Magazine Humeur

Nouveaux visages pour l'image

Publié le 01 septembre 2010 par Marine8888

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Jean-François Leroy, directeur du festival international du photojournalisme Visa pour l’image, qui se déroule toute cette semaine à Perpignan est en colère après les logiciels de retouche Photoshop et les autres.

«On a vu Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier, écrivait il y a peu Jean-François Leroy. Vous connaissiez le ciel pourpre de Port-au-Prince, strié de nuages rosés? Les gravats si blancs qu’ils en sont éblouissants? Les Haïtiens qui deviennent gris, et ne sont plus noirs? Le sang rouge, comme la honte? Une réalité travestie, transformée, arrangée pour satisfaire on ne sait quel esthétisme. Du coup, les photographes qui se refusent encore à ce genre d’excès outrancier passent pour des mauvais. Oui, leur ciel est bas et gris, leurs Haïtiens sont noirs, leurs gravats sont ternes… Alors, oui à l’interprétation, dans la limite de la décence, mais non à la transformation.»

Ce n’est plus de la retouche, c’est de la manipulation ! Les photographes ont toujours retouchés leur clichés, renforçant des contrastes, accentuant les couleurs, éclaircissant des zones trop sombres mais les logiciels de retouche permettent d’aller au-delà et de métamorphoser un cliché de presse ce qui pour Jean-François Leroy relève de la malhonnêteté. Cette inquiétude partagée nécessiterait selon certains de fixer un code de déontologie pour mettre fin aux excès.

Le problème n’est pas récent. Kris Marker avait réalisé, en 1958, un montage dans son documentaire Lettre de Sibérie pour montrer que les images peuvent être manipulées à volonté. La même séquence tournée à Iakoust, présentée trois fois, sous un éclairage différent accompagnée d'un commentaire adapté au message à faire passer : trois propos pour trois visions orientées.

1- Iakoust, capitale de la République socialiste soviétique de Yakoutie, est une ville moderne, où les confortables autobus mis à la disposition de la population croisent sans cesse les puissantes Zym, triomphe de l'automobile soviétique. Dans la joyeuse émulation du travail socialiste, les heureux ouvriers soviétiques, parmi lesquels nous voyons passer un pittoresque représentant des contrées boréales, s'appliquent à faire de la Yakoutie un pays où il fait bon vivre!

2- Iakoust, à la sinistre réputation, est une ville sombre, où tandis que la population s'entasse péniblement dans des autobus rouge sang, les puissants du régime affichent insolemment le luxe de leurs Zym, d'ailleurs coûteuses et inconfortables. Dans la posture des esclaves, les malheureux ouvriers soviétiques, parmi lesquels nous voyons passer un inquiétant asiate, s'appliquent à un travail bien symbolique : le nivellement par le bas!

3- A Iakoust, où les maisons modernes gagnent petit à petit sur les vieux quartiers sombres, un autobus moins bondé que ceux de Paris aux heures d'affluence, croise une Zim, excellente voiture que sa rareté réserve aux services publics. Avec courage et tenacité, et dans des conditions très dures, les ouvriers soviétiques, parmi lesquels nous voyons passer un Yakoute affligé de strabisme, s'appliquent à embellir leur ville, qui en a bien besoin.

Les jeunes photographes qui n’ont connu que le numérique s’égarent un peu dans la retouche, plus aisée sur ordinateur que dans un labo.  A Perpignan, les photographes réfléchissent au code déontologique pour cadrer les pratiques de photo reportage afin de conserver leur entière crédibilité dans la sphère de l'information. 


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