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Halles aux arrangements

Publié le 01 septembre 2010 par Delanopolis
L'association Accomplir s'est procurée un document digne de figurer dans une anthologie des raisonnements juridiques tordus : un courrier du Préfet de Paris soulignant l'illégalité totale du marché que la ville veut passer à Mangin mais, en même temps, acquiesçant à une solution où il serait quand même exécuté à la condition que ce soit la dernière fois que la ville commet une illégalité, promis, juré. Encore mieux que l'accord pour les emplois fictifs ! Halles aux arrangements "Avenant illégal des Halles : le préfet Canepa donne raison à Accomplir... mais s'incline devant la Mairie de Paris !

UN DOCUMENT CHOC

M. Lellouche, peut-être sans se rendre compte de l'importance des documents qu'il nous remettait, nous a communiqué samedi 28 août la copie des échanges entre le Préfet et la SemPariSeine, mandataire de la Ville de Paris, à propos de l'avenant illégal de 255 000 euros accordé en avril 2010 par la Ville de Paris à l'architecte Mangin, avenant que nous avions dénoncé dès le 31 mai 2010.

Ce document, à lire en cliquant ici, comprend :
- la lettre écrite par le préfet Canepa à la SemPariSeine, mandataire
de la Ville de Paris, le 30 juin, pour lui demander des explications
- l'analyse par la préfecture de la réponse de la SemPariSeine, en
date du 15 juillet.

Dans son texte, la préfecture donne totalement raison à l'association ACCOMPLIR, puisqu'elle démontre que l'avenant est définitivement et triplement illégal, et que les objections avancées par la SemPariSeine ne tiennent pas. La SemPariSeine en convient elle-même, d'ailleurs, puisqu'elle annonce qu'elle va mettre un terme, en avril 2011, au marché de maîtrise d'oeuvre du jardin obtenu par Mangin en 2005 et lancer un nouvel appel d'offres.

Sauf qu'elle demande à pouvoir, auparavant, exécuter l'avenant illégal ! Et la préfecture semble s'incliner, puisque elle conclut son analyse par ces mots "la solution proposée par la SEM est juridiquement et d'un point de vue pratique opératoire et recevable" ! Cette solution consiste tout simplement à ne pas déférer l'avenant illégal, pour laisser le temps à David Mangin d'exécuter cet avenant. C'est comme si un gangster disait à un policier "Bon, allez, je fais un dernier casse et après, promis, j'arrête, mais là vous me laissez faire, d'accord ?", et que le policier soit d'accord...

COMMENT EXPLIQUER LA COMPLAISANCE DU PRÉFET CANEPA?

La mission du Préfet est de contrôler la légalité des actes du Maire de Paris et de les faire annuler et suspendre lorsqu'ils sont illégaux. Nous sommes le 1er septembre et le Préfet aurait pu déférer
l'avenant au tribunal administratif dès le 16 juillet, après avoir reçu la réponse de la Ville, qui n'apportait aucun argument valable. Comment expliquer ce délai, alors que rien de nouveau ne s'est produit depuis la réponse de la Ville ? La Préfecture a-t-elle voulu tenir compte des risques de jurisprudence concernant d'autres villes où des marchés de définition auraient été lancés ? Nous ne le pensons pas, d'une part parce qu'elle est couverte par une circulaire du Ministre de l'Intérieur du 13 juillet ( cliquez ), qui demande explicitement à tous les préfets de mettre fin aux marchés de définition ; d'autre part, parce que le cas des Halles est très particulier : la Préfecture explique elle-même que l'avenant ne représente pas 13,9% du montant initial (la SemPariSeine s'est trompée ou a triché dans ses calculs) mais 31,6 % (alors que la limite est à 15 %) : ce n'est donc plus un avenant mais incontestablement un nouveau marché, et tout nouveau marché de ce type est rigoureusement interdit par la Cour européenne de justice et désormais par le droit français. De plus, la préfecture souligne que, compte tenu de l'impossibilité de réaliser le parti de jardin plat prévu par Mangin en 2005, la Ville aurait dû purement et simplement résilier le contrat de Mangin dès 2009 ! L'hypothèse qu'une telle concentration d'illégalités se retrouve sur une autre opération en France est très faible, et ce n'est donc qu'un alibi.

Le Préfet cherche-t-il à éviter le coût économique que pourrait engendrer un nouveau retard pour le projet des Halles ? C'est douteux, car en réalité les marchés d'exécution ne sont pas passés, à l'exception du marché de démolition du jardin. En particulier, celui de la Canopée n'est toujours pas signé, ne serait-ce que parce que le permis de construire n'a toujours pas été obtenu. Le coût financier engendré par le fait de faire respecter la loi, c'est-à-dire d'obliger la Ville à annuler son avenant illégal et à lancer dès maintenant un nouvel appel d'offre pour la maîtrise d'oeuvre du jardin (ce qui prendra environ un an), resterait donc modéré. La seule urgence à démarrer les travaux au plus vite, c'est d'essayer de faire en sorte que tout soit fini avant les élections de 2014. La vraie raison de ne pas déférer cet avenant est donc d'éviter une grosse honte à Delanoë et surtout de perturber son calendrier électoral.

LES HALLES VICTIMES D'UNE NÉGOCIATION GLOBALE ENTRE SARKOZY ET DELANOE ?

La question est maintenant : pourquoi, alors que le Préfet est en possession depuis le 15 juillet de la réponse de la SemPariSeine, qu'il est lui-même totalement convaincu de l'illégalité de l'avenant et qu'il a reçu des consignes claires du ministre de l'Intérieur le 13 juillet pour faire annuler ces marchés, n'a-t-il pas déjà déféré l'avenant au TA en demandant sa suspension et son annulation, comme son devoir l'exige, puisqu'il est censé contrôler la légalité des actes du Maire de Paris ? A-t-il reçu des consignes, venant de plus haut que Lellouche et que Hortefeux (ou bien des consignes officieuses démentant les consignes officielles ?) ? Lui aurait-on demandé, par hasard, de ne pas "embêter" Delanoë sur ses chantiers parisiens compte tenu de toutes les tractations actuelles sur le Grand Paris ou sur les emplois fictifs de Chirac ?"

Le Delanopolis ne peut lui aussi qu'être choqué par la pirouette juridique envisagée par les services préfectoraux dans cette étrange annexe à leur note. Considérer que la solution de la ville est "opératoire et recevable" alors qu'elle est violemment illégale et qu'on vient de l'écrire et se fonder sur les délais de jugement tout en disant qu'une demande de suspension serait examinée en moins d'un mois par le tribunal administratif sont deux non-sens. Du reste, le fait que la Sem et la ville produisent autant de mémoires est la preuve qu'ils n'oseront pas violer délibérément la loi sous les yeux de la préfecture et du juge. On ne voit donc pas comment et pourquoi le rédacteur d'une telle note a pu en arriver à cette conclusion contradictoire.

En réalité les choses sont très simples : l'avenant Mangin est totalement illégal et, via une demande de suspension dans le cadre du contrôle de légalité, il est encore tout à fait temps d'en paralyser les effets. POURQUOI HESITER ?


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