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Publié le 19 août 2010 par Hoplite

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Repassé ce jour à l’abbaye du Bonheur, sous le col de la Serreyrède et dans le massif del’Aigoual. J’y étais passé dans mes vertes années sans, peut-être, saisir la beauté du lieu.

De cet hôpital édifié en 1002, secondairement occupé par quelques chanoines, ne subsistent que quelques pans de murs épargnés par les guerres de religion, les camisards et les pillages divers. L’hôpital possédait une cloche (volée par les Camisards en 1705) destinée à guider pauvres et pèlerins en transit, la nuit ou dans le brouillard. Au milieu du XIIème siècle, la présence de six chanoines Augustiniens et rattachés au chapitre de Nîmes, est attestée. Cette abbaye était située à un endroit stratégique : la draille reliant la vallée de Valleraugue et le Languedoc aux causses cévenols et au Rouergue, passage obligé pour les transhumants ainsi que pour les nombreux pèlerins et voyageurs.

Le tympan du portail de l’église a été retrouvé tout récemment (1996) et représente sur une pierre monolithe en grès en forme de demi-lune, une main bénissante au centre, entourée de deux disques représentant le soleil et la lune, eux-mêmes entourés d’étoiles, symbolisant l’unité du cosmos et marquant pour le fidèle, le passage du monde profane au monde sacré. Ce tympan magnifique qui rappelle combien l’artiste roman avait toujours la volonté d’instruire - d’édifier moralement- le croyant, bien souvent illettré, était entouré d’un arc (archivolte) constitué de claveaux cannelés qui rappellent de façon saisissante l’aspect des dalles de schiste des Cévennes. C’est d’ailleurs une banalité que de noter à quel point tous ces édifices religieux –mais aussi militaires- médiévaux s’intègrent parfaitement dans le paysage minéral du lieu, les architectes d’alors utilisant la pierre (grés, schiste et granit en l’occurrence) et les matériaux de construction de la proche région, afin de diminuer les coûts de transport.

De l’église ne persistent qu’une partie de l’abside semi-circulaire autrefois voûtée en cul de four dont tout le parement extérieur fut pillé. Une nef unique en belles pierres de taille (grès) s’élevait avec une voûte en berceau du deuxième âge roman, une partie du transept saillant restant apparent. La plupart des autres bâtiments de l’abbaye sont en ruine, une bâtisse basse faisant office d’étable subsistant à proximité immédiate de l’abside, orientée à l’Est.

On arrive à l’abbaye du Bonheur (du nom d’un ruisseau proche) à partir du col de la Serreyrède, par un court chemin forestier ou à partir de Camprieu, par une belle draille d’allure mégalithique avec de larges parements de pierre entourée de prés parsemés de boules granitiques et de bouquets de hêtres. Sur les pierres de pavement de la draille, on aperçoit par endroit la trace des milliers de roues de charrois qui y passèrent. Les collines à l’entour, pelées et parsemées de limites de pâtures en pierre doivent figurer assez justement l’aspect que devait avoir l’ensemble du massif avant qu’il ne soit reboisé par deux hommes d’exception, Georges Fabre et Charles Flahaut, qui, à la fin du XIXème siècle, et devant les crues dramatiques de l’Hérault et l’ensablement du port de Bordeaux (le col de la Serreyrède se situe sur la ligne de partage des eaux Atlantique/Méditerranée), oeuvrèrent pour reboiser les pentes surexploitée pour le bois de construction, les mines de plomb et de zinc, les activités de fonderie et de charbonnage et les troupeaux transhumants. Quelques meutes de loups sont encore signalées dans la région en 1883.

L’ensemble, bien dégradé par les guerres de religion et la révolte des camisards, fut vendu comme bien national à la révolution, puis laissé à l’abandon avant de servir de carrière, comme souvent.


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