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Gouvernement : le remaniement fait déjà des dégâts.

Publié le 18 août 2010 par Letombe
Gouvernement : le remaniement fait déjà des dégâts.

Eric Woerth rentrera de vacances avec quelques nouvelles casseroles. Laurent Wauquiez a tenté de rattraper son absence médiatique. Christian Estrosi a polémiqué inutilement. Dominique Bussereau jette l'éponge. Brice Hortefeux est (faussement) partout. Bernard Kouchner est réellement nulle part. La rentrée du gouvernement est pour bientôt, mais nombre de ministres semblent moins préoccupés par les travaux de rentrée qu'inquiets par le prochain remaniement et leur propre survie.
Octobre, c'est déjà demain
Dominique Bussereau a déjà annoncé qu'il est partant. Après avoir quitté le conseil régional de Poitou Charentes, le voici qui jette l'éponge ministérielle: «aujourd'hui je me dis que je reviendrais bien à l'Assemblée nationale.» a-t-il expliqué. Il faut dire que les ministres et secrétaires d'Etat déchus, démissionnés ou démissionnaires peuvent désormais récupérer automatiquement leur «poste» de député, sans élection, depuis la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Christian Blanc et Alain Joyandet ont pu récemment bénéficier de cette nouvelle possibilité, malgré leurs déboires éthiques à l'origine de leur départ du gouvernement.
Dans la presse, on s'amuse à dresser la liste des futurs partants, qu'ils soient franchement inquiets ou carrément déjà partis. Citons Patrick Devedjian (la relance, c'est fini, non ?), Fadela Amara, Hubert Falco, Rama Yade, ou Bernard Kouchner.
Certains sont sûrs de rester: Alliot-Marie, Borloo, Baroin, ou Le Maire ont une utilité tactique au gouvernement qui excède (largement) leur compétence. D'autres sont des fidèles dont jamais Nicolas Sarkozy ne se séparera: Brice Hortefeux (qui a quand même pris un weekend prolongé ce 15 août), Eric Woerth, ou Christian Estrosi, le «chauffard de la politique». Ce dernier a même usé de toutes les outrances dans la polémique sécuritaire de l'été, jusqu'à suggérer des amendes contre des maires jugés récalcitrants aux plans gouvernementaux. Qui rappellera son propre bilan, nul, à la mairie de Nice ? 
D'autres s'agitent, pour exister, se faire voir, ne pas partir, ou carrément entrer. Octobre, c'est déjà demain.
Woerth dérouille
A 10 jours de la rentrée du gouvernement, Eric Woerth est pris dans une nouvelle polémique. Mediapart révèle l'affaire : pour décrocher un modeste prêt électoral pour sa campagne municipale de Chantilly, 6.500 euros sur huit mois, auprès du Crédit Agricole, il a déclaré des revenus mensuels de ... 3.000 euros. Une fausse déclaration de toute évidence, dont on ne perçoit pas bien l'utilité. En tant que ministre et maire sortant, Eric Woerth émarge à 16 000 euros mensuels au moins.
Son «entourage», c'est-à-dire ses communicants, et l'agence du Crédit Agricole de Picardie incriminée ont démenti ... sans démentir. Les premiers ont jugé l'accusation absurde. Le second a démenti «toutes les allégations ou interprétations qui pourraient vouloir être tirées d'un document de travail purement provisoire et ne représentant aucun caractère contractuel», mais pas le document lui-même.
Courtial rêve
Edouard Courtial est un jeune député. Un proche de Brice Hortefeux mais également un fidèle soutien d'Eric Woerth. Il partage d'ailleurs avec ce dernier le même département, l'Oise. Il a co-signé, avec Olivier Dassault, un appel de soutien des élus de l'Oise au ministre du Travail attaqué dans l'affaire Bettencourt.
Ce dimanche, Edouard Courtial a ressorti du placard une vieille proposition qu'il fait à chaque rentrée scolaire : verser l'allocation de rentrée scolaire en bons d'achats de fournitures et non en argent, au motif que «l'allocation de rentrée ne devait pas servir à acheter un écran plat.» S'abrite-t-il derrière une vaste étude sur la fraude à l'ARS ? Même pas. Depuis l'été 2008, la première fois où il évoqua cette idée, il sert le même exemple, une conversation de bistrot.
Dans une étude publiée en avril dernier, la Caisse Nationale d'Allocation Familiale révélait que la fraude aux prestations sociales concerne 2 des assurés en général, soit 200 000 allocataires, pour un montant estimé entre 500 et 800 millions d'euros par an (à comparer avec les 60 milliards d'euros de prestations versées chaque année). La CNAF en récupère 90%. La fraude est marginale.
Edouard Courtial radote malgré sa jeunesse car il n'obtient pas gain de cause: comme l'an passé, Nadine Morano, ministre de la Famille, a refusé ladite proposition: «le jeu n'en vaut pas la chandelle.» Elle avait avancé un surcoût de 30 à 50 millions d'euros de frais de gestion pour la mise en place de tels bons d'achat.
