C'est nouveau, c'est con, ça ne sert à rien et c'est vaguement glauque... Le reborn pointe le bout de son nez. Quésako? Un poupon aux traits si fins, aux membres si délicats, aux vêtements si soignés qu'on le penserait vivant. L'avantage, il ne braille pas, ne pisse pas, et ne coûte que 400 euros.
Vous avez connu le Tamagochi? Ce petit gadget électronique en forme de porte clé qu'il fallait nourrir, amuser, sociabiliser et bercer pour qu'il cesse de biper... Un lien, un fil à la patte, une dépendance dont les ados se sont entiché. Certains enterrant même leur défunt cadran...
Le concept date d'approximativement trente ans. Il est apparu avec les Furby, sortes de Gremlins interactifs que l'on pouvait connecter entre eux bien avant le bluetoooth. Et qui vagissaient en entendant le son d'une voix humaine.
On ne vous parle pas, bien entendu, des applications Facebook vouées à nourrir, qui un poisson rouge virtuel, qui un perroquet brailleur.
Mais tout ça n'est rien comparé aux "reborns". C'est nouveau, ça nous vient des States, bien entendu. Et c'est particulièrement inintéressant. Ces poupées hyperréalistes ont vu le jour outre-atlantique dans les années 90 et envahissent aujourd'hui le net.
Un créneau en or pour leurs génitricess, dont les doigts de fée parviennent à créer une totale illusion; une mine d'or pour les psy qui vont devoir séparer le bon grain de l'ivraie.
Car quoi! Qui achète ces "reborns", littéralement, "re-nés"... Des femmes en manque de fertilité? Des mamans dont les enfants ont déserté le foyer? Admirable enquête dans Libé du 25 août où l'on lit le témoignage de Carine Miloche, collectionneuse belge: "un de mes enfants est décédé en bas âge. J'ai eu l'idée de commander un poupon à son image, puis j'ai eu peur de raviver toutes les souffrances de cette période, et j'ai renoncé." Froid dans le dos....
Sinon, ya la taxidermie...
"Ceci n'est pas un bébé" titre Libé sous une photo d'un parfait "reborn" souriant, propre sur lui, vautré sur le canapé. Un nouvel objet de déco? Un nouvel art? Des bébés parfaits, lisses et taiseux. Sans tare apparente, ils se taisent. Le rêve américain.
Sauf à réveiller de sacrés pulsions chez celles qui n'ont pas enfanté, pas encore ou pas du tout. Celles qui ne parviennent pas à faire leur deuil d'un vrai bébé.
Celles qui s'ennuient aussi.
Jusqu'à une époque relativement récente, il existait une manière moins tordue de combler ses vides: le chien. Cet animal à deux pattes résolument affectueux qui vous laissait des poils un peu partout et occasionnellement des flaques. Morts, certains se retrouvaient empaillés sur la cheminée pour continuer à fixer la télé de leurs yeux mouillés. La taxidermie, avec les vrais bébés, c'est moins pratique ça fait mauvais genre. On se gardera du parallèle facile avec les congélateurs et l'usage que l'on peut en faire. Mais on continuera à s'interroger sur la régression d'une partie de la société.
Enfin, moi, ce que j'en dis...
Fanny Lesguillons
zumeur