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Chasse à l'homme contre chasse au Roms

Publié le 02 septembre 2010 par Juan
Chasse à l'homme contre chasse au RomsEn cette semaine de rentrée des classes, Luc Chatel était à la peine : qu'il s'agisse des professeurs-stagiaires parachutés et sans formation ou des suppression de postes d'enseignants, le ministre a tenté de répondre aux critiques. Brice Hortefeux restait tout occupé à sa surenchère démagogique contre les Roms et Roumains. Ses statistiques inédites sont mises en cause. Et il n'a pas fallu attendre longtemps après la rentrée pour que les affaires Woerth/Bettencourt retrouvent la une de l'actualité.
Hortefeux, démagogue
Mercredi 1er septembre, Brice Hortefeux en déplacement dans un commissariat à Colombes en région parisienne s'est servi d'un nouveau fait divers dramatique pour justifier l'extension des peines planchers - jusqu'à lors réservées aux récidivistes - aux auteurs de violences aggravées contre les forces de l'ordre. La veille, trois policiers étaient pris dans ce qui semble être un guet-appens, à Genevilliers (93), où leur voiture fut caillassée par une quarantaine d'assaillants. Ne demandez pas à Brice Hortefeux pourquoi il continue de réduire les effectifs policiers... il paraît que des caméras de surveillance suffisent...
Lundi, on s'est peu attardé sur cette petite phrase de Brice Hortefeux, lors de sa conférence de presse commune avec Eric Besson à propos des destructions de campements illégaux de Roms cet été : « Il ne s'agit, en aucun cas, de stigmatiser telle ou telle population - bien d'autres étrangers sont auteurs de crimes et délits.» Lundi, le ministre était prêt à toutes les outrances, y compris celle-ci, pour justifier son nouveau coup d'accélérateur démagogique. Cette déclaration n'était pas un dérapage involontaire, mais un propos réfléchi, et même repris dans le compte-rendu officiel de la réunion publié sur le site du ministère de l'intérieur.
Il avait aussi exhibé des statistiques étonnantes car inédites de la délinquance roumaine, notamment à Paris. Interrogée ensuite par le site du Nouvel Obs, la préfecture de police de la capitale était bien incapable de fournir des statistiques sur les crimes et délits par nationalité : « On n'a que des chiffres globaux, on n'a pas de découpage par nationalité, hormis les chiffres sur les infractions commises par les Roumains, ces derniers ayant été communiqués à la demande du ministère de l'Intérieur. » De son côté, l'Observatoire Nationale de la Délinquance, qui publie les statistiques officielles en la matière, ne distingue que les crimes et délits commis par des étrangers - sans distinction de nationalité - de ceux commis par des Français.
En 2009, seuls 12,5% des infractions étaient ainsi commises par des étrangers, avec des proportions très variables en fonction de la nature des infractions. En d'autres termes, Brice Hortefeux s'est commandé des statistiques sur-mesure, avec on ne sait quelle méthode, et pour un résultat pitoyable pour ses propres thèses : il a mis en valeur des pourcentages d'augmentation faramineux, alors que finalement, le nombre d'infractions à Paris ainsi attribuables à des Roumains (qui ne sont pas tous Roms et vice-versa) s'affiche à ... 5,7%.
L'OND a d'ailleurs son idée sur l'origine des chiffres : le fameux fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées), qui enregistre délinquants, victimes et suspects sur chaque affaire d'infraction: « il est effectivement possible qu’ils proviennent du STIC. (...) comme c’est le ministère qui a communiqué sur la délinquance roumaine, c’est un peu délicat comme sujet » explique l'un des chefs de département de l'Observatoire.
Mercredi, on apprenait que Brice Hortefeux songeait à briguer la mairie de Vichy en 2014.
Certains symboles ont malheureusement la vie dure.
Woerth, en vogue
Eric Woerth a été à nouveau mis en cause, à deux reprises cette semaine.
L'Express a mis la main sur une lettre signée par Eric Woerth, datée de mars 2007, dans laquelle le trésorier de l'UMP et futur ministre du budget demande au candidat Nicolas Sarkozy une légion d'honneur pour Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Pour prouver le trafic d'influence, il faudrait certes étayer le lien de cause à effet entre cette demande et d'autres services rendus par le gestionnaire à l'UMP. Et justement, des présomptions fortes existent : de Maistre ne s'est jamais caché d'être un donateur fidèle du Premier Cercle de l'UMP, Liliane Bettencourt a bénéficié d'un traitement fiscal hors normes, et l'épouse du ministre a été embauchée chez Clymène après l'attribution de ladite légion d'honneur. Eric Woerth, de son côté, a toujours nié d'éventuelles contre-parties à cette décoration. Son avocat a précisé qu'Eric Woerth reconnaît avoir appuyé cette légion d'honneur mais pas de l'avoir initiée. La précision est subtile.