Edouard Courtial n'a pas de problème d'allocations. En septembre 2003, il a succédé à son père décédé en cours de mandat, Philippe Courtial, à la mairie d'Agnetz (60). Il cumule ainsi trois mandats, député, maire et conseiller régional, soit environ 8000 euros de rémunération mensuelle. L'ARS, de 270 à 360 euros enfant, est versée sous condition de ressources à un peu moins de 3 millions de familles modestes, et coûte environ 1,5 milliard d'euros à l'État.
En juin 2009, Edouard Courtial n'a pas été retenu au gouvernement. Il attend son tour. Et justement, son tour pourrait venir prochainement, en octobre, quand Nicolas Sarkozy fera son grand ménage annoncé le 12 juillet dernier. En attendant, il faut se «positionner
Saussez viré ?
La question est posée. Thierry Saussez, directeur du Service d'Informations du Gouvernement (SIG), est tout de même responsable de l'un des plus beaux plantages de ces dernières semaines : France.fr, le site officiel destiné à promouvoir l'image de la France a coûté un peu moins de 2 millions d'euros. Il est enfin en service depuis le 15 août. Inauguré il y a un mois, il était devenu inaccessible quelques heures après son ouverture. Le SIG, en charge du projet, avait expliqué devoir chercher un nouvel hébergeur et tester les 3.000 pages. En ces temps de polémiques relancées sur l'identité nationale et l'immigration, gageons que la page dédiée aux valeurs républicaines suscitera quelques intérêts: comme par hasard, cette page fait la part belle à la laïcité (deux billets sur trois), avec un premier sur «l'invention de la laïcité à la Française», et un second intitulé «Laïcité et liberté de culte : des fondements de la République». Pourrait-on rappeler à Thierry Saussez, le patron du SIG, que la République se définit aussi, et peut-être d'abord, par les trois valeurs arborées sur le fronton de nos mairies: liberté, égalité, fraternité ? Comme l'écrit Intox2007, ce site est pénible. Un gigantesque prospectus publicitaire sans chaleur ni aspérité. Le gouvernement a visiblement le sens du timing.
Kouchner, déjà parti
Le lendemain, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a à son tour violemment critiqué la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy à l'égard des Roms et des gens du voyage: énumérant les reproches internationaux adressés à la France depuis une dizaine de jours, le CRAN estime que la France est une fois de plus décrédibilisée à l'étranger: «Ces reproches très sévères font penser à ceux adressés à l'Amérique du temps de George W. Bush par l’opinion publique, par la presse internationale et par certains organismes internationaux.(...) "Nous demandons à M. Sarkozy de comprendre les critiques de la presse internationale. Nous lui demandons de ne plus diviser les Français en érigeant les Roms, les gens du voyage ou les Français 'd'origine étrangère' en victimes expiatoires, créant ainsi une catégorie de sous-citoyens.»
Bernard Kouchner, ministre des Affaires Etrangères, n'a pas répondu. Depuis le 3 août, il est aux abonnés absents, convaincu sans doute qu'il ne sera plus en poste en octobre dernier. L'actualité internationale fut pourtant riche : incendies en Russie, inondations au Pakistan, critiques internationales contre la France. Rien n'y a fait. Bernard est en vacances. Tout juste est-il sorti de son silence pour demander aux autorités boliviennes de tout faire pour assurer la sortie de onze Français «en toute sécurité» de la ville de Potosi, bloquée par un mouvement social.  Pierre Lellouche, lui, rêve du poste. Il a participé comme il faut à la chasse médiatique au Roms ces derniers jours.
Wauquiez stresse
Le secrétaire d'Etat à l'Emploi a interrompu ses vacances pour se faire voir. Il stresse, comme les autres, pour sa survie gouvernementale. Le temps d'un courte interview dans la Tribune pour nous annoncer qu'il voyait bien «un palier dans la hausse du chômage, plutôt qu'à la mi-2011». Il serait temps. Le 25 janvier dernier, Nicolas Sarkozy lui-même nous promettait une baisse du chômage dès cette année... Wauquiez promet un « grand plan qui sera présenté prochainement» pour favoriser le travail des jeunes en alternance. Dans cette courte interview, la seule question qui pouvait fâcher concernait le traitement social du chômage :

- La réduction du nombre de contrats aidés annoncée dans le budget 2011 n'est-elle pas pénalisante ?
- Si l'on additionne toutes les formes de contrat, la baisse est de 15% environ. Je pense que ce ne sera pas trop compliqué à absorber.

La question était modeste. En 2009 déjà, le nombre de contrats aidés était inférieur à son niveau de 2007. C'était l'une des révélations peu commentée du dernier bilan de l'emploi publié par la DARES le 5 août dernier. 
Vivement la rentrée !

Sarkofrance


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