Il ne s'appelait pas EARL mais LUIS
Je débarque à Juliana aéroport de Saint Martin, c'est dimanche 25 Août 1995, Il est 15heures (heure locale)
- 6heures avec la métropole Les portes de l'avion s'ouvrent, la passerelle est adossée à la carlingue,
une chaleur identique à celle que l'on prend en pleine figure au moment où l'on ouvre le couvercle de la cocotte
minute...
Les artichauts sont cuits! (Bretonne oblige!)
L'athmosphère est moite et pesante, le tarmac dégage une odeur d'huile chaude, de gomme fondue mélangée aux
vapeurs de kérosène qui s'échappent encore de l'avion.
Je suis figée sur la passerelle, mon regard se perd aux alentours, le paysage que je découvre n'a rien d'une carte
postale. Déçue, ma première impression ne me met pas la "patate" après tant d'attente dans les airs, je croyais
débarquer au paradis. Marigotine tu es impatiente le paradis ce sera pour plus tard!
Direction la partie française, Il pleut en cette fin d'après midi d'août, la tempête tropicale Iris a fait fermer
pas mal de petits "restos" sur la Marina et nous nous contentrons d'une Pizza pour ce soir! De toutes façons la
fatigue du voyage est là, et cette chaleur humide difficile à supporter pour le début me plombe jusqu'au plus
profond de mon corps.
Lundi 26 août 1995
Ma première nuit à St Martin s'est bien passée, même pas eu chaud, ni entendu quelques raffales de vent
et la pluie crépiter sur les volets. Ici tout est de plomb, même le sommeil... Départ pour Orient Bay le must du must
en matière de plage, du sable blanc a perte de vue, des petits restos de plage appelés "lolos" avec
des noms évocateurs "Bikini", "Kontiki"... ça y est je me prendrais presque pour Pamela Anderson dans Alerte à
Malibu avec mon petit maillot noir (désolée pas rouge!) .
Je suis là, les pieds dans l'eau, dans cette eau turquoise si caractéristique à la Caraïbes. Le bonheur devrait
être au rendez-vous, et bien non! Une angoisse inexpliquée m'envahit et mon regard s'embrume, les larmes me
montent aux yeux, pourquoi me demanderez vous? mon fils aura la même réponse que vous, je ne sais pas ce qui
c'est passé. La seule chose que j'ai pu analyser, c'est que j'ai ressenti une crispation dans la poitrine, comme si
un parpaing était coincé là! La prémonition, avec le recul maintenant je sais que c'est cela.
J'ai ressenti la même sensation dimanche dernier en pleine nuit, m'obligeant à me lever et rester debout pendant
plus d'une heure avec une angoisse indescriptible à l'intérieur du corps. J'ai ressenti ces vibrations, ces ondes tout
comme il y a 15 ans à la même époque.
Les 27, 28, 29, 30, 31 août et 1er setempbre 1995
Les infos sont alarmantes, la tempête tropicale Iris est passée sur St Martin mais on entend parler partout
sur l'île d'un certain Luis, cyclone qui vient du Cap Vert et qui est annoncé comme un "monstre". Avec ses 1 000kms
de diamètre, le gros "pépère" fait du remue ménage dans toute la Caraïbes. A vrai dire je n'y connais pas grand
chose, et ce phénomène météorologique m'intrigue beaucoup plus qu'il ne m'inquiète! Viendra plus tard la peur
Marigotine!
Et bien après me viendra l'intérêt sur le mode de fonctionnement de ces "monstres" dévastateurs.....
Voilà nous y sommes 4 Septembre 1995
L'appartement en front de mer est préparé pour attendre l'arrivée de Luis, les vitres sont protégées, les
meubles et gros appareils ménagers sont collés le long des baies vitrées pour faire masse..... On t'attend
le gros!!!! . Les réserves sont entassées, l'eau les piles électriques les bougies et bien sur du rhum et des
citrons verts pour tenir le siège... Les premiers vents arrrivent vers les 15heures, la houle cyclonique a déja
martyrisé un porte-container qui est venu s'encastré dans une piscine du bord de mer! Des vagues de plus de 8
mètres sont annoncées sur RCI la radio St Martinoise. Rien que d'y penser j'en ai la chair de poule, moi qui ai du
mal à mettre la tête sous l'eau, je vous laisse imaginer mon angoisse. Fin de soirée le 4 septembre 1995, le
vent souffle vraiment très fort, ça craque à l'étage du dessus là où se situe la mezzanine, un angle du plafond
commennce à se soulever par petits coups, et nous devons dégager au plus vite car si le toit s'arrache ça fera
appel d'air avec la baie vitrée du bas et tout va exploser! Nous sommes à l'abri avec d'autres voisins dans ce
petit appartement des "Amandiers", appartement où il n'y a pas de fenêtre donnant sur le front de mer, donc
le plus sécurisant pour nous tous. Une explosion retentit, la baie vitrée de notre appartement vient d'exploser....
Nous étions tous là complètement ébobés, neuf adultes un bébé de neuf mois, mon petit fils placé par
sécurité dans son couffin sous le bureau le long du mur, et trois chats endormis avec sédatif, coincés dans leurs
paniers.
Le vent souffle de plus en plus fort, jusqu'à près de 250 kms/heure, des craquements de partout, des chocs
dans les façades, des bruits de tôles qui s'arrachent, de l'eau qui bouillonne pas très loin de nous? C'est quoi ce
bruit? oh! mon dieu le niveau de la mer est monté jusqu'au premier étage où nous sommes tous calfreutés.
Là je l'avoue, j'ai bien cru que nous allions tous mourrir, la mer était montée de plus de deux mètres. La mer des
Caraïbes avait rejoint l'eau du Lagon et les rues de Marigot n'étaient plus que des torrents.
6 Septembre 1995
C'est fini! Nous sommes tous dehors les yeux complètement hagards devant le spectacle quasi apocalyptique de
Marigot. Des cratères creusés sur le front de mer, on se croirait dans une ville écrasée sous les bombes, la
vegétation n'est plus, les arbres sont pelés à vif comme brulés au napalm! Partout de ci et là les hommes et les
femmes sont assis en pleurs tout est détruit, les toits ont littéralement explosé. La mer en se retirant a laissé des
monticules de détritus sur plus de 2 mètres de hauteur, des morceaux de bateaux, des chaussures, des vêtements,
des ustensiles de cuisine et même des jouets, partout la désolation et la tristesse. Comment se relever d'une
catastrophe pareille? il le faudra malgré tout. Nous resterons plus de trois semaines sans eau potable, l'usine
de désalénisation a été sévèrement endomagée. L'aéroport de Juliana restera fermé à tout trafic (sauf militaire et
protection civile) jusqu'au 1er Novembre 1995.
12 Septembre 1995
Quelques jours plus tard, la tempête tropicale Marylin fera tomber le déluge sur Marigot, mais un déluge d'eau
douce qui aura un effet salvateur sur toute la végétation!
J' ai une pensée pour tous mes amis qui sont encore à St Martin et qui viennent de subir un autre cyclone de
classe 4.
Marigotine