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Noël ensemble à l’école ZEP de la Rép’ : conte de fée social, western urbain ?

Publié le 20 décembre 2007 par Valérie Bernard

Samedi 15 décembre 2007, parents, enfants et enseignants avaient rendez-vous à 9h30 à l’école maternelle Anatole France pour fêter Noël ensemble. L'occasion aussi de s'interroger sur l'avenir de l'école.
Monter les escaliers décorés, traverser les couloirs pour parvenir à la salle de motricité fut un plaisir partagé par tous les parents émerveillés par le travail des enfants, des enseignants et des ATSEM (aide maternelle en petite section notamment).
Dessins, peintures, guirlandes, collages, multitudes de couleurs et de décorations… : une ambiance magique et irréelle de fête au cœur de mon coin de 9cube.
La magie continue lorsque dans la salle de motricité, tous nous nous retrouvons pour chanter autour du grand sapin. « Père Noël, si tu savais…, Entends-tu les clochettes tintinabuller… Vive le vent… ».
Nous ne parlons ni d’un quelconque Dieu, ni du Prophète, alors que plus de dix cultures différentes sont représentées (Côte d’Ivoire, Chili, Algérie, Bretagne, Vietnam, Maroc, Sénégal…) pour partager un très beau moment de convivialité dans la Maison de la Laïcité.

 Je me souviens tout à coup d’un collège, où des parents d’élèves, il y a quelques années, avaient demandé la suppression du sapin au nom de la laïcité. J’avoue qu’à l’époque j’avais été choquée. Je me suis fais la promesse que si la même chose devait arriver à l’école de Fifi Brindacier et Miss Star Ac’ (mes deux Blondes), j’étais prête à m’enchaîner au sapin pour éviter que ce symbole païen ne disparaisse et la chaleur de la fête avec lui ;-))
Après les chansons, tout le monde s’est retrouvé dans les classes autour de boissons et de friandises apportées par les parents : cornes de gazelle, jus de pommes, gâteaux au chocolat, thé à la menthe, far breton… Le Père Noël est venu dans chaque classe pour le plus grand bonheur des enfants. Les parents ont pris le temps de discuter, de mieux se connaître, de s’échanger des recettes et des infos. Une belle leçon de vivre ensemble, dans la maison de la laïcité.
L’équipe pédagogique a travaillé depuis de nombreuses semaines avec les enfants pour préparer cette magnifique fête : réalisation des dessins et autres collages, mais surtout apprentissage des chansons et décoration des classes et des couloirs.
J’espère que vous aussi serez charmés par les photos prises samedi. Des clichés pas du tout clichés d’une école ZEP de banlieue, des images de partage et d’avenir que l’on aimerait voir plus souvent, d’un coin de 9cube pas toujours enflammé sur les écrans de vos télés.
Après le goûter partagé dans les classes, c’est le moment de se quitter et de se souhaiter de Joyeuses fêtés. Noël pour les uns, Aid el Kébir pour les autres, et peut-être Hanouka pour certains.
Fifi s’étonne, «  non, tu te trompes maman, l’Aid on l’a déjà souhaité après le Ramadan… »
Soraya réplique : « ce n’est pas le même Aid, là c’est la fête du mouton le 20 décembre en mémoire du sacrifice d’Ismaël par son père Abraham : avant que Dieu ne retienne la main d’Abraham et remplace son fils par un mouton. »
Fifi : « Shaïma n’aura pas de cadeau alors ? »
Soraya : « en fait, nous avons quand même installé un mini sapin avec des petits cadeaux. »
Fifi : «  ben oui, les gros cadeaux pour Shaïma c’est pour l’Aid et pour moi à Noël. »
Soraya : « et alors, ça se passe le 25 décembre chez vous ? »
On se sourit, on s’embrasse, on se souhaite joyeuses fêtes et on se dit à l’année prochaine, in challah.
En 4 ans de ZEP de la Rep', j’ai pas mal appris sur les religions, nos points communs, nos différences, moi qui ne suis jamais allée au cathé et pour qui la messe était un devoir sans que les adultes n’aient jamais pris la peine de me dire pourquoi.
C’est donc Samya et d’autres mamans, qui patiemment m'ont offert des cours de religions comparées, puis Miss Star Ac’ avec son « éveil à la foi » dans son école catho.
Pousser par le questionnement des Blondes, « et pourquoi, nous on n’a pas de cadeau à l’AID ? » Nous avons découvert à la bibliothèque jeunesse, un ouvrage que je recommande et qui m’a aussi évité bien des gaffes… à confondre les prophètes des uns et des autres, mais aussi à lever certains clichés au bureau devant la machine à café.
« Dieu, Yahweh, Allâh : 100 réponses à des vraies questions d’enfants. »
Tous les adultes, y compris les plus de 77 ans devraient posséder ce magnifique ouvrage écrit par Katia Mrowiec, Michel Kubler et Antoine Sfeir aux Editions Bayard Jeunesse.
Au-delà des 100 questions, bravo au glossaire et aux pages « repères chronologiques », mettant en parallèle les grandes dates des 3 religions européennes.
Je viens de réaliser que c’est notre dernier Noël à l’école ZEP de la Rép, notre dernière année tout court d’ailleurs.
Je me souviens de notre première rentrée, de nos pas anxieux le long de l’école : j’avais l’impression de tonnes de paires d’yeux braqués sur nous, la famille Ricoré-Ingalls au milieu des Cosby en boubou, des berbères, kabyles et autres familles aux racines qui embaument la méditerrannée.
4 ans plus tard, que ce soit au marché ou sur la route de l’école, on peut apercevoir quelques nouveaux « Gaulois » et par chance pas de Nelly Oleson dans ce Walnut Groove version United Colors of Benetton.
Comme Charles Ingalls, Chouchou et nos nouveaux voisins coupent parfois du bois… ;-), le parallèle s’arrête là… D’autant plus que j’ai horreur de la couture et des ateliers créatifs genre comment fabriquer une couverture en patchwork.

