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Roger Milla : la colère du vieux Lion

Publié le 26 août 2010 par Atango

Roger Milla a de la suite dans les idées. Après avoir fait, juste avant la Coupe du Monde, une sortie pour le moins offensive contre Samuel Eto'o, il a attendu la fin de cette compétition pour allumer une nouvelle querelle avec Iya Mohamed et la FECAFOOT, sous prétexte que cette institution, en publiant à l'époque de la première affaire un communiqué de soutien envers Eto'o, lui aurait manqué de respect. Roger's exige rien moins que des excuses publiques, et il menace la Fédération et son président de diverses calamités s'ils ne s'exécutaient pas.

J'ai déjà expliqué, dans un article publié juste après le clash de Saint-Gratien, que le problème de Milla, c'est Eto'o, et rien de plus. Pour preuve, l'ambassadeur itinérant qui s'est autoproclamé représentant plénipotentiaire du peuple camerounais auprès des Lions Indomptables n'ouvre pas la bouche sans évoquer le nom de l'enfant terrible de New Bell. Il n'est pas l'unique victime de cette Eto'o-obsession qui confine à la maladie mentale, et qui envahit les forums depuis des années. Le cas de Milla est pourtant particulier : Eto'o est son héritier direct en équipe nationale, il porte le même dossard numéro 9, et il est un concurrent sérieux au poste de légende éternelle du football camerounais ; il suffirait qu'il atteigne ce fameux quart de finale de Coupe du Monde, et l'affaire serait dans le sac.

Mes compatriotes détestent la dialectique, parce que c'est du travail (du travail intellectuel, qui plus est, dans un pays où "long crayon" est une injure). Il faut donc que les choses soient toutes noires ou toutes blanches (sans vouloir faire de concurrence à monsieur Clemente). Ainsi, ceux qui détestent Eto'o s'arrangent de manière assez incroyable à ne rien voir de ce qu'il fait de bien, et ils aiment d'un amour très tendre tout ce (ou tous ceux) qui leurs semble nuire à Eto'o : ils sont donc devenus de grands fans de Roger Milla, comme ils ont beaucoup admiré Guardiola et son légendaire feeling, et divers autres personnages que, dans leur délire, ils opposaient fictivement à Eto'o (Drogba, Messi, Milito, et je ne sais qui encore). Or, selon la loi énoncée plus haut, ils ne sauraient percevoir les erreurs que commet notre grand Roger's : pour eux, l'affaire est claire, c'est Milla qui a raison, et ceux qui ont osé publier un communiqué pour soutenir Eto'o doivent aller brûler en enfer.

L. Ndogkoti, avec qui je n'ai pas toujours été d'accord, a publié récemment une chronique chez mes ex copains de Camfoot, texte d'une grande qualité formelle dans lequel il défend la thèse selon laquelle le statut mérité de héros national n'accorde pas à Roger Milla le privilège de l'infaillibilité : un exposé qui faisait clairement la part des choses. Il a cependant subi un immédiat et furieux cyber-autodafé, et son auteur a été voué urbi et orbi aux pires malédictions, puis, pour faire bonne mesure, on l'a insulté et réifié avec une violence rarement atteinte, même dans ces forums sur lesquels l'anonymat est un prétexte rêvé pour que ressorte ce qu'il y a de pire en l'Homme : grossièreté, malveillance, jalousie, mégalomanie, mythomanie, et j'en passe. Pour ma part, ma religion est faite là-dessus : lorsqu'un propos des plus nuancés suscite de la part des commentateurs une réaction aussi extrémiste, alors nous ne sommes plus dans le débat, mais nous frisons le totalitarisme. Dat veniam corvis, vexat censura columbas (la censure pardonne aux corbeaux et poursuit les colombes).

Roger-Milla.jpg

Pourquoi les couteaux ont-ils été sortis si vite dans cette affaire ? Parce que l'arlésienne, c'est encore et toujours Eto'o, ce Samuel Eto'o qui doit réellement être quelqu'un de spécial, à voir l'importance qu'il prend dans le quotidien de certaines personnes, surtout celles qui se proclament ses adversaires et ennemis, voire celles qui se déclarent comme des fans déçus (encore un argument pour éviter tout fanatisme). Il suffirait pourtant de subdiviser la chose en plusieurs questions et de donner à chacune d'elle la réponse qu'elle mérite, sans parti pris aucun :

1. Roger Milla est-il un héros national ? Oui

2. Cela lui donne-t-il le droit de faire tout ce qu'il veut ? Non

3. Samuel Eto'o est-il un bon meneur d'hommes ? Non

4. Cela signifie-t-il qu'il n'a rien fait pour l'équipe nationale du Cameroun ? Non

5. Iya Mohamed était-il dans son rôle en publiant un communiqué de soutien au capitaine en poste de l'équipe nationale ? Oui

6. Ce acte était-il une déclaration d'hostilité envers Roger Milla, président d'honneur de la FECAFOOT ? Non

7. Roger Milla a-t-il le droit de se mêler des affaires de l'équipe nationale ? Oui

8. Cela signifie-t-il qu'il ne doit s'en prendre qu'au seul Samuel Eto'o ? Non

En résumé, je soutiens que Roger Milla est une voix autorisée du football camerounais. Mais j'entends très bien que cette voix ne s'élève que pour parler des Lions Indomptables et non du football national dans son ensemble, qui pourtant se meurt. J'entends aussi que, au sein des Lions Indomptables, Milla n'en a que pour Samuel Eto'o, comme si le destin du Cameroun se limitait à la seule personne de ce jeune homme de 29 ans.

Et en conclusion, je me dis qu'il y a décidément des voix autorisées qui se perdent en de vaines et égoïstes conjectures. Car c'est aussi ça le mal profond du football camerounais : sa voix la plus écoutée ne s'élève que pour régler ses comptes personnels.


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