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Rationalisation de l’offre de soins ou rationalisation des coûts?

Publié le 08 juillet 2010 par Damienamselem

Rationalisation de l’offre de soins ou rationalisation des coûts?

Nicolas Sarkozy s'était exprimé sur le cas Eric Woerth lors de sa visite à l'hôpital de Brie-Comte-Robert (en Seine-et-Marne), déclarant en substance que ce qui se passait à l'hôpital était autrement plus important que la polémique actuelle sur Liliane Bettancourt.
Force serait presque de reconnaître pour une fois la lucidité du chef de l'Etat, puisqu'on vient d'apprendre que les activités de chirurgie et les maternités de 54 hôpitaux pourraient se voir suspendues dans les trois ans qui viennent, un décret qui devrait être publié début août entérinant la chose.

UNE LOGIQUE COMPTABLE
Des voix nombreuses se sont déjà élevées pour dénoncer cette mesure, qui ne peut a priori qu'aggraver encore un peu plus les inégalités, tout en accentuant la fragilisation de l'hôpital public.Comment ça marche? C'est assez simple : en dessous d'un certain quota d'opérations (1500) le service se voit suspendu, sans trop se soucier finalement du service rendu. Ou plutôt si, puisque c'est la sécurité des patients qui est invoquée pour justifier la suppression des activités, en raison précisément d'une activité jugée insuffisante, vous avez dit logique perverse? Oui probablement, car histoire sans doute de mieux faire passer la pilule, le ministère de la santé a assouplit la règle des 1500 opérations : Les services dépassant 70% de l’objectif disposeront d'un « délai de grâce » de trois ans afin d'améliorer leur « score » ou de s’associer à un autre établissement. Mais certains (des mauvaises langues?) estiment que la perspective des trois élections à venir (cantonales, législatives, présidentielle) n'est pas étrangère à l'octroi de  ce délai supplémentaire. La Fédération hospitalière de France toujours dans le JDD dévoile une réalité quelque peu cynique : “Ces services sont souvent dirigés par des chirurgiens âgés qui prendront leur retraite dans les trois ans, explique avec cynisme un directeur d’hôpital. Comme on ne leur trouvera pas de remplaçants, l’activité s’arrêtera faute de combattants. Cela évitera des bras de fer inutiles. »

UN PLAN DE RIGUEUR SPECIAL SANTE
Cette mesure fait partie du fameux « plan de rigueur sur la santé », dont l'objectif est une économie de 3 milliards d’euros d’économies et une rationalisation de l'offre de soins via le regroupement des des services et des hôpitaux, à quel prix telle est bien la question. On est tenté de faire l'analogie avec ce qui s'est passé avec la fermeture de lignes ferroviaires jugées pas assez rentables (ou la suppression des petits bureaux de postes pour des raisons comparables) , mais en cette matière comme en d'autres, l'analogie a ses limites, puisqu'ici c'est de vies humaines qu'il s'agit..

Comme le rappelle le site latetocarhaix.org, la destruction de services de santé publique n'est ni la sécurité annoncée (plus d'éloignement, plus de déplacements) , ni la qualité annoncée (encombrement des sites de regroupements qui ne disposent pas déjà d'un personnel suffisant, « ni la démocratie souhaitée puisqu'élus, personnels et usagers ne sont quasiment jamais consultés, et de moins en moins avec la réduction drastique de leur représentation et de leur pouvoir avec la loi Bachelot ».La chose ne semble guère émouvoir du côté du ministère de la santé, je vous livre ces propos extraits de l'article du JDD (que je vous invite à lire d'ailleurs)”Dans certaines spécialités, on envoie des patients se faire traiter au Japon, explique un conseiller du ministère de la Santé, un rien agacé. La médecine est de plus en plus spécialisée, alors on peut bien faire une heure de route pour soigner sa cataracte… D’ailleurs, la plupart des patients bien informés ont déjà déserté ces endroits-là.”
http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Actualite/La-liste-des-54-hopitaux-menaces-en-France-204898/

http://www.latetocarhaix.org/article-non-aux-restructurations-destructions-de-sarkozy-bachelot-53459044.html

Le risque biens sûr, c'est un démantèlement progressif du public au profit du privé (dans le meilleur des cas, non lucratif = réseaux de santé des mutuelles ; dans le pire, lucratif) , la fédération de l'hospitalisation privée ne s'y trompe d'ailleurs pas investissant depuis plusieurs mois dans des campagnes coûteuses pour redorer son image. Sa dernière campagne « sauver la sécu »  vient d'ailleurs d'être épinglée par Act up qui réclame son annulation pure et simple, tout simplement au motif qu'elle induit volontairement le public en erreur sur ses motivations réelles et les objectifs affichés.  (lire ceci sur la question : http://informationcomplementairesante.20minutes-blogs.fr/archive/2010/07/08/le-npa-et-act-up-denoncent-la-campagne-de-pub-de-l-hopital-p.html)

Car soyons réalistes : plus de place pour le privé lucratif, c'est à la clé plus de dépassements d'honoraires, et plus d'inégalités face aux soins, quoiqu'en dise la FHP..Toujours dans l'article du JDD, le journaliste souligne le risque d'une sélection des malades : Les cliniques privées pourraient en effet être tentées de conserver les patients rentables, et de renvoyer les autres vers l’hôpital public, et oui… Une pratique qui serait déjà courante si l'on en croit un médecin de Seine-Saint-Denis cité dans l'article : “C’est déjà le cas dans les services d’urgence de certaines cliniques. On garde les malades qui nécessitent de nombreux examens et on renvoie vers l’hôpital du coin ceux qui ont des pathologies lourdes et incurables ou dont l’état est peu stable”. Dans le même ordre d'idée, lire aussi cet article : http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Actualite/Le-tabou-des-mercenaires-hospitaliers-204912/

Moralité : on nous parle d'une rationalisation de l'offre de soins, mais au bout du compte, c'est purement et simplement une rationalisation des coûts qui est en marche. “On avance on avance”, mais où?


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