Quoique, les codes de la série culte, version après 11 septembre viennent vivant, d'être récemment déclinés au Canada et sur Canal+ en France. Ainsi, La petite mosquée dans la prairie raconte avec beaucoup d'humour (sur la base du vécu de la réalisatrice), les tribulations d'une petite communauté musulmane installée dans un village reculé, les petits tracas rencontrés avec les habitants catholiques de la ville Salué par la critique, la série a attiré plus de deux millions de spectateurs à la chaîne publique canadienne anglaise CBC. 

4e et dernière année, donc à l’école ZEP comme parent élu au Conseil d’école et ex-présidente des parents.
La décision de changer d’école, pour le primaire, n’a pas été facile.
Choisir c’est renoncer, renoncer à laisser nos enfants à l’école ZEP de la Rép’. Choisir, c’est construire aussi, vouloir le meilleur avenir pour nos enfants.
Et quelle culpabilité, encore plus pour moi enfant de l’école de la Rép’ : Fifi Brindacier et Miss star Ac’ vont donc aller à l’école privée catho à Paname 17, pendant que les copines entreront dans la grande école ZEP du 9cube.
Ah, pas toutes : certains parents, au prix de gros sacrifices, vont financer une école privée à leurs enfants, d’autres vont déménager plus loin en grande banlieue pour offrir « un autre environnement » à leur famille.
En outre, certains foyers prennent des décisions « choix de Sophie » : le fils aîné de la famille musulmane pratiquante est interne dans le privé catho dans le 78, pour sa maman « loin de la cité… Les filles ? elles s’en sortiront toujours ».
Le Conseil d’école, un moment essentiel qui va me manquer.
3 fois par an, équipe pédagogique et parents élus se réunissent pour aborder différents points dont le projet pédagogique, les effectifs, les joies et les difficultés rencontrées…
C’est lors de mon 1er conseil d’école en 2003, au moment d’aborder les effectifs, que j’ai réellement intégré que l’école de ma Blonde n°2 était classée ZEP. La norme ZEP, c’est 25 élèves par classe maximum, contre 27 à 31 ailleurs.
Aujourd’hui, même si je sais que la nature humaine ne se résume pas à des stats, je peux affirmer que 25 élèves, pour une seule enseignante, c’est déjà trop, malgré toute l’énergie et la volonté déployée par l’équipe de choc de l’école ZEP de Fifi Brindacier.
Le projet d’école, définit par l'équipe pédagique, s’articule autour de 2 axes :
1) aide aux élèves en grande difficulté (environ 35% par classe)
- concertations et aides spécifiques,
- Ateliers décloisonnés
- Acceuil des grandes sections les samedis matin
2) maîtrise de la langue orale et écrite
- ateliers du samedi matin
- ateliers décloisonnés en grande section
- Projet Etamine (livre)
- Projet de l’imagier au dictionnaire
Ateliers de décloisonnement où les enseignantes, pendant les siestes des petites sections, encadrent les autres sections, notamment les grands pour des ateliers créatifs, bibliothèque, sciences, informatique...
Les samedis matins, les grandes sections sont pris en charges par tous les enseignants, toutes classes confondues, pour des ateliers, notamment autour du jeux pour apprendre la stratégie, la patience, la politesse… : avant la récréation du matin, chaque enfant choisit son enseignante, son groupe et se retrouve à 6 ou 7 maxi.
Après la récréation, les enseignantes imposent les groupes aux enfants pour travailler plus particulièrement les points à améliorer.
Ces ateliers en petits groupe permettent aux enfants de progresser, de profiter d’une journée moins chargée et de faire chuter le taux d’absentéisme de 50% les samedis matin.
Que se passera-t-il l’année prochaine, si nous passons à la semaine de 4 jours ? Comment conserver ce principe de 2 heures de « soutien » privilégiée ?
