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Recycleur à circuit fermé : la plongée autrement. Formation à Marseille

Publié le 31 août 2010 par Vincent Defossez

www.aquadomia.com

Je vous retranscris ici le reportage de Pierre Martin-Razi paru ce mois ci dans Subaqua sur les formations recycleurs proposées par Aquadomia.

Dans la série nos reporters se mouillent, Pierre Martin-Razi a suivi un stage de formation sur recycleurs Inspiration et Evolution d’Ambient Pressure Diving.

Une bonne occasion de mesurer les mutations de la plongée sous-marine, ses nouvelles tendances, les immenses avantages des recycleurs à circuit fermé

et… leurs quelques inconvénients. Reportage.

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En 2007, la plongée avec recycleur à circuit fermé et gestion électronique

(aussi appelé CCr pour Closed Circuit Rebreather) est entrée

à la FFESSM. En janvier de cette année-là, lors du Salon de la plongée

de Paris, une convention a en effet été signée avec Martin Parker, le

pdG de la fi rme britannique Ambient Pressure Diving (Apd) qui produit

les recycleurs Inspiration et Evolution, deux modèles de plus en

plus fréquemment rencontrés sur le pont des navires. Faisant suite à

cette convention, en novembre de la même année, une ”Qualification

recycleur à circuit fermé et gestion électronique de la PpO2” a

été incorporée au Manuel du moniteur par la commission technique

nationale. Depuis, naturellement, les choses ont (modestement) pris

de l’ampleur…

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Soyons francs. Malgré tous les efforts fédéraux, et jusqu’à ces derniers

mois, la nature m’ayant généreusement doté d’un métabolisme

peu gourmand (en O2 précisé-je…), je n’avais pas vu l’intérêt de ces

CCr qui m’apparaissaient alors comme des… usines à gaz. De même,

l’investissement à la fois fi nancier et technique qu’ils représentent me

laissait plutôt dubitatif. Fort de cette conviction bien arrêtée et comme

bon nombre de vieux briscards formés à tout ce qui fait des bulles, j’ai

donc repoussé l’objet à l’extrême limite, si j’ose dire, de mon champ

d’aspiration. ”Mouais… pensais-je… Des trucs qui vous font remonter

le ventre en l’air, bon pour les obsédés de la technique, les accros

du run-time, les timbrés du bail-out !” Comme quoi, on le sait depuis

Musset, il ne faut jurer de rien…

À deux occasions rapprochées, le hasard m’a fait plonger en binôme

avec un équipier muni d’une telle machine… La première fois sur le

Donator, la seconde au large de Galéria, en Corse avec, pour chacune

des plongées, des balades un peu prolongées autour de 45 m dans

une eau claire mais pas très chaude… Si

l’autonomie n’a jamais été un problème,

force est malgré tout de constater que

mon ordinateur affichait une bonne vingtaine

de minutes de paliers quand ceux de

mes collègues se contentaient d’un petit

cinq minutes. De plus, le froid commençait

à me tenailler alors que mes compagnons

s’épongeaient le front d’une sueur

exquise (c’est une image : en clair et entre

nous, je me pelais, eux rigolaient…). Ce

genre de constat, quand il est à votre

désavantage,

engage à une

salutaire réflexion.

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Enfin,

et c’est peutêtre

ce qui a achevé de me convaincre :

les utilisateurs de ces machines du troisième

millénaire affichent un tel enthousiasme

qu’il est bien difficile de résister à

leurs arguments et, pour tout dire, leur

prosélytisme. Soit. Essayons… C’est ainsi

que l’on se retrouve à suivre une formation

d’un nouveau genre, pendant une

semaine de décembre alors qu’il gèle à

pierre fendre, dans une rade de Marseille

balayée par le mistral… Brrr !

Une formation incontournable

Comme il est dit dans les bons ouvrages,

l’objet du présent article n’est pas de se

substituer à un formateur. D’ailleurs nous

ne ferons que survoler une machine qui

exige une attention soutenue et, à notre

sens, des dizaines de plongées régulières

pour être maîtrisée. Non. Nous voulons

simplement laisser voir ce que nous avons

découvert, laisser entendre ce que nous

avons aimé et avouer ce que nous avons

un peu moins aimé. Moteur.

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Contre toute attente, le schéma d’un recycleur,

fut-il fermé et à gestion de PpO2

électronique, n’est pas très compliqué.

