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Lecture (poésie) : Richard TAILLEFER.

Par Ananda

Richard TAILLEFER : JUSQU'A CE QUE TOUT S’EFFACE , Editions Dédicaces, 2010.

 

 

Ce qui frappe d’abord, dans la poésie de Richard Taillefer, c’est la vigueur du style.

Cette plaquette réunit une succession de poèmes en vers très libres de longueur moyenne, qui se caractérisent par ce que j’appellerai une sorte de « force tranquille », de maturité profonde, laquelle, très vite, nous fait tomber sous son charme.

Ici, on a l’impression que chaque mot, scrupuleusement pesé, se trouve à sa place, qu’il se trouve profondément enraciné dans la page blanche, chose assez rare. On pourrait presque, dans un tel cas, parler de « nudité rugueuse ». Toujours est-il que, je ne sais pourquoi, la poésie de Richard Taillefer me fait penser à une poignée de main d’homme de la campagne, virile mais chaude, réconfortante.

Ce qui ne l’empêche pas de flirter discrètement avec la philosophie. Mais elle le fait sans aucune pose, d’une manière simple et authentique qui a de quoi toucher, émouvoir. Comme fil conducteur de la poésie de Taillefer, la vie, rien que la vie, dans toute sa mystérieuse simplicité.

Ce que nous offre cet auteur, c’est une écriture poétique qui hésite curieusement entre attente ferme et absence d’illusions. Une poésie où le plaisir d’éprouver, d’être vivant le dispute au doute, à une gravité à vrai dire guère très éloignée du pessimisme.

Chez Richard Taillefer, l’empathie et l’acuité, parfois grinçante, du regard voisinent. Dans la même mesure que les « absences » sont « habitées », les présences sont gouvernées par « le hasard et la force des choses ».

Quoique nous puissions croire, nous figurer, « On navigue à vue ».

Certaines images sont puissantes, telles « la déferlante des siècles ». Certains accents sont visionnaires, si ce n’est même violents (pages 18 et 43).

Richard Taillefer révèle, semble-t-il, dans ce livre, une conscience aiguë du manque, de ce qu’il nomme très bellement « la solitude inaudible du monde ». Il définit l’écriture poétique comme une transe, un combat souvent sans merci contre les mots qui l’ « emmurent vivant ». Son approche du monde est, à certains moments, de nature quasi « quantique » (« Tout le mystère est là / Tu ne peux le saisir / Sans te perdre avec lui »).

Comment tirer son épingle du jeu, dans « la confusion des choses » qui n’a d’égale que la difficulté d’exister ?

Oui, le monde est confus, mensonger, sans repères et changeant. Il ne se donne jamais et, donc, on ne peut lui accorder aucune confiance. Aussi le poète Richard Taillefer continue-t-il d’attendre « Patiemment […] Un impossible signe ».

Pourtant, n’oublions pas qu’il sait. La connaissance – même celle qu’il nous est donné d’avoir de soi – n’est « qu’une parcelle ».

On a l’impression, au fil des pages, que ce « poète philosophe » se heurte de façon continuelle et douloureuse, à l’ambigüité du monde. Ne nous le livre-t-il pas, par exemple, dans l’aphorisme « Tout est vrai et faux à la fois » ?

Pour R.Taillefer, le moteur de l’écriture, des mots, cela reste la « prolixe inquiétude ».

De toute évidence, notre poète aime à jouer du paradoxe : «  On ne vous dira pas tout / mais rien ne vous sera caché ! » ; « Et si c’était / La veille de ne jamais partir » ; « Vas-tu t’éveiller / De ton état de veille ? » . Est-ce une volonté de dérision ?

La brièveté de la vie est là, et sa conscience, logée en nous…Heureusement, la poésie. Cette « déambulation » de l’âme, cette école buissonnière de l’être qui lui devient seconde nature, réflexe. Et qui, surtout, porte l’attente. De quoi, au juste ? D’un coup de théâtre qui rendrait – enfin – le monde intelligible ?

« Nu comme un oiseau », armé seulement de sa force et de son humilité humaines, l’auteur s’efforce de vivre de son mieux, de faire avec, d’accueillir, c'est-à-dire de « vagabonder à travers les apparences ». « Peu importe ! / Je sens. », s’écrie-t-il, avec des accents cartésiens, sans pour autant être le moins du monde dupe de « l’illusion de nos libertés ».

Philosophe, Richard Taillefer ? Certainement, je le confirme, mais je le confirme aussi : à sa manière.

Sans jamais cesser d’être poète ou, plutôt, d’être un homme libre, qui ne se laisse enfermer ni par la « philosophie », ni par la poésie, ni par le sens de l’aphorisme.

Chaque Homme, nous affirme-t-il, n’est « que ce peu de chose / Que rien ne remplace ». Comment ne pas être d’accord avec une telle émouvante évidence ?

Richard Taillefer ? Un homme de notre temps, qui a la sagesse de n’être sûr de rien…hormis des bienfaits de cette « ouverture d’esprit » qui lui est si chère.

P.Laranco.

Le recueil Jusqu’à ce que tout s’efface peut être commandé chez Richard Taillefer, 2 rue des Vignes Follet – 77176 – Savigny- le –Temple (France).

Prix : 10 Euros.


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