Je m’interroge, comme les maîtresses qui ont exprimé leurs inquiétudes lors du dernier Conseil d’école, mais aussi de l’absence d’infos du Ministère sur le sujet.
Lors d’un précédent article sur la semaine de 4 jours, c’est vrai que j’ai exprimé un avis favorable à la suppression du samedi matin, pour conserver 2 matinées en famille. Toutefois, pourquoi pas remplacer cette 1/2 journée les mercredis, c’est aussi bien que le centre aéré, non ?
En école, ZEP, j’entends souvent dire, surtout à la machine à café : « ah c’est super, vous avez beaucoup de moyens ».
« Beaucoup de moyens par rapport à quoi ? » Des moyens à la hauteur des difficultés rencontrées ?
Franchement pas toujours. Et encore, à Saint-Ouen, les personnels du RASED (Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficultés) est au complet avec psychologue et rééducateur qui prennent en charge les enfants, avec accord des parents, dès les difficultés détectées, qu’il s’agisse de problèmes de langage, d’acquisition des savoirs et/ou de comportements.
La violence existe dès la petite section de maternelle, et j’ai pu le constater notamment lors de sorties scolaires. Le plus récurrent est l’absence de respect des consignes, de discipline.
Les maîtresses ont d’ailleurs mis en place un tableau des bêtises au niveau de la classe, ainsi qu’un cahier des incivilités chez la directrice.
Le langage toujours… Des mots sur les maux. Des dessins sur les actes… Laisser une trace aussi pour les parents qui ont souvent du mal à accepter que leur enfant soit indiscipliné et/ou violent en collectivité.
Coup de chapo à la directrice, notamment pour sa capacité à jongler avec les subventions versées pour divers projets pédagogiques, comme la confection de livres-albums par les élèves : 750 à 1 000 euros par an sont ainsi récoltés.
Définition du scénario, rédaction des textes avec la maîtresse. En fin d’année, découverte du plaisir du travail accompli, d’avoir créer le livre de la classe, un travail d’équipe, exposé en juin lors de la magnifique et spectaculaire expo pédagogique de l’école.
Oui, que d’énergie déployée par l’équipe pédagogique qui gère 7 classes et 165 élèves cette année. Sachant que la directrice est aussi enseignante 2 jours par semaine.
L’équipe est aussi confrontée à des cas de conscience, notamment quant il s’agit d’enfants « en intégration », c’est à dire d’enfants handicapés, qui, au regard de la nouvelle ont l’obligation d’être accueillis.
La réalité est tout autre : les enseignants ne sont pas formées, ni aidées, qu’il s’agisse de handicap moteur (abandonner la classe pour accompagner aux WC ?) ou de handicap mentaux.
L’Inspection académique n’accorde pas le nombre suffisant d’heures d’Assistant de vie scolaire (AVS) pour prendre en charge ces enfants. De même que l’ANPE a énormément de mal à recruter des AVS : salaire trop bas, pas de formation… L’année dernière plusieurs recrues, payées le SMIC et non formées à l’accueil d’enfants handicapés, ont jeté l’éponge et abandonné leurs postes après quelques semaines.
Une maman est intervenue en Conseil d’école, pour expliquer qu’elle travaille à l’ANPE de Saint-Ouen, qu’elle connaît des mamans volontaires et capables d’assumer le job, mais que la mairie refuse les partenariats en contrats aidés (CAE) avec l’ANPE pour ce type d’emploi.
Pourquoi ? Les contrats aidés c’est une loi de la droite… Comme celle de l’acceuil des enfants handicapés… Et la mairie est à gauche…
Et les familles dans tout ça ? Doivent-elles rester indéfiniement otages ?
Certains vont bondir en lisant ces lignes, d’autres juger, certains comprendre, d’autres encore prendre peur. Comme Jean-Paul, je voudrai vous dire « N’ayez pas peur ». Et en même temps, je veux écrire la vérité, pour qu'elle éclate et avec elle, l'action ENFIN.

