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De Villepin s'exprime. La France retient son souffle. Et s'endort.

Publié le 24 août 2010 par Copeau @Contrepoints
De Villepin s'exprime. La France retient son souffle. Et s'endort.

Dans « Une tâche de purée sur ma serviette« , Dominique de Villepin s'est laissé aller à une réflexion comme en produisent régulièrement les foutriquets et autres personnages imbus d'eux-mêmes que cette République n'en finit plus de supporter à grand frais. Rigolons sur, mmh non analysons la prose énarquisée qu'il nous offre entre deux gesticulations pardon meetings politiques.

Et ça commence dès la première majuscule. Comme un Prost ou un Senna de la politique, il appuie sur le champignon dès la première seconde, et attaque le pneu sans regarder à l'économie ! Go, Domi, Go !

« Il aura suffi d'un discours à Grenoble et d'un été, d'un seul été, pour que tout bascule, de la lutte contre l'insécurité à l'indignité nationale. Je dis bien « nationale » car le président de la République nous engage tous. »

Oh là, comme tu y vas, Dominique ! Il engage ceux qui se sentent engagés, comme toi, manifestement. Si tu votes et que tu croies encore au Père Noël, ne crois pourtant pas que ta naïveté est présente chez les autres Français. Moi, j'ai arrêté de glisser des bulletins inutiles dans des urnes pipeaumétriques depuis longtemps. Je n'ai donc aucun lien avec ton pote Nicolas. Fais comme moi : arrête de voter.

« Il suffirait d'écouter les voix qui s'élèvent du Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale pour condamner la recrudescence raciste et xénophobe. »

Ouais, il « suffirait ». En même temps, appeler en renfort cette émanation de l'ONU, c'est un peu ridicule, surtout quand on sait que dans ses membres, il y a des pros olympiques de la discrimination, comme l'Algérie, la Turquie, le Pakistan ou la Chine. Bref : les remarques d'un groupe de pendards sont à prendre avec des pincettes, ne trouves-tu pas, Domi ? Au passage, tu n'as pas placé « stigmatiser ». Dommage, ça valait plein de points en mot compte triple actuellement.

« Nous savons surtout que de tels projets, même mis en œuvre, ne changeraient rien aux difficultés quotidiennes de nos compatriotes. »

Oh oui. Nous le savons. Mais les pisse-copies, eux, s'attardent pourtant beaucoup sur l'affaire. Seraient-ils plus bête que le « nous » généraliste que tu emploies ? Heureusement, tu continues :

« Des solutions existent pourtant. »

Oh, chic, des soluces ! Tu vas proposer des trucs et des machins. Je frémis, je bouts ! Voyons cela.

« Cela exige de rassembler tous les acteurs, notamment les maires et les associations, de mobiliser avec raison et détermination tous les instruments de la prévention et de la répression en reconnaissant l'ampleur de la question sociale, économique, éducative. »

Rassembler, mobiliser, prévention, répression, question sociale, économique, éducative … Tous les mots y sont, on peut remplir rapidement une grille de Bullshit Bingo. Et concrètement, ça donne quoi, ça, « rassembler, mobiliser avec raison les instruments de la prévention patati et répression patata » ? A l'analyse, on n'aboutit qu'à une seule conclusion : patatras, c'est du bidon ! D'ailleurs, l'odeur y est une phrase plus loin :

« Rien n'a changé, et pourtant tout a changé. »

C'est pareil, sauf que c'est différent (avec le contrepet évident : c'est différent, sauf que c'est pareil). Puissance de la langue, profondeur de l'argument, la Marmotte Cendrée travaille à plein régime.

De Villepin s'exprime. La France retient son souffle. Et s'endort.

« Changé, le regard sur la France, pays qui jadis avait des repères, des principes. »

Hummm… C'était en 1789, et ça ne s'est plus reproduit depuis. Le refrain vibrant des sanglots réprimés sur la Fraônce, guide du monde moderne et phare de la diversité/non-discrimination/modèle social/vivrensemble etc…, c'est un peu passé de date. Surtout sur les 30 dernières années. Domi, je dois te le dire : tu es resté trop longtemps dans ta cuisine en formica.