Conception et réalisation ne souffrent en

revanche pas la moindre approximation,

le choix des composants aucune médiocrité.

La machine, comme c’est le cas des modèles

fabriqué par Adp, Inspiration ou

Evolution (essentiellement différenciés

par leurs volumes en gaz et en chaux,

la gestion électronique baptisée Vision

étant désormais la même), est généralement

constituée de cinq éléments principaux

qui forment une boucle sur laquelle

vient se greffer le plongeur :

• Un premier faux poumon souple en

amont du plongeur contient le mélange

respiratoire ad hoc. C’est le sac inspiratoire,

positionné sur la partie gauche de

la poitrine.

• Un tuyau annelé conduit le mélange au

plongeur qui respire normalement.

Les utilisateurs des Ccr

affichent un irrésistible

enthousiasme…

• Le gaz expiré, appauvri en O2 et chargé de CO2, passe grâce

à un autre tuyau annelé dans un deuxième poumon en aval du

plongeur. C’est le sac expiratoire, positionné sur la partie droite

de la poitrine et équipé d’une purge/soupape de surpression.

• Une cartouche (également appelée canister) est intercalée entre

les deux sacs respiratoires. Elle contient de la chaux sodée qui

possède la propriété de fixer le gaz carbonique.

• À la sortie de la cartouche de chaux sodée, en amont du fauxpoumon

inspiratoire, trois analyseurs d’O2 redondants (seules

les deux mesures les plus proches sont prises en compte, ce qui

autorise une panne de l’un des trois capteurs pendant la plongée…)

envoient les infos à un ordinateur principal (un second

ordinateur, identique, sert de contrôle et de substitut en cas de

dysfonctionnement du premier). Fort de ces infos, l’ordinateur

pilote une électrovanne montée en aval du détendeur 1er étage

d’un bloc d’O2 afin d’ajuster le mélange respiré à la PpO2 désirée.

De plus, le faux poumon expiratoire dispose d’un système manuel

d’injection d’O2.

Il n’y a pas de deuxième étage de détendeur, les sacs en faisant

fonction. La circulation est simplement assurée par la respiration

du plongeur car toute la boucle est en équipression avec le milieu.

Peut-on imaginer plus simple ?

Des éléments indispensables

À ces composants basiques viennent s’ajouter quelques éléments

indispensables :

• Un bloc de diluant. Celui-ci est rempli d’air dans le cadre du

stage d’initiation dans la zone 0-40 m. Cet air peut être remplacé

par du trimix pour une utilisation entre 50 et 100 m… Cette seconde

utilisation fait évidemment l’objet d’une formation spécifique.

Notons que le bloc de diluant permet le gonflage du gilet

intégré au recycleur ainsi que celui d’un éventuel vêtement sec.

En cas d’utilisation de trimix, un bloc dédié à l’équilibrage est

alors prévu. Précisons également qu’il est fortement déconseillé

d’utiliser un diluant non respirable (hélium pur par exemple) pour

une évidente raison de sécurité car ce bloc est aussi celui du bail

out, le scaphandre ouvert de secours. Enfin et pour les plongées

très techniques, il est possible d’utiliser deux diluants différents

avec possibilité de by-pass…

• Un système automatique d’ajout de diluant (déconnectable)

ainsi qu’un injecteur manuel de diluant sont connectés au fauxpoumon

inspiratoire.

• La stab intégrée déjà évoquée dispose d’un inflateur faisant

également office de détendeur de secours.

• Des alarmes visuelles, à fibres optiques, sont positionnées sur

l’embout buccal et tombent directement sous le regard. Un ”buzzer”

double ces alarmes.

• L’embout buccal est équipé de soupapes “aquastop” et d’un

mécanisme de fermeture étanche manuel en cas de lâcher d’embout.

L’eau ne doit en effet pas pénétrer en trop grande quantité

dans le circuit sous peine de réagir avec la chaux sodée et de

produire des choses plutôt caustiques et pas terribles pour les

poumons… Des pièges sont prévus pour parer cette éventualité.

Grâce à eux, les recycleurs tolèrent plusieurs décilitres d’eau dans

le circuit avant que n’apparaissent les premiers problèmes. De

quoi rassurer les inquiets et piéger les inévitables émanations de

vapeur d’eau liées à la respiration.