Tous, nous nous interrogeons pour savoir quel est le meilleur environnement pour nos enfants ? Non ?
Le 9cube n’est pas plus nocif qu’un autre, il a principalement besoin de moyens, après avoir été pendant longtemps (histoire des relations Paris-banlieue oblige) une zone de « rélégation sociale».
Aujourd’hui, les lignes bougent timidement : cette année, pour la 1ère fois en 4 ans d’asso de parents, 40 % de taux de participation aux élections (contre 25% avant), mais aussi 7 parents sont venus à notre dernière réunion, contre 1 ou 2 auparavant, et ce malgré tractage massif le matin à l’entrée de l’école, réunion le soir après le travail, un jour où il n’y a rien à la télé…
Combien de postes d’enseignants en maternelle seront-ils créés dans le prochain projet de loi ? Combien seront supprimés ? Quand est-ce que des moyens spécifiques seront déployés dans les zones en difficultés ?
La dépêche AFP reprise dans un article sur 20minutes.fr ne le dit pas…
Espérons que médecins, psychologues et infirmières scolaires ne seront pas non plus oubliés.

Que dire ? Que lorsque je suis dans certaines soirées à Paris, je me sens parfois comme une immigrée ?
Paradoxalement, je perçoit aussi ce sentiment ponctuellement dans mon coin de 9cube. Et pourtant, je veux toujours y croire, en la richesse de la mixité, et vous entraîner avec moi dans ce conte de fée social-western urbain.

Des questions, pas vraiment de réponses... Je vous laisse donc méditer cet article et ces mots de Jeanne Benameur, ancienne prof de ZEP, dont le roman Présent m'a fait fait vibrer.

« Juste se laisser prendre. L'auteur, tous les auteurs veulent cela : être pris aux mots. C'est pour cela qu'ils écrivent. 

Quand elle est avec les siens, chez elle au bord de la mer, qu'elle essaie de parler des gens d'ici, ils lui sortent tous les clichés de la banlieue et elle se surprend à leur dire qu'il y a une autre vie derrière les images de la télé. Mais cette autre vie, elle n'arrive  pas toujours à l'atteindre quand elle y est confrontée.

Le présent renouvelé est un temps que l'on apprend dans aucun manuel et c'est dommage. »


@suivre donc.


© rédactionnel ZoraLaRousse93
Webographie :

Cahiers pédagogiques, sept 06 : où en sont les ZEP ? 

Education prioritaire : site officiel du Ministère.

France 5.fr : Dossier - Zep des écoles comme les autres ? 

Libération.fr, 25 janvier 07 : La famille Ingalls convertie par l'islam.

Le Nouvel Obs.com, :  La petite mosquée dans la prairie bientôt sur Canal+.

Carnets : chroniques ordinaire d'une école en Seine-Saint-Denis, de Alice Dralliac, ed Anne Carrière, septembre 2006.

Présent ? de Jeanne Benameur, ed Denoël, aout 2006. 


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