Magazine Bien-être

Vivre le jour présent d'Alexandre Jollien

Publié le 27 août 2010 par Eric Acouphene

Pourquoi ne suis-je pas en mesure d'apprécier chaque instantà sa juste valeur? Comment sortir de cette routine qui finit par couvrir debrume les relations que j'ai avec mes proches ? Jamais je n'ai mieux ressentila vérité de ce propos d'Horace que lors d'une récente visite dans une maisonde soins palliatifs au Québec  :  « Persuade-toique chaque nouveau jour qui se lève sera pour toi le dernier. Alors c'est avecgratitude que tu recevras chaque heure inespérée. »Ainsi, grâce à une rencontre avec des personnes qui allaientprochainement vers la mort ; je redécouvre le caractère précieux de chaqueinstant et la difficulté d'envisager la vie comme un cadeau inestimable etrare. Une dizaine de malades réunis dans une pièce échangent sur la fin de vie.Me surprennent d'abord la joie et les éclats de rire. Certes, une certainegravité nous rappelle que des moments difficiles ne sont pas loin, quel'annonce d'une issue fatale résonne encore avec tout son lot de peurs,d'incertitudes et de révolte peut-être. Mais, avant tout, je constate une foisde plus que la vie peut toujours gagner du terrain et que la souffrance, pourqu'elle n'ait pas le dernier mot, réclame tout un art de vivre afin quel'amertume ne s'installe pas. Bientôt, une mère de famille évoque ses projets,elle parle de ce qu'elle fera dans quatre heures, d'ici le soir ou avant midi.Je mesure combien je diffère les moments de joie et comment mes objectifs meportent dans les lointains. Soudain, une question me travaille : et si pour moiaussi il restait une année à vivre au plus ? Contraint de réenvisager l'essentiel, je perçoisque ce qui me parait acquis, presque banal, fait la richesse de mes jours etque, trop souvent, j'oublie que les êtres qui m'entourent, et moi aussi, nousdisparaitrons un jour. Cette prise de conscience peut donner lieu à une conversionintérieure : passer du chronos au kairos, du temps à remplir, à meubler, oumême à tuer, à l'instant à cueillir, glaner, embellir peut-être.Vivre le jour présent d'Alexandre JollienAvant de mourir, ces femmes et ces hommes désirent d'abordconfier à leurs proches qu'ils les aiment, dire l'essentiel en somme. Tous medisent ne pas vouloir gaspiller des instants si précieux. Surtout, ne pas sedisperser, dilapider les forces en de vaines querelles ou dans un amerressentiment. Que pèsent en effet tel incident, tel malentendu face à la mortqui oubliera tout ? Et moi qui bénéficie d'un avenir un peu plus certain, ai-jevraiment pris le temps de dire à mon entourage combien je l'apprécie ? Etsuis-je capable de vouloir célébrer la vie en chaque instant, comme m'y inviteune jeune malade ?
Tandis que je suis venu pour parler, je préfère écouter. Jeretiens cette confiance en la vie. Il n'y a pas de recettes. La peur de la mortest peut-être instinctive et inévitable, mais toutes ces personnes trouvent en ellesles ressources pour affronter chaque jour l'épreuve. Un homme dit ne jamaiss'être préparé à cette perspective, et pourtant, aujourd'hui, il l'envisagepaisiblement. Serait-ce que la vie donne, le moment venu, la capacité de faireface, d'être de taille à affirmer la vie là où le désespoir tend à toutarracher ?
A l'heure du départ, un dilemme m'envahit : que leur dire ?Le cœur désirerait lancer un « au revoir, à bientôt », mais la raison sait que,probablement, je ne les reverrai jamais. Alors, une femme me tire d'embarras enme souhaitant de bien profiter de la fin de cette journée. Je repense à Horaceet me dis que rester fidèle à cette belle rencontre, c'est essayer de vivrechaque jour comme si c'était le premier et le dernier.Lire les autres articles d'Alexandre Jollien
extrait du magazine La Vie n°3390 (photo d'Acouphene)

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