Mediapart a choisi de publier quelques nouveaux extraits sonores des conversations enregistrées entre Patrice de Maistre et Liliane Bettencourt. Certaines déclarations de Maistre sont toujours fracassantes: «Il ne faut pas que l'on se fasse prendre avant Noël» ; «On est en train de mettre le compte à Singapour»; ou encore «J'ai peur que le fisc tire un fil».  Mercredi 1er septembre, la juge Isabelle Prévost-Desprez, chargée d'un supplément d'information dans le cadre de l'affaire Bettencourt, est allée perquisitionner le domicile de Liliane Bettencourt à Neuilly-sur-Seine. Le même jour, le site de Paris Match révélait que la Banque de France, via l’Autorité de contrôle prudentiel, avait ouvert une enquête sur des retraits en liquide pouvant atteindre 145 000 euros avant la publication des enregistrements pirates des conversations entre Patrice de Maistre et Liliane Bettencourt. Le site ne précise pas le nom de la banque où étaient effectués ces retraits, ni la période.
Autre affaire, le Canard Enchaîné du 1er septembre révèle que la vente de l'hippodrome de Compiègne, proche de Chantilly dont Eric Woerth est le maire, avait été initialement refusée en 2003 par le ministre de l'agriculture de l'époque Hervé Gaymard à la société locataire du lieu. Dans un courrier du 13 août 2003, publié par l'hebdomadaire, Gaymard écrivait à Armand de Coulange, président à l'époque de la Société des courses de Compiègne, que « Compte tenu de la législation concernant les forêts domaniales, je vous informe qu'une cession par vente n'est pas possible. En revanche, un échange serait envisageable si la Société des courses de Compiègne offrait un terrain forestier de la même importance et d'une valeur suffisante. Or la Société des courses de Compiègne ne dispose pas actuellement d'une tel patrimoine foncier. C'est pourquoi une telle opération ne peut être réalisée, sauf bien sûr, à trouver une offre équivalente au regard de ce type de transaction. » Cinq ans plus tard, six jours avant de quitter le ministère du budget pour celui du travail, Eric Woerth approuvait la vente de l'hippodrome (et de son golf) à la même société, moyennant un prix de 2,5 millions d'euros.
Chatel, pédagogue ?
Rentrée scolaire oblige, le ministre de l'Education nationale se montre beaucoup. Mercredi matin sur France inter, Luc Chatel a livré une explication peu convaincante sur la réforme de la formation des professeurs. Quelques 8 500 professeurs fraîchement diplômés en juin dernier débutent  aujourd'hui leur premier jour de classe, sans l'habituelle année de formation en IUFM qui mêlait formation et pratique (à raison de 6 heures par semaine). C'est l'un des effets d'une réforme initiée par Xavier Darcos : allongement d'un an du niveau de recrutement (à bac + 5 désormais), deux à quatre jours de formation juste avant la rentrée, tutorat par un professeur expérimenté jusqu'au vacances de la Toussaint, et stages réguliers en cours de saison. On a peine à comprendre comment ce bricolage peut remplacer l'ancien système. En fait, le gouvernement parvient ainsi à supprimer d'un coup de baguette magique 8 500 postes en envoyant ces « néotitulaires » se former sur le tas dès la sortie de l'école. Deux journées de grève sont d'ores et déjà annoncés par les syndicats pour les 6 et 7 septembre.
Autre impasse, le ministre rappelle qu'il y a plus d'enseignants pour moins d'élèves en 2010 qu'il y a 15 ans. Cette réponse aux critiques contre les 16 000 nouvelles suppressions de postes néglige un fait, l'augmentation du nombre d'élèves (plus de de 30 000 supplémentaires dans le second degré cette année). Surtout, Luc Chatel botte en touche sur la surcharge des classes : en 2007, avant ces funestes suppressions de postes, la France se situe au 5ème rang européen des classes les plus chargées dans le primaire. Entre 1999/2000 et 2008/2009, le nombre d'élèves par classe dans l'enseignement public est passé de 25,5 à 25,8 en maternelle, de 22,3 à 22,6 au niveau élémentaire, et a légèrement fléchi au second degré (de 24,2 à 24,1). Parallèlement, le nombre d'enseignants dans le secteur public (premier et second degrés, enseignement supérieur) a suivi l'évolution inverse : 841 000 en 2000; 798 000 en 2009, soit -5%.
Comme si ces mauvaises nouvelles ne suffisaient pas, François Baroin a expliqué aux parlementaires qu'il faudrait certainement augmenter les impôts... après 2012.
Sans blague ?

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