Réplique de Jean Leblond à Louise Nadeau et Marie-Claude Rivet

Dans la l'édition du Soleil du 4 août on pouvait lire un article de Marie-Josée Nantel sur les impacts du haut taux de remise sur le développement d'une dépendance au jeu en ligne. Le chercheur Jean Leblond précise et explique ici certains éléments contenus dans l'article.

Bonjour Madame Nantel,

Un petit mot rapide pour vous remercier d'avoir pris le temps d'écrire un article sur les taux de remise. C'est un sujet qui parvient rarement dans l'espace public. Je crois que des collègues vous ont fait parvenir des documents en appui. Ce sont des articles qui expriment une opinion d'expert similaire à la mienne, mais qui n'apportent pas la preuve que Loto-Québec exige. En fait, comme bien des corporations multinationales, Loto-Québec essaie d'obliger les chercheurs à continuellement réinventer la roue de sorte qu'il n'est pas productif d'embarquer dans ce genre de débat. Une fois cette question résolue à la satisfaction de Loto Québec, une autre exigence à réinventer la roue suivrait immédiatement. L'impact des taux de remise sur le jeu pathologique est analysé en fonction de lois d'apprentissage qui constituent un des fondements les plus solidement établis en psychologie. Si on en doute, on doute de tout. Vous auriez une réponse similaire d'astrophysiciens à qui vous demanderiez de prouver que le ciel est bleu. Aucune étude ne le prouve ... pour cause que ce serait un gaspillage d'y consacrer des fonds de recherche trop rares pour des questions plus importantes.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'entente hors cour qui est survenue durant le recours collectif contre Loto-Québec, on doit conserver à l'esprit que la preuve dont il est question n'est pas la preuve que les scientifiques ont exposée au juge. Il s'agit de la preuve juridique telle que construite par les avocats; ce qui implique non seulement les expertises, mais aussi les témoignages de joueurs et de gestionnaires ainsi que des pièces documentaires. Dans le jugement qui entérine l'entente, le juge Duchesne prend la peine de préciser qu'il ne se prononce pas sur le fond. Il indique, à titre d'avocat des absents, qu'il croit préférable d'accepter que quelques joueurs puissent obtenir un remboursement de leur vivant plutôt que d'attendre encore les nombreuses années qui auraient été nécessaires pour réparer une erreur technique qui a été négligée par les avocats des joueurs (la plainte était rédigée en fonction du droit extracontractuel alors que la preuve était pertinente en fonction du droit contractuel). On parlait alors de 2020! Au Québec, la loi sur les recours collectifs est ainsi faite que le juge agit parfois à titre de juge du fond et en d'autres temps à titre d'avocat des absents. Lorsqu'il a entériné l'entente, il agissait à titre d'avocat et non de juge. Quoi qu'il en soit, j'ai demandé aux avocats en quoi consistait la preuve faite par les experts de Loto-Québec. Je n'ai jamais obtenu de réponse, et pour cause: cette preuve admise n'existe pas.

Jean Leblond

QUI EST JEAN LEBLOND:

Jean Leblond (Ph. D., psychologie) est docteur en psychologie de l’Université Laval depuis 1985. Il a complété sa formation avec deux années et demie d’études postdoctorales en neurophysiologie à l’Université McGill. Spécialiste des aspects psychophysiologiques des comportements, il a longtemps œuvré dans les domaines de l’interaction humain-ordinateur ainsi que la psychologie des processus cognitifs (les processus du raisonnement). En 1998, il s’est joint au Centre d’Excellence pour la Prévention et le Traitement du Jeu (CQEPTJ) dirigé par Robert Ladouceur à l’Université Laval. Il a quitté le CQEPTJ en 2000; environ un an avant de devenir le principal conseiller scientifique des avocats des joueurs dans le recours collectif contre Loto-Québec.

Hausse des remises de Loto-Québec: plus d'accros en ligne? - Marie-Josée Nantel, Le Soleil

Jeu en ligne : Le haut taux de remise de Loto-Québec provoque la dépendance - Jean Leblond (Ph. D., psychologie)