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Voyages au Maroc (partie 1)

Publié le 01 septembre 2010 par Ruminances

Posté par Rémi Begouen le 1 septembre 2010

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A l’automne 1998 et au printemps 1999, j’ai fait deux séjours fort différents au Maroc, le premier dans la région de Casablanca, le second aux confins sahariens du Maroc et de l’Algérie. J’en ai fait ici cinq articles, en remaniant des papiers qui furent édités en essais et sont épuisées. Le premier séjour à pour titre ‘NOTES d’un SANS PAPIERS Français au Maroc’, dont voici la première partie. Après la seconde partie de ces NOTES, il y aura mon récit, en trois parties, du second voyage, placé sous le titre ‘AU BOUT DU MONDE’. Bon voyage, dans l’espace et le temps, en cinq lectures !

Notes d’un « SANS-PAPIERS » français au Maroc

(extraits d’un essai auto-publié en 1999 sous le titre de « MICA »)

* IMPROBABLE MAROC *

Oui, je reviens d'un étrange pays. Très étrangement frère et fier.

Oui, j'ai à dire “quelques impressions” que me laissent ce bref séjour, d'émigré chez l'amie Claude-du-Maroc, principalement. Mais le dire tout de suite, le souligner : je ne connais quasi-rien du si vaste Maroc, qu’un simple logement et ses rues adjacentes – à El Djedida, à 70km au Sud de Casablanca, sur la côte.

Sur la voisine place du marché, par exemple, dire simplement que j'ai vu, chaque matin, vingt à trente femmes de tout âge venant rituellement chercher un improbable petit-boulot, du genre “lessive-ménage-cuisine-courses…pas cher” : C'est “le marché aux esclaves”, me glisse l'amie Claude, qui préfère, avec raison, faire tout elle-même. Tout en s'interrogeant tout haut : “Un jour,  je devrais embaucher une toute-jeune-fille, sous prétexte de la mettre à mon service…, en fait pour lui apprendre des rudiments de vrais métiers d'avenir : lire, compter, se défendre.”

Et puis, pfuit..: Le soleil monte au zénith ; la vie va ;” çà ira…” Et demain, inch'Allah, le Maroc ira bien car son Roi sera mort : cette imbécile rengaine-là est bien digne de nos parieurs de PMU. Digne de ce fatalisme politique de tous les bœufs de tous les pays, unis qu'ils sont dans la délectation d'aller chacun à l'abattoir…“mais après toi, bien sûr”… Oui, cette chamaille d'entre bœufs-citoyens-résignés, cela existe là-bas comme ici : Échec et Mat, “el Sheikh Mat”, le roi est mort : partie perdue. La vie, elle, n'est pas ce jeu de petits bouts de bois…, déjà si cruel.

Reste alors à sourire, à rire (avec un joint marocain, çà aide), à dormir et surtout à rêver : à inventer d'avoir été quelque temps au Maroc, histoire d'y comprendre quelque chose de plus, aux amours des uns pour les autres, aux haines, aux falbalas, aux musiques et à ces putain-de-merde-de-hurlements de 5 h 30 du matin, qu'un ami marocain surnomme “the-first-islam-rocker”

Très improbable Maroc, donc : J'y étais un temps…bon. Ou pas ? Je ne garde pas même la preuve d'y être entré un jour. Et faute de cette preuve, au moment d'accéder au ferry du retour, de subtils policiers de Tanger crurent bon de me faire poiroter des heures, près de divers menottés : Bof, je fus ainsi le dernier embarqué, après avoir été le premier à me présenter au bateau !

* FLICS *

8h du matin, dans le train-retour, arrivant à Madrid : très brutal réveil par deux “mecs en civil” (quand je leur demande de me prouver qu'ils sont policiers, ils me montrent leurs pétoires !), qui fouillent d'abord mes chaussures - sic ! - avant que je leur déballe tout mon linge sale et …toute une série de mini-poteries marocaines, susceptibles chacune de contenir du “H” riffain…

Mon compagnon de train, marocain de ma génération retournant chômer aux Assedic, me console : ” Tu vois, t'as plus la gueule d'un usagé de shit que moi, malgré ton passeport d'européen. De moi, ils savent déjà tout : Que je “monte pointer”, après m'être trop défoncé les os, au marteau-piqueur, dans Paris…”

Nos os ? parlons-en!… Les miens aussi sont vermoulus et nous avons tous deux bien mal dormi, assis au-dessus des rails, faute de pouvoir se payer une couchette : je suis à la retraite et toi c'est pour bientôt. Mais nos vies furent bien différentes, dans notre “même classe-ouvrière” : Le R.M.I.-français peut se payer une ballade dans ton pays dès sa retraite (grâce à l’accueil d’une amie), tandis que tu-vas-et-viens, yah-rouhaï (mon frère), pour simplement pointer à ton chômage de vieil immigré marocain !

Flics d'Espagne, de France, du Maroc, surveillez-nous de près : Pendant ce temps, les gros marlous (affaires licites ou pas) sont tranquilles, payent bakchich (ou plus), embauchent-débauchent. Et se payent sinécures de malades-du-dos, qui à Dax quand il est marocain, qui à Erfoud quand il est français : cela dépayse bien ?

Par contre, moins de dépaysement d'un commissariat à un autre. Celui de Casa a, comme ailleurs, la même morgue hautaine de tous ces bureaucrates censés être à notre service (eh oui !). J'y échoue peu après mon arrivée, victime d'un vol banal, mais dont les conséquences me sont graves : Mon léger portefeuille, avec argent, passeport et c°, m'a été dérobé, dans la bousculade de sortie de la gare…

“Bienvenue au Maroc”, me dit, sans rire, le premier flic de service. Les autres : pire !! Trois heures plus tard, après intervention théâtrale d'un chef-plus-chef-que-les-autres, ma déposition est enfin enregistrée…et j'ai même signé (“sous réserve de tous mes droits” quand même) un document en arabe, avant d'en obtenir un en français…, qui deviendra mon seul papier, de…“Sans-Papier-Français-du-Maroc” !

