En lisant le livre dont je vous ai déjà parlé "Mars" de Fritz Zorn, j'ai pris note d'un syndrome, le syndrome de Lazare dont seraient affublées les personnes revenant de la mort et qui s'applique aux survivants du cancer comme moi.
Mon mari a besoin de savoir d'où vient mon appétit de vivre et pense que je souffre de ce syndrome...En fait il a du mal à suivre et il lui faut une excuse...
Dans l'Évangile, Jésus fait ressuscité Lazare. Il revient à la vie mais autour de lui tout a changé. Le monde semble plus menaçant, plus agressif : les autres ne le voient pas, ne le comprennent pas et se détournent. En réalité, c'est lui qui a changé.
Être encore en vie après un traumatisme peut susciter une lourde culpabilité, une certitude d’être incompris, voire une honte : quand on a eu à la fois une telle malchance d’être confronté à des événements indicibles et une telle chance d’en revenir, comment se sentir comme les autres?
Ils sont nombreux à se sentir ainsi incompris après avoir vécu un accident, une agression, une catastrophe.
Le syndrome de Lazare est ce dérèglement relationnel prolongé entre une
personne qui a traversé une épreuve traumatique et l'environnement
familial et professionnel qu'elle retrouve ensuite.
La rémission du cancer peut être l'occasion pour certains patients d'une réelle détresse émotionnelle ainsi que d'une désadaptation psychologique appelées : syndrome de Lazare. A priori, la rémission est un évènement heureux pour le patient, car il correspond à la fin d'un malaise, tant physique que psychique. Seulement voilà... Et si ça n'était pas toujours le cas ? Et si la guérison marquait, au contraire, l'éclosion d'une souffrance ? L'être humain est fait de paradoxes et d'ambivalences. Le syndome de Lazare en est la parfaite illustration. Trois hypothèses explicatives sont émises quant à la survenue de tels troubles. La première confronte l'issue du cancer aux concepts psychanalytiques de dette et de masochisme. La deuxième envisage les symptômes sous l'angle d'une réaction de sevrage. Et la dernière évoque le contrecoup traumatique des traitements.
Les victimes, en mobilisant leurs ressources psychiques et affectives, peuvent parvenir à dépasser ce traumatisme et même à le transcender. (Tiens là je me reconnais un peu avec toute la modestie qui me caractérise...)
C'est ce syndrome de Lazare que présente Patrick Clervoy dans un livre "Le syndrome de Lazare : Traumatisme psychique et destinée".
Je ne l'ai pas encore lu mais ça ne va plus tarder et s'il me fait de l'effet, je vous en reparlerai.
J'ai aussi acheté une publication :
"Le syndrome de Lazare : une problématique de la rémission. Réflexions autour de la maladie cancéreuse chez l'adulte : Cliniques du cancer" de E. Cavro, C. Bungener, A. Bioy. Pareil que pour l'ouvrage précédent, si je trouve que ça vaut le coup, je vous en reparlerai. Je l'ai trouvé à l'adresse suivante :
http://www.refdoc.fr/Detailnotice?idarticle=7043156
Je me suis essentiellement basée sur ces deux documents pour écrire cet article et quelques autres extraits trouvés sur le net.
Je vous recopie ci-dessous un article paru sur le site de David Servan-Schreiber abordant ce syndrome de Lazare.
