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Toute cette agitation politique et médiatique, les deux se nourrissant mutuellement, autour de la communauté Rom
me met en dissidence intérieure. J'ai mis plusieurs jours à réagir, absence de réaction mais pas absence de malaise. Même si je demeure persuadée du peu de portée qu'auront mes mots face à cette
déferlante, je ne puis cependant, au nom de tout ce qui fait sens pour moi, demeurer dans le silence... Comment en est on arrivé là? En France, en 2010? Après les images difficiles à soutenir, au
delà de toute explication rationnelle sur la légitimité de leur présence, de l'expulsion des sans papiers de Sangatte, puis du "nettoyage" de la forêt qui les abritait. Après
les évacuations ponctuelles de sans papiers des lieux où ils tentent de survivre. Après tant d'autres affaires qui ont mis sur le devant de la scène ceux qui vivent à la
frontière de notre société, sans papiers, sans domicile, sans parfois "les mots pour le dire". ..
Bien sûr qu'un Etat doit faire respecter l'ordre sur son territoire. Mais en ne se comportant pas en
"rouleau compresseur", écrasant sur son passage tout ce qui le dérange ou perturbe l'harmonie supposée. Et en ne se dédouanant pas par une aide au retour, même si c'est mieux que ce
que font d'autres Etats. Je ne suis pas en révolte contre les lois de mon pays, celui qui a accueilli en son temps mes parents. Mais me viennent en mémoire des concepts venus d'un
autre âge, qui me blessent, qui blessent ma légitime citoyenneté française, ceux de préférence nationale, entre autres. J'espère que ce n'est pas de celà qu'il s'agit.
J'ai une peine infinie à comprendre l'intérêt de ces mesures expéditives contre les Roms. De quels crimes
sont-ils coupables pour être ainsi si soudainement, en plein été, repoussés le plus loin possible de nos frontières? Tous voleurs de poules? Les poules ont-elles monté un comité si puissant
qu'il contraint le Gouvernement à agir dans une urgence absolue? Ou, pour appeler un chat un chat, cette communauté dérange-elle par le simple fait d'exister? Je connais malheureusement
trop bien ce que peut induire le délit identitaire, pour en avoir mesuré toute mon existence les absences définitives et inconsolables qu'il a induit pour ma propre famille. Pour
en revenir aux Roms, rejetés par leur propre pays, repoussés de partout, que leur reste-il à offrir à leurs enfants, à part l'exil et l'errance permanente? Comment se construire une identité dans
un tel contexte, et où? Rom n'est pas une identité, mais le nom du rejet absolu.
Je n'ai aucune solution à apporter. Juste mon indignation. Et je sais bien que ce n'est rien. Mais c'est de ce
rien-là dont je voulais témoigner, ici et maintenant.