Internet est un moyen très pratique de faire participer des gens à un processus de consultation dans lequel ils n'auraient pas pris part. En effet, ce ne sont pas les mêmes personnes qui viendront à une réunion publique ou vont prendre du temps à remplir une enquête en ligne. Certes, on aura toujours le biais du diplôme qui marquera autant l'usage d'Internet et la venue dans les réunions publiques. Mais pour internet, l'âge moyen d'utilisation sera vraisemblablement plus jeune que les retraités qui squattent les réunions publiques. En touchant ainsi davantage la population active, c'est bien un autre public auquel on s'adresse. Reste le biais de la population qui n'est pas internaute (peu diplômée et plutôt âgée) : seul un dispositif complet et proactif, en allant voir toutes les couches sociales, permet de corriger ce défaut (ce que n'avait pas l'air de reconnaître Ifop cet été).
Très récemment, c'est le Parlement écossais des jeunes qui a lancé une grande consultation : 'Picture the Change'. Le site comprend une enquête en ligne destinée aux 14-25 ans vivant en Écosse... dont certains seront récompensés par un an d'achat de chaussures offert (c'est assez consumériste mais le sponsor n'apparaît pas trop sur le site).
Je suis curieux de savoir le taux de réponse de ces questionnaires grâce à ce dispositif qui a été bien pensé. Un grand nombre de personnes ont déclaré "aimé" ça sur Facebook, mais je ne suis pas sûr que les 62 000 personnes (à ce jour) ont participé à l'enquête en cinq volets (crimes et quartiers, égalités, l'Écosse et le monde, les droits et la citoyenneté, l'apprentissage et le travail).
On pourra donc retenir pour qu'une enquête obtiendra un taux de réponse important les bons points suivants :
- Bien relayée sur l'ensemble des réseaux sociaux, notamment ceux sur lesquels se trouve le public jeune
- Le public est davantage incité à répondre aux enquêtes quand il y voit un avantage supplémentaire à celui de l'intérêt général (c'est malheureux...)
- Internet, comme n'importe quelle méthode, n'est jamais autosuffisant : la présence de relais sur le territoire (dans des manifestations publiques,...) est efficace
- Sur un public restreint (et dont on connait les coordonnées), des outils existent pour pister ceux qui ne seraient pas allés jusqu'au bout de l'enquête : il est alors possible de relancer les personnes automatiquement par courriel (sans savoir ce qu'aura répondu la question, le principe d'anonymat des réponses étant respecté)
Le taux de réponse apporte un éclairage important sur la pertinence de ces enquêtes. Une bonne enquête dépassera 1% de réponses et cela peut paraître dérisoire et minimal :
Pourtant, pour être clair, une enquête en ligne ne sera pas plus représentative qu'une réunion publique. A ce titre, il est souvent fallacieux de donner des chiffres de "sondage" réalisés par exemple sur des journaux (Le Monde) ou des chaines de télévision (M6). La population qui regarde le support n'est pas représentative et la partie d'entre elle qui va faire l'effort de répondre en ligne l'est encore moins. Donc le taux de réponse est important, car habituellement il sera toujours plus important que le nombre de participants de n'importe quelle réunion publique, même si ce taux de réponse n'apporte aucun avantage en terme de représentativité (ni tirage au sort, ni méthode de quota).
Internet reste donc un outil parmi d'autres, mais il est encore peu utilisé pour une réelle participation des habitants à la décision publique, c'est-à-dire couplé avec un système de vote contraignant sur la décision. De plus, il est utile dans la phase d'élaboration d'impliquer là encore les habitants. En effet, il faut faire attention à la manière dont sont construits ces enquêtes comme n'importe quel sondage : les biais dans les questions peuvent être importants.
C'est donc à toutes les phases du processus que les habitants peuvent participer : élaboration, réponses, analyse, décision. C'est cette logique que je pousse à mettre en œuvre dans mon expérience de questionnaire dans un collège parisien, qui est co-construit par les élèves délégués de leur classe.