francophone. Nous ne pouvons point parler de relation d’égal à égal, encore moins d’une vraie conversation politique.

A priori, il faut faire attention aux simplifications à outrance. Les premiers Canadiens furent les francophones. Le drapeau québécois s’est peu à peu imposé d’emblée comme un symbole national fort. Plus tard, les Conservateurs de John Diefenbaker ne tenaient pas plus que cela à adopter le drapeau canadien : l’Union Jack du Royaume-Uni fut vigoureusement défendu alors qu’ils exprimèrent des réticences à adopter l’unifolié canadien. Finalement adopté en 1965 sous le gouvernement Pearson, le drapeau canadien s’arrogea le symbole canadien français de la feuille d’érable et passa outre aux objections, autant des francophones que des anglophones.

Nous avons sonné le glas et le début de la fin de l’identité canadienne française.

De nos jours, les deux partis canadiens dominants ne semblent point avoir relevé le défi de la nouveauté nécessaire. À bien s’y méprendre, il serait possible de transmuter les duos Diefenbaker-Pearson et Harper-Ignatieff. La dernière grande offensive fédérale en faveur du fait français au Canada fut réalisée sous les auspices de Lester B. Pearson à la faveur de la commission bibi (pour bilinguisme et biculturalisme) et de son porte-parole prestigieux, le dernier des intellectuels canadiens français à avoir porté la cause à bout de bras, André Laurendeau. À leur succession, le réalignement politique post-De Gaulle se mettait en place.

D’un point de vue d’ensemble, l’État canadien s’est rendu de plus en plus unitaire aux lendemains de la deuxième guerre mondiale. Le déséquilibre fiscal, l’envahissement des compétences et la reformulation du nationalisme achevèrent de briser les dernières illusions en faveur de la flexibilité d’un fédéralisme désormais inexistant. Le statut de Westminster donnait une personnalité internationale au Canada quasiment à part entière en 1931. L’intérêt stratégique du Canada était de naviguer dans les eaux floues des relations avec l’Angleterre, puis les États-Unis. Face à l’empire britannique, le principe des contrepoids s’imposait. Rencontrant les grands personnages politiques de l’époque alors qu’il était un simple diplomate, Lester B. Pearson bâtit peu à peu sa réputation. Fait particulier à noter, Pearson était unilingue, ce qui est difficile à imaginer dans le domaine particulier des relations internationales.

Avant de conclure un dernier tour de piste, Lester B. Pearson n’était pas totalement rompu aux fonctions de premier ministre. Cela ne l’empêcha point de tenter l’impossible pour concrétiser certaines réformes fondatrices de l’identité canadienne nouvelle. Il aura raté le pari d’une réelle concertation des intérêts nationaux inclusifs des diverses réalités régionales, linguistiques et relativement au fait national québécois. Une part de cet échec peut s’expliquer par un certain fond d’impérialisme qui subsistait dans cet agglomérat d’intérêts. Pearson manquait de cette poigne nécessaire pour faire s’imposer certaines idées qui modifient durablement l’agir politique. Toutefois, Pearson reconnaissait les qualités de ses alliés et travaillait bien dans une dimension collective. Cette abnégation lui a permis de laisser Pierre Elliott Trudeau entrer en scène à la faveur d’une conférence fédérale-provinciale où il dit non à Daniel Johnson.

Il est de ces idées politiques qui favorisent l’émergence d’une mythologie collective. Un écrivain, un politicien peut transformer durablement ce qu’il décrit à grands traits. Distinguons mythologie et action politique réelle. Une démarche collective, pour être concertée au sein d’un projet de société, doit reposer sur des faits politiques tangibles, décrire une réalité concrète et amener les gens à améliorer l’état des choses. Or, dans l’histoire du Canada, nous ne pouvons signaler une réelle réciprocité, une conjonction des idées-forces et de l’appui politique nécessaires, et persiste ce trait impérialiste qui teinte les rapports du Canada vis-à-vis du monde. Du temps d’Henri Bourassa, c’était l’alignement automatique sur l’Angleterre, entre les gouvernements libéraux de McKenzie King, St-Laurent et Pearson, nous passons au rang d’entremetteurs entre grandes puissances. Au déclin des relations internationales canadiennes, nous passons à l’hypertrophie et extrême centralisation des pouvoirs autour de la fonction du premier ministre. Ne subsiste plus que cette idée de l’éléphant américain. Mulroney ne fut pas en reste, accentuant les traits de cette extrême dépendance avec la politique états-unienne. Finalement, quelque part entre Chrétien et Harper, nous assistons à l’éclatement de l’illusion pacifiste, héritage qui nous vient de l’imagerie pearsonienne en passant par le calcul tacticien trudeauiste. Pearson était loin d’être purement pacifiste et obéissait à une certaine logique économiste, impérialiste de ses rapports et de son influence. Un jour, Kennedy a dit : « Ich bin ein Berliner ». Pour sa part, Ignatieff répétera inlassablement l’autobiographie politique de ses ancêtres et d’Isaiah Berlin. Gageons que les relents d’impérialisme ne sont pas près de s’évanouir au Canada.

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