• Des manomètres permettent de connaître l’état de remplissage

des bouteilles.

Avant la plongée

Munis d’un impressionnant manuel, les stagiaires découvrent par

le menu l’appareil avec lequel ils vont évoluer dans la mer jolie.

Démontage, remplissage du canister, remontage, vérification des

pressions et du gaz, tests d’étanchéité. Les procédures sont rationalisées

et doivent être effectuées avec méthode et rigueur.

Des poches à plombs (notamment celle du dessus de la machine)

permettent de répartir le lestage. Compter 2 à 3 kg supplémentaires

par rapport à un lest correspondant à un 15 l acier. Peutêtre

un peu plus au début…

La gestion de l’appareil est donc électronique. Elle se compose

de deux contrôleurs C1 et C2 totalement indépendants, y compris

en termes énergétiques. La console-bracelet se porte au poignet

gauche. Il nous est impossible de développer ici toutes les

possibilités de l’appareil qui sont immenses. Disons pour résumer

qu’avec un recycleur à circuit fermé, la question n’est pas de savoir

si l’on a de quoi respirer mais plutôt ce que l’on respire !

Les plongeurs qui ont un peu de bouteille ont évidemment compris

que tout l’intérêt de l’engin consiste à respirer un mélange

suroxygéné (mais pas trop) pour limiter la saturation et optimiser

la désaturation. Seulement, et notamment près de la surface,

augmenter le taux d’oxygène implique une ouverture fréquente

de l’électrovanne, un gonflage du faux poumon et donc des problèmes

d’équilibrage… Ce qui fait éviter les plongées avec paliers

en début de formation. Pour limiter ces inconvénients, l’appareil

dispose de deux ”set points” programmables, un pour la descente

et la remontée, un autre pour le fond. Ces set points sont

d’ordinaire prévus à 0,7 et 1,3 bar. Sur le Vision, le passage est

automatique mais peut être effectué manuellement.

Lors de la mise en marche de l’appareil, volontaire avant la plongée,

un contrôle automatique des données est effectué. Les différentes

opérations à réaliser avant la mise à l’eau défilent au gré

des écrans successifs. L’appareil exige également un étalonnage.

Signalons en passant qu’un bargraphe permet de connaître l’état

de saturation en CO2 de la chaux sodée.

Bon… Force est de constater (et d’admettre…) que les débuts sont

un peu déroutants !

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La descente impose le canard. La sensation d’un faux-poumon vide

demande de la maîtrise (il faut insuffler du diluant manuellement

mais attention à l’équilibre !) et l’absence de poumon-ballast interdit

les déplacements verticaux. On choisira donc de contourner

un obstacle plutôt que de passer par-dessus, sous peine de devoir

purger le faux poumon et perdre du diluant, voire modifier la PpO2

qui devra être réajustée…

On le devine, les premières plongées sont occupées à gérer, premièrement,

un déroulement normal de la plongée (contrôle des

volumes, des paramètres…) et bien sûr, deuxièmement, les ennuis

possibles : montée du taux d’O2, diminution du taux d’O2, chaux

noyée, aide à un équipier… Un aficionado de l’appareil m’a affirmé

qu’il existait toujours trois parades face à un problème possible

: le mode semi-fermé, la gestion manuelle et le bail-out, sans

oublier le copain. Bien. Cela demande tout de même de la réflexion

et un certain entraînement. La remontée d’un équipier en

difficulté, équipé, comme vous, d’un recycleur et d’un vêtement

étanche constitue, croyez-moi, le paradoxe d’un grand moment de

solitude… Bref, au début, la première impulsion est celle du rejet

puis, avec la succession des plongées vient l’accoutumance sinon

l’habitude. Et, peut-être le plaisir…

Les avantages

• L’absence de bulles permet une approche presque idéale de la

faune. La grande majorité des prises de vues du film Océans, coréalisé

par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, a ainsi été effectuée

en recycleur fermé Inspiration.

• L’absence de bulles préserve la faune fixée sur les surplombs et

minimise la dégradation des épaves visitées.

• L’autonomie est sidérante. Deux à trois plongées sont possibles

avec une bouteille d’O2 de 4 litres gonflée à 200 bars. La profondeur

n’intervient pas dans l’autonomie car la consommation

n’est pas fonction de la pression absolue mais du métabolisme

(environ 1,5 l/min d’O2). De plus, le diluant, à moins d’être gaspillé

en soufflant par le nez ou gonflant stab et vêtement sec de manière

inconsidérée, intervient peu dans le calcul de l’autonomie.