* Etre NUMÉRO ou ROI ? To BE or NOT… *

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D'une déclaration de perte (sans plainte contre X, inutile…) qui me servira de “viatique d'émigré”, à l'obtention de mon droit-au-retour, c'est-à-dire d'un nouveau passeport, il m'aura bien sûr fallu “faire risette” à l'administration : au Consulat de Casa. Et y débourser plus de 400 F…que m'avance l'amie Claude. J'imagine le pire. Que je sois touriste solitaire, soudain démuni par ce vol. Ah…?, le bon Consulat de France a prévu le cas : Attendez. Services Sociaux. Formulaires à remplir. Avances pour Retour. Reconnaissance de Dettes. Signez. Frais divers en prime. Etc.

Ouf, malgré quelques tracas de calendrier (Fêtes Marocaines de “La Marche Verte” puis de “l'indépendance”) et autres (n. téléphones sans réponse), il ne me faudra pas plus de trois laborieux voyages à Casa pour obtenir du Consulat …D'ÊTRE UN NOUVEAU NUMÉRO : d'avoir un nouveau passeport…

Ce seront même les seuls déplacements (taxis collectifs, bravo!) que j'ai effectué pendant ce séjour (adieu “nos riches projets du Sud”) à l'exception de quelques heures à Azemmour, belle ville voisine d’El Djedida. Qu'importe : J'aurais ainsi connu “un envers du décor” du tourisme ringard - dont je n'avais nulle envie, d'ailleurs… : J'aurais ainsi vu le chic-centre-ville-super-fliqué de la Métropole-Casa, et traversé, avec d'heureux commentaires de chauffeurs de taxis (souvent d'ex-immigrés en France) de très énormes quartiers de cette hyper-agglomération (3, 5, 7, ou bien 9 millions d'habitants ?). Où l'on côtoie des bidonvilles en voie de destruction légale…dont les gens, à côté, construisent au même moment d'illégaux bidonvilles, encore plus vastes : Inch'Allah !

Plus criant encore, “La Corniche”, ce fin-novembre : entre deux “visites bureaucratiques” au Consulat, nous nous y promenons, Claude et moi, sous un très doux soleil et une belle brise marine. Signe des temps, une énorme surface de cette “alexandrine corniche” a été récemment achetée par un certain Roi. Non,…l'autre roi. Celui d'Arabie du Pétrole ; oui, le pire, l'intégriste. Qui mêle la mosquée très tape-à-l'oeil et le lupanar très-très-privé, avec accès secret souterrain : la plage-du-Roi est aveuglée d'immenses panneaux hypocrites, et c’est entre deux palissades mal jointes, que j’ai découvert le lupanar! Holà ! ces savants agencements permettent à de Jeunes-Belles et à de Vieux-Richards de se bécoter au bord des piscines “private-club”, sous l'oeil du passant indiscret que je suis et n’a pas vu la suite… !.

* PANNEAUX *

“Kss-Kss” est, dans mon enfance d'Égypte, le tout premier panneau qui m'ait interpellé. Il s'agissait (il s'agit toujours !) de la belle graphie arabe de “Coca-Cola”, qui se lit donc de droite à gauche…mais qui, très grossièrement, peut se transfigurer, de gauche à droite, en un très bizarre “Kss-Kss”, pour un enfant facétieux… que je suis parfois demeuré, depuis lors. Il y a en tout cas plus de 50 ans que je reconnais ce panneau publicitaire-là, sans pourtant être devenu fan de ce sirop gazeux.

Je préfère la bière, même, et voire surtout, en pays musulman …

Cela pour dire que je veux éviter de tomber dans le panneau de “l'orientaliste-distingué”, comparant “son” Égypte d'avant-hier à “son” Maroc d'aujourd'hui. Ou comparant ce si vaste Maroc, si complexe, aux si complexes réalités de ses voisins maghrébins : je connais un peu la Tunisie, et beaucoup, beaucoup plus, la très douloureuse Algérie. Qui restera bien sûr (cf. mon essai : “Le Piège”, 1995) mon point principal de référence, de vraie-vie…

Point de panneaux, donc. A part ce dictateur Coca (“Kss-Kss”!!) et quelques clichés (la mosquée, le burnous…), ces pays d'Islam n'ont à mes yeux que de vagues analogies. Du même ordre que celles qui, par exemple, “unissent” deux pays latinisés comme la Roumanie et l'Irlande ; ou bien la Suisse-si-calviniste et la Scandinavie-si-luthérienne : d'ailleurs, paradoxe parmi d'autres, la construction européenne se fait sous nos yeux (de bœufs) sans autre discours-vrai que l'Économie-Capital, tandis que la glose politicarde arabophone s'époumone depuis 50 ans à “l'unité”…et finit par s'inventer un arabe commun : tel est sa force, par rapport à nos multiples langues européennes. Sauf si le basic-english nous domine tous demain : latins, arabes, chinois, juifs ?

Palestine prioritaire bien sûr : 50 ans de durs drames, en cours… Là, le “panneau” à éviter serait de partager - même inconsciemment - des “arguments” qui cherchent à toujours confondre et la lutte anti-sioniste et le racisme antisémite : le bouquin révisionniste de Garaudy est en vente libre à Casa…, Brrr…. Mais, voilà le pire : Netannyahou est “fol-dingue en provoc”, en panneaux “Kss-Kss” à sa manière…


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