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Immigration: la course à l'échalotte entre Besson et Hortefeux.

Publié le 23 août 2010 par Juan
Immigration: la course à l'échalotte entre Besson et Hortefeux.Plus l'heure du remaniement gouvernemental tant attendu approche, plus les supputations se multiplient. Cet été, deux ministres se sont distingués dans la polémique alliant insécurité et immigration. A force de déplacements médiatisés, Brice Hortefeux a clairement dominé l'actualité de la première quinzaine d'août. Eric Besson est intervenu plus tard, quand il a senti que son propre ministère de l'immigration était en passe de lui échapper. Les deux semblent jouer la montre. Pourquoi cette inquiétude ?
Eric Besson, converti grotesque
Alors que Brice Hortefeux s'était installé comme super-ministre de l'intérieur et de l'immigration depuis 15 jours, Besson a tenté depuis quelques jours de récupérer sa place au gouvernement. Pourquoi cette inquiétude ? En fait, Nicolas Sarkozy avait demandé à Claude Guéant de plancher sur 3 scenarii de remaniement : le premier supposait de remplacer tous les ministres actuels; un second faisait un toilettage modeste, avec une réduction du nombre de secrétariats d'Etat. Le troisième fusionnait nombre de ministères pour donner naissance à 5 pôles, chacun sous la houlette d'un « super-ministre ». Ces informations ont fuité dès le 6 août. Dans ce dernier scénario, le périmètre actuel d'Eric Besson se retrouvait absorbé dans un super-ministère de la Tranquillité Publique, mêlant Intérieur et Immigration. On comprend l'inquiétude de Besson. Se voir chapeauter par Hortefeux n'a rien de réjouissant. Il lui fallait donc réagir.
La course
Lundi 16, Eric Besson critiquait les comparaisons internationales faites à la France avec la sombre période de Vichy à propos des destructions de camps de Roms. Pas question de se laisser comparer à Vichy. Et le voici qui répète, une fois encore, ses hésitations sur l'application de la déchéance de nationalité en cas de polygamie.
Mardi 17, Hortefeux revient d'un bref weekend. Il recadre Estrosi, lance ses Brigades Spéciales de Terrain, et ... se félicite des expulsions prochaines de 700 Roms d'ici la fin du mois et du démantèlement de 51 camps. Eric Besson n'est plus là. Il s'était envolé pour Washington, aux Etats-Unis. Mais Hortefeux pense à lui. Devant les caméras, il précise quand même que « les services de l'immigration travaillent en très étroite collaboration avec le ministère de l'intérieur. »
Le 19 août, Besson signait un accord avec les autorités américaines permettant le déploiement de policiers américains à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Devant quelques journalistes sur place, le ministre de l'identité nationale est revenu sur ces polémiques, jugeant les débats français « grotesques » et caricaturaux: « Ce sont les Français qui roulent le plus le tambour pour s’autoflageller ». Puis il expliqua, sans rire, que la politique d'immigration de Barack Obama, si elle était appliquée, provoquerait un tollé un France. Que voulait-il dire ? Le président américain vient de débloquer un budget supplémentaire de 600 millions de dollars et le déploiement de 1.500 agents supplémentaires et d'avions drones le long de la frontière Etats-Unis/Mexique. Quel est le rapport avec la France ? Les réalités respectives des deux pays sont sans commune mesure. Les Etats-Unis ont 1.300 kilomètres de frontière communes avec le Mexique, souvent en plein désert. L'an passé, 390 000 immigrés clandestins en provenance du Mexique ont été expulsés, et Obama réfléchit à régulariser 700 000 étudiants sans-papier. Quand l'Etat d'Arizona s'est doté, pour la première fois dans l'histoire américaine, de la faculté de contrôle d'identité sans motif par sa police locale, Barack Obama a protesté. Ce type de réglementation existe depuis des lustres en France. Fin juillet, une juge fédérale en a annulé les principales dispositions.
Jeudi 19 en soirée, depuis Washington, Eric Besson s'exprime à nouveau, cette fois-ci sur France 2. Il se répète : « la France n'a pas de leçon à recevoir. » Comme pour minorer les annonces tonitruantes de son collègue de l'Intérieur, il répète aussi que les expulsions de Roms sont classiques: « Il n'y a pas de vols spéciaux vers la Roumanie. Nous sommes dans le cadre de procédures classiques de reconduite de ressortissants étrangers en situation irrégulière dans leur pays d'origine. » Depuis janvier, environ 850 Roms ont été renvoyés en Roumanie ou en Bulgarie. Et paf ! Trois jours avant, Hortefeux brandissait les 700 expulsions de Roms comme un sinistre trophée. En fait, nous dit Besson, on en expulse d'habitude largement autant...
Samedi 21, Brice Hortefeux repart à l'offensive. Dans une interview au Monde samedi 21 août, le ministre de l'Intérieur s'en est pris aux « bien-pensants » et à la « gauche milliardaire ». Question milliards, Hortefeux sait de quoi il parle... entre les affaires Woerth qui affectent son camp et son parti, et son épouse Valérie qui, bien que responsable de communication aux Caisses d'Epargne, participe au fameux cercle d'affaire Maxim's Business Club (révélé lors de l'affaire Bettencourt)
«Vous êtes aveuglés par le sentiment dominant des soi-disant bien-pensants qui, en se gargarisant de leur pensée, renoncent à agir (...) Que certaines voix de la gauche milliardaire aient du mal à le comprendre ne me trouble pas du tout, bien au contraire. (...) Je vous invite à ne pas confondre le petit milieu politico-médiatique parisien et la réalité de la société française ! La sécurité est l'un des tout premiers droits. Ceux qui le nient ne sont généralement pas les moins privilégiés.»
Ou encore: « Sur la sécurité et l'immigration, comme sur la fiscalité ou les retraites, la gauche se tait, car elle n'a strictement rien à dire. Son silence est un programme ». Concernant les effectifs, Hortefeux « assume » une baisse « modeste » car 99,5% des effectifs actuels de la police seront maintenus l'an prochain. Le ministre ment. Cette année, les forces de police (hors adjoints de sécurité) sont 10 000 de moins qu'en 2002.
A Hortefeux, les grands cris, les tripes; à Besson, l'argumentation raisonnée. Le premier joue l'instinct, l'affection, le second préfère rationaliser. Les deux jouent dans la même cour, une cour étroite où il faut sans cesse justifier.
Dans cette course à l'échalote sarkozyste, il n'y a qu'une victime, les boucs-émissaires désignés, tantôt Roms, tantôt simples immigrés.


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