François vient de l’évoquer dans son article, l’actualité politique est marquée par le tour de passe-passe du gouvernement, qui utilise l’affaire des Roms pour faire oublier celle de Woerth. Je me permettrai d’aller plus loin que François dans la dénonciation de ce qui se passe actuellement au sommet de l’Etat.
Comparer, comme certains le font, l’action actuelle du gouvernement à celle de Vichy ou à la déportation des juifs me paraît assez peu pertinent : à l’époque, l’action engagée contre telle ou telle population correspondait clairement à une idéologie, notamment caractérisée par l’inégalité entre les peuples et entre les races. De la même manière, s’inquiéter de la dérive raciste du gouvernement (qui rejoindrait les thèses du Front National) ne me semble pas tout à fait correspondre à la réalité.
Il me semble plutôt que ce gouvernement est marqué par une l’absence de vision cohérente de la société et du monde, et l’absence d’idées et de principes à défendre. Au contraire, le pragmatisme de son action est poussé à l’extrême, l’unique objectif étant de se maintenir coûte que coûte au pouvoir.
Les épisodes de ces derniers mois sont la triste confirmation de cette attitude.
L’affaire Woerth qui met en lumière la proximité du pouvoir et de l’argent, les petits arrangements entre puissants… et dans laquelle les principes de transparence, de séparation des pouvoirs, d’équité sont ouvertement bafoués. Et, au sommet de l’Etat, l’on traite par le mépris ceux qui s’en indignent. Pire, on les assimile à des fascistes.
Les violences à Grenoblesont l’occasion d’une reprise en main sécuritaire de la part de Sarkozy : nouveau préfet nommé, annonces fracassantes sur la déchéance de nationalité pour les étrangers délinquants… dans un contexte où les effectifs de policiers baissent depuis des années, où l’on remet discrètement en place une police de proximité supprimée quelques années plus tôt et, surtout, où l’on continue à volontairement laisser à l’abandon des quartiers « sensibles » qui cumulent les fragilités et les exclusions. Ne cherchez pas le fil conducteur ou la cohérence, il n’y en a pas.
Et puis l’affaire des Roms. Juste un chiffre pour démontrer le cynisme absolu de ce gouvernement : il y a environ 15 000 Roms en France, un chiffre stable ces dernières années. Pourtant, le gouvernement en expulse chaque année entre 8 000 et 9 000. Les Roms expulsés reviennent donc aussi simplement qu’ils sont partis (libre circulation depuis que la Roumanie fait partie de l’UE). L’avantage de cette situation est double pour le gouvernement : ces expulsions coûtent peu cher, et représentent 30% des étrangers chaque année expulsés de France. Tout simplement de la « chair à statistiques », comme le dit Malik Salemkour (Ligue des Droits de l’Homme). Une politique totalement inefficace donc, sauf du point de vue médiatique.
Evidemment, à chaque nouvel épisode, on entend les aboyeurs habituels : Lefebvre, Estrosi, Bertrand, Chatel, Besson, Morano… Ces chiens de garde sans cervelle ni idée, dont la seule fonction est d’occuper le terrain médiatique, en racontant tout et n’importe quoi, l’indignation affichée tenant lieu d’arguments.
Gouverner avec cynisme, soit. Mais aller aussi loin dans la négation de ce qui fonde les valeurs de notre société, dans le mépris des institutions et des gens, et, finalement, dans la décrédibilisation de l’action politique, voilà qui est grave. En période de crise profonde comme celle que nous traversons, le minimum que l’on puisse attendre d’un gouvernement, plus que des résultats immédiats, c’est qu’il cherche à rassembler plutôt qu’à diviser, qu’il tente de donner des repères à une société qui se fragilise, et du sens à l’action qu’il entreprend. Pas de se comporter comme une bande de voyous dont le pouvoir et l’argent sont les seuls horizons.