« Il ne s'agit pas là de simples détails, car nous ne pouvons oublier, au-delà de l'indigne, jusqu'où peuvent conduire ces jeux-là. »

Ah, tiens, tu as réussi à glisser une petite bordée d'heures très sombres de notre Histoire. C'est, sans difficulté, plus subtil que du Moscovici, véritable panzer division de l'image rhétorique. Y'a pas, l'ENA, c'est comme le scrabble, ça donne des lettres.

« Se taire, c'est déjà être complice. »

Peut-être. Mais brailler en retard, c'est passer pour un con. Cela fait un moment que tu aurais dû clamer ton opposition aux ridicules tentatives de Sarkozy et sa clique pour tenter de reprendre pied dans le grand bain de l'insécurité où ils s'étaient lancés sans savoir nager. Le souci majeur de brailler lorsque tout le monde le fait aussi, c'est qu'on ne t'aurait pas entendu. Pire, on t'aurait même confondu avec les autres socialistes, ceux du Parti Officiel.

« Il appartient à chaque Française, à chaque Français, de réagir en conscience, quels que soient son âge et sa condition et où qu'il se trouve, à Paris ou en province, pour marquer à sa façon son refus de cette dérive inacceptable. »

Tiens, encore de la soluce concrète et millimétrée ! En somme, tu proposes donc que les Françaises et les Français qui s'opposent à la politique sarkozienne accueillent ceux qu'ils veulent expulser. Je vais plus loin : montre la voie, Dominique ! Accueille toi aussi quelques laissés pour comptes (disons une vingtaine). La République te remercie d'avance.

« Le défi pour les responsables politiques est sans doute le plus difficile, comme en témoignent le malaise à droite, le flottement à gauche et les incertitudes au centre. Il implique de se hisser au-delà des arrière-pensées électorales et des clivages partisans. »

Tiens, encore de la prose gravement énarquisée. Ça pique un peu les yeux, et ça bloque pas mal de peptides dans les parties supérieures du cerveau, mais on comprend bien ce que tu veux dire : à droite, c'est la marde, à gauche, c'est la marde, et au centre, c'est aussi un peu la marde. Heureusement, tu t'es hissé au-dessus du lac de marde. Du haut de ton nouveau poney électoral, tu brandis ton petit clairon : tu peux fièrement rassembler tes troupes pour une aventure glorieuse dans le marigot voisin.

« Le moment vient où les yeux des plus naïfs, des plus incrédules vont enfin s'ouvrir. La rupture entre le sommet de l'Etat et la nation est en marche, quoi qu'on veuille faire dire aux sondages d'opinion. »

Ce qu'il y a de comique, c'est qu'une fois les yeux des plus naïfs ouverts, ceux qui subissent l'injustice et l'insécurité (la vraie, pas celle combattue mollement par Hortefeux), vont venir précisément s'occuper des gens de ton acabit, ceux qui ont le pouvoir ou ceux qui bavent à l'idée de l'avoir un jour. Ce jour là, fini les petits fours et les marmottes cendrées.

« Il y a aujourd'hui un devoir à remplir pour tous les républicains de France, face à l'hydre (patati, patata, nous devons tous combattre les méchants nazis qui s'infiltrent partout) pour préparer l'alternative républicaine qui s'impose. Un devoir que nous devons assumer tous ensemble, aussi longtemps qu'il faudra, avec toute l'énergie qu'il faudra. »

Et pour préparer l'alternative machin, qui est sur le pont ? C'est Domi, bien sûr !

Eh oui : le Dominique, il est déjà en campagne. Et comme à son habitude, il se masturbe un peu trop l'esprit sur les phrases, et pas vraiment sur le concret ; à force, il a même fini par faire des tâches honteuses dans Le Monde…


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