Voici le lien de l'article :
http://www.guerir.org/magazine/syndrome-de-lazare-quand-echapper-a-la-mort-devient-un-poids-trop-lourd
Syndrome de Lazare: quand échapper à la mort devient un poids trop lourd
D’après la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, en 2003, le cancer aurait favorisé des troubles psychiatriques chez 47% des patients, principalement des troubles de l’adaptation (39 %), des troubles dépressifs (12%) ou des réactions anxieuses (6%). Certaines études vont même jusqu’à parler de syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Rescapés d’une mort certaine, ils ne parviennent plus à se sentir tout à fait en vie. « Le syndrome de Lazare se rencontre après un cancer ou une catastrophe qui a mis en jeu la vie de la personne », explique le Dr Moley-Massol. C’est le syndrome du survivant. Il se caractérise par une symptomatologie anxieuse et dépressive et se définit par une impossibilité de renouer un lien harmonieux avec les autres, son environnement, son existence. La personne est médicalement guérie, mais elle vit dans une grande détresse émotionnelle. Plusieurs hypothèses sont posées autour de ce syndrome, qui semblent se combiner dans la réalité. Le sujet guéri doit réintroduire le monde des bien-portants, alors qu’il s’est pensé perdu, que les autres ont pu le considérer comme pouvant mourir, et il ne reconnaît plus sa place dans ce monde qu’il trouve changé. En réalité ce n’est pas l’environnement qui a changé, mais lui-même.
Pour dépasser cette étape douloureuse, il devra parvenir à reconstruire une autre image de lui-même et une nouvelle représentation de son avenir et de sa relation aux autres ; c’est un travail de deuil, le deuil soi-même, qui inclut à la fois le renoncement, mais aussi de façon positive, l’élaboration et la reconstruction.
Le deuxième facteur qui intervient est ce que l’on pourrait appeler un syndrome de sevrage par rapport au monde médical qui agit comme un véritable substitut maternel. Le patient guéri n’est plus soumis aux soins, à l’attention de l’équipe médicale. Il en ressent une forme d’abandon, inconsciente, et une grande vulnérabilité.
Enfin la fin des traitements, c’est aussi le moment, où après la tension des traitements, tout entièrement préoccupé par son corps, le malade s’autorise à relâcher cette tension et c’est toute sa détresse contenue, sa souffrance qui s’expriment.
Autant d’éléments qui font que le syndrome de Lazare ou la phase dépressive qui accompagnent souvent la rémission ou la guérison doivent être décrites au patient pour éviter qu’il ne culpabilise de vivre cette période de désarroi alors qu’il devrait se « réjouir ». Il faut aussi l’expliquer aux proches, car durant ces périodes, une incompréhension majeure peut s’instaurer dans les familles entre le malade en réaction dépressive et l’entourage qui préfèrerait ne plus entendre parler de la maladie ».
Mais c’est loin d’être aussi simple car là encore, la guérison n’est pas l’oubli. « La maladie laisse toujours sa marque mais celle-ci peut devenir une force quand elle mobilise les ressources les plus profondes du psychisme du sujet, ses désirs et ses pulsions de vie. Et si guérir d’un cancer, c’était renaître à soi-même en acceptant d’avoir traversé l’épreuve et d’en être transformé ? », conclut-elle.
Car il y a une vie après le cancer. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Celine Dufranc
Je trouve qu'on ne ressort pas indemne d'une confrontation avec la mort. On prend réellement conscience qu'on peut mourir à tout moment, qu'il faut vivre maintenant et qu"'il n'y a rien de plus pressé que le présent" (paroles empruntées à la chanson "Avec des si" du groupe Emzel Café pour ceux qui connaissent sinon je vais bientôt y remédier et en attendant, vous pouvez retrouver trois morceaux d'eux dans ma liste deezer mise à votre disposition dans la colonne droite de ce blog. Leur dernier album ne quitte pas le lecteur CD de ma voiture). C'est bien de faire des projets pour le futur mais c'est encore mieux de concrétiser ceux qui sont réalisables tout de suite et de mettre de côté les mauvaises raisons qui nous faisaient repousser leur réalisation.
Il faut penser un peu plus à soi aussi, notre bien-être, notre santé en dépendent.
Je trouve que le cancer nous a enlevé cette innocence de penser que ça n'arrive qu'aux autres et que nous serons forcément un jours de joyeux retraités. Rien n'est certain, je vous le souhaite à tous mais aucune garantie. Il faut vraiment vivre l'instant présent et surtout lui donner un sens pour le rendre plus précieux.