Témoignage de rescapés, Valarmathy: les enfants disparus
Au coeur du Tsunami
Par Patrick Alleyn Dossier International
En pleine nuit, les enfants réveillaient tout le monde dans le camp. «Les vagues! Les vagues arrivent!», hurlaient-ils. Il y a eu jusqu’à douze vagues, qui ont ravagé les côtes de leurs villages. Quatre étaient des vagues géantes emportant tout sur leur passage, y compris leurs pères, leurs mères, leurs frères et leurs sœurs. Après, dans les dortoirs, les enfants terrorisés s’enfuyaient, la nuit, et leurs parents survivants, en pleurs, les rattrapaient dehors.
Je ne peux oublier ces nuits terribles, au Collège central de Batticaloa, avec les autres survivants, un mois après le tsunami, raconte Valarmathy. Un jour, alors que des coopérants japonais fumigeaient le refuge contre les moustiques, leurs vaporisateurs faisant le bruit d’une vague, une petite fille s’est évanouie.
Butterfly Peace Garden
Je suis en formation pour devenir animatrice au Butterfly Peace Garden (le Jardin de la paix). L’organisation va bientôt ouvrir un centre pour les enfants traumatisés vivant dans notre immense camp de rescapés, près de Batticaloa.
J’ai 27 ans. Je suis étudiante. Le tsunami a emporté ma mère et ma maison. Mon village, Navalady, n’existe plus. Je vis dans ce camp avec 5000 autres personnes. Les maisons temporaires, fabriquées par Oxfam, Vision Mondiale du Canada et les Tigres tamouls, sont minuscules. Les enfants y ont du mal à étudier. D’ailleurs, le Jardin de la paix veut y installer une salle d’études.
Nous ne savons rien de notre future maison. Ma sœur dit que le prochain raz-de-marée va venir détruire nos abris avant que les maisons permanentes ne soient construites. À Batticaloa, la construction vient à peine de commencer, un an après le tsunami, à cause de l’ampleur de la tâche – 100 000 maisons détruites -, des lenteurs bureaucratiques et de la difficulté à trouver des terrains constructibles loin de la mer.
Tsunami et guerre
Ici, en plus du tsunami, il y a la guerre, continue Valarmathy (le gouvernement et les Tigres tamouls ont signé un cessez-le-feu en 2002, mais des attentats ont lieu régulièrement). Dans le camp, un voisin a été assassiné parce qu’il livrait les journaux d’un parti politique avec son taxi à trois roues.
Les formateurs du Jardin de la paix nous apprennent à composer des chansons avec les enfants, à les guider dans la peinture imaginative. Paul Hogan, le Canadien, nous enseigne la méditation pour que nous nous sentions plus libres.
J’ai hâte de commencer à jouer avec les enfants, dit Valarmathy. Cinq enfants de ma famille sont morts, ceux de ma sœur et le petit dernier de mon frère. J’aimais m’en occuper. Nous ne faisons pas que leur fournir des jouets. Nous apprenons à développer une relation de confiance avec eux, et nous partageons leur peine.
Suthakaram: la colère contre le tsunami
Je lavais des colliers de fleurs dans le grand temple hindou de mon village Navalady, un village de pêcheurs, raconte de son côté Suthakaram, 24 ans, étudiant de philosophie et de culture hindoue. La terre s’est ouverte devant nous. L’eau est arrivée et j’ai grimpé sur le toit. Là-haut, j’ai vu la maison de ma sœur s’effondrer, comme au ralenti. Puis, la troisième vague, gigantesque, m’a emporté comme un oiseau jusque sous le pont de Kallady. On m’a retrouvé parmi les cadavres sur la plage.
Quarante-cinq de mes proches sont morts. Après le tsunami, j’étais dégoûté de tout. J’ai retrouvé ma confiance durant la formation d’animateur du Jardin de la paix (Butterfly Peace Garden). Pour les enfants, ce sera comme un médicament pour reprendre confiance eux aussi.
Nous en sommes à planifier les activités thérapeutiques pour les enfants, explique Suthakaram. Peut-être leur demanderons-nous de dessiner des vagues et des maisons pour les amener à parler de leur peine. D’autres organisations leur fournissent des ballons de football ou des bâtons de cricket. Mais nous, nous voulons toucher leurs émotions.
Je suis allé à la commémoration du tsunami, le 26 décembre. Dans les ruines de mon village, j’avais l’impression que le tsunami reviendrait pour tuer les survivants. Je n’irai plus à aucune commémoration. Avant la formation du Jardin de la paix, j’étais en colère contre le tsunami. Maintenant, je suis plus calme.
Dons et Contes du singe
Le Butterfly Peace Garden est en quête de partenaires financiers. L’organisme humanitaire hollandais HIVOS termine son engagement de dix ans avec le Jardin, en 2006. Une campagne de financement s’organise depuis Toronto. War child Canada y contribue. Le Jardin met sur pied le Centre des contes du singe pour l’art contemplatif et la narration, ouvert aux intervenants d’autres organismes, du Sri Lanka ou de l’étranger.
Pour les dons au Peace Garden, contactez Laurie Edwards au Stupid School studio à Toronto Courriel: [email protected] Site Internet: thestupidschool.ca.
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