• Les modèles à PpO2 constante optimisent idéalement le gaz respiré.

La saturation s’en trouve réduite ce qui diminue le temps de

décompression.

• Le gaz respiré est détendu dans un sac respiratoire et non, comme

avec un scaphandre classique, dans le boîtier du deuxième étage

en relation directe avec l’appareil respiratoire du plongeur. Celui-ci

ne subit pas directement la détente du gaz, génératrice de froid.

De plus, le mélange est réchauffé par la réaction chimique avec la

chaux sodée. Ces deux raisons font que la déperdition calorique se

trouve largement diminuée. On estime entre 20 et 30 minutes le

retard d’apparition des premières sensations de froid relativement

à une plongée avec un scaphandre à circuit ouvert.

Les inconvénients

• L’expertise, notamment celle des pratiques de secours, doit être

régulièrement entretenue. Un plongeur en recycleur ne peut pas

être un plongeur occasionnel.

• La mise en oeuvre, les vérifications avant la plongée demandent

de la méthode et s’accordent mal avec une pratique “club”, en

compagnie de plongeurs classiques.

• Le nettoyage et la désinfection de la totalité du circuit sont indispensables

après chaque plongée.

• Les gaz et notamment l’O2 pur (à manipuler avec précaution)

sont plus difficiles à trouver que l’air comprimé ou le nitrox mais la

situation s’améliore un peu partout dans le monde.

• Les consommables autres que les gaz représentent une dépense

notable : chaux, piles, capteurs d’O2, etc.

• Les utilisateurs de recycleur aiment plonger avec leur propre matériel.

Or, ce sont des appareils encombrants, lourds, difficiles à

transporter lors des voyages en avion…

• Ce sont des équipements assez onéreux.

La préparation du matériel exige attention et rigueur.

Les exercices de sécurité sont un passage obligé .

Les exercices de sécurité doivent être répétés jusqu’à la parfaite maîtrise.

Recycleurs ou pas ?

Un stage de formation sur recycleur à circuit fermé vous renvoie

sur les bancs de l’école : il faut réapprendre à plonger, oublier

ses automatismes pour en acquérir de nouveaux, complètement

différents. L’extraordinaire potentiel de ces machines ne doit pas

faire oublier qu’une partie de la boucle respiratoire est constituée

du plongeur lui-même avec toutes ses capacités mais aussi toutes

ses faiblesses. Les Ccr doivent être envisagés avec recul et utilisés

avec méthode et prudence. La solution récente du modèle Poséidon

entièrement automatique et qui interdit toute plongée dès

lors que le contrôle automatique rencontre un paramètre inadéquat

correspond peut-être davantage à un usage ”loisir”. Quoi

qu’il en soit, les Ccr ne constituent nullement un passage obligé

et l’on peut très bien plonger heureux pendant des années avec

un bon vieux scaphandre ouvert sans éprouver le désir de succomber

à l’appel des sirènes. Pourtant, si vous êtes taraudé(e) par

l’envie de faire en une fois ce qui nécessiterait trois plongées différentes

avec un scaphandre ordinaire et le tout sans avoir froid,

pensez-y ! C’est là que réside, à nos yeux, leur raison d’être idéale

bien plus que l’accès aux profondeurs dépassant de beaucoup le

cadre de la plongée loisir. Et pour cela, une seule solution : prenez

rendez-vous avec un formateur reconnu ! 

Remerciements

L’auteur remercie Vincent Defossez de la Sca Aquadomia, moniteur sur ces recycleurs et organisateur

de ce stage. Sa patience et sa disponibilité n’ont d’égal que son enthousiasme. Merci

également à Martin Parker et la firme Ambient Pressure Diving pour la mise à disposition des

équipements ainsi qu’au Vieux Plongeur et Beuchat pour leur accueil dans leurs locaux respectifs

du la rue du Rouet et du port de la Pointe Rouge à Marseille. Enfin, merci à Pascal Chauvière

qui nous a accompagnés en fin connaisseur au fil de ces glaciales quoique chaleureuses

journées !

aquadomia.com/beuchat.fr/apdiving.com/vieuxplongeur.com

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