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Rester auprès de ses bébés à l'hôpital

Publié le 02 septembre 2010 par Xavaic
Rester auprès de ses bébés à l'hôpital
Je souhaitais parler de mon expériences des structures d’accueil qui existent pour les parents afin qu’ils puissent rester auprès de leur enfant hospitalisé. Ces structures d’accueil sont indispensables car la présence des parents est essentielle auprès des bébés, qui les identifient d’un point de vue sensoriel.
Après la naissance de mes meufettes, je n’avais qu’une envie, celle de retourner chez moi pour ne plus sentir cette odeur infecte d’hôpital. Je me sentais de plus en plus mal à l’hôpital et j’espérais retrouver la santé grâce à l’air frais des Vosges du Nord. Cependant, ma mauvaise condition physique liée à mon immobilisation pendant un mois, à la césarienne et enfin à la pré-éclampsie post partum, ne me permettait pas de faire 180 km par jour sans ajourner ma remise en forme. Aussi, j’ai exprimé mon souhait de rester à l’hôpital pour être aussi proche que possible de mes filles, car c’était ce qui avait de plus important.
La maternité de Hautepierre disposait, si ma mémoire est bonne, de 4 chambres accompagnant et de 3 chambres en unité kangourou.
Les chambres accompagnant sont des chambres d’hôpital où l’on peut rentrer et sortir à loisir, recevoir de la visite pendant les horaires prévus à cet effet, et où l’on peut prendre ses repas ( coût : 6 Euros / jour* ).
Tandis que les chambres d’unités kangourou sont spécialement conçues pour accueillir la mère et l’enfant ( gratuit ). Une puéricultrice passe toutes les 3 heures pour aider pendant les repas si l’enfant est encore sondé. Cependant, l’enfant ne peut y être admis que lorsque tous les risques liés à sa prématurité ont été écartés ( hypothermie, déshydratation, hypoglycémie, détresse respiratoire et hémorragie du cerveau ). C’est donc en général la dernière étape avant le retour à la maison si attendu. C’est aussi la structure idéale pour mettre en place son allaitement. Mais, pour nous, l’unité kangourou n’était pas encore envisageable même si mes bébés avaient déjà 2 semaines.
Lorsque mon séjour pourri à la maternité de Hautepierre est arrivé à son terme, où plutôt, quand on m’a demandé quand est-ce que je partais, toutes les chambres accompagnant étaient occupées.
J’ai alors été guidée par le service des soins intensifs vers « La maison au fond du cœur », association qui fait partit du réseau développé par la fondation Ronald Mac Donald. Cette maison peut accueillir jusqu’à 17 familles d’enfants hospitalisés au CHU de Hautepierre ( coût : 10 Euros par jour ). Le jour de ma demande, il y avait une place, la chambre Luxembourg venant de se libérer. Alléluia ! Ma maman et moi avons donc investit les lieux, très accueillants et agréables, sous les regards bienveillants des familles déjà présentes.
Le cadre de cette structure est fait pour que les familles s’y sentent un peu comme chez elles : petite salle de sport, salle Internet, petite bibliothèque, salle de TV, grande salle à manger, chambre agréable et même, des petites soirées sont organisées. (Je dirai même que c’est mieux qu’à la maison car je n’ai pas de salle de sport…) Toutefois, on n’est pas chez soi et les règles de vie sont strictes pour que la communauté ne les oublie pas. Les tâches de ménage sont scrupuleusement partagées et la bonne convivialité, ainsi que la discrétion sont de rigueur. L’application de ces règles permet que l’endroit reste parfaitement propre et agréable, et personnellement, si j’ai « reniché » au début à participer aux tâches ménagères _car seule ma présence auprès de mes filles m’importait_ j’ai vite compris leur intérêt et leur bien fondé.
Vivre dans cette structure avec ma mère m’a permit d’amorcer ma remise sur pied. Ma chère maman prenait tendrement soin de moi en cuisinant les plus délicieux des repas et s’occupait de tout… Son coucous m’a drôlement requinqué et m’a permit de faire des petites bouteilles de lait pleines pour mes filles. Elle me préservait de tout pour que je n’ai plus qu’à me dédier à mes meufettes et mon repos, son action a été vraiment salvatrice. Sans elle, Dieu seul sait l’épave que je serai devenu. Heureusement qu’elle était là. Elle m’a aidé à relever la tête pendant les phases d’angoisse liées aux détresses respiratoires de ma petite Diane. Elle m’a soutenu grâce à sa bonne humeur et à son amour pendant la traversée de cette épreuve jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de partir.
Pendant notre séjour, nous avons fait la connaissance des autres parents qui étaient de passage dans cette maison et nous avons assisté à de dures expériences… Certaines ont trouvaient un happy end comme la mienne, d’autres, malheureusement, se sont terminées de manière tragique. Il y avait des parents d’enfants atteint de cancer et surtout des parents d’enfants nés prématurément, en majorité, des jumeaux. Tous portaient sur leur épaule cette lourde angoisse que donnent les pronostics toujours réservés des pédiatres… Les mamans exprimaient toujours le besoin de raconter leur grossesse terminée trop tôt par un col béant ou par une intervention pour soigner le STT chez les jumeaux comme c’était le cas des mamans rencontrées. La culpabilité affleurait à chacune de leur parole et me rappelait ma propre culpabilité, cet immonde venin qui me rongeait et que je tentais d’étouffer tant bien que mal. Puis, toujours, les pensées revenaient sur leur enfant, nos petits bébés dans leur couveuse qui subissaient déjà des soins très lourds. On parlait toutes avec beaucoup d’émotion des séances de peau à peau du jour et les détresses respiratoires qui avaient ponctuées les visites… Des incompréhensions face au fonctionnement des services de réanimation et de soins intensifs qui séparait les jumeaux, aux agissements même de certaines puéricultrices qui manquaient considérablement de tact en accusant des mamans de « mal-faire ». Une maman avait même eu une réflexion sur sa responsabilité quant à la prématurité de ses jumelles ! C’était dur pour moi de partager ou d’entendre tout ça à longueur de temps… car était rassemblé dans un microcosmos les pires malheurs du monde : la lutte de petits bébés pour la survie sous le regard impuissant de leurs parents. La vie me semblait comme pétrifiée sur nos malheurs de jeunes mamans, si disposées à aimer et donner leur vie pour que leurs bébés soient avec elles à la maison. C’était dur. Et certains jours, c’était encore plus dur de revenir car la maison était comme sous une chape de plomb, l’air y était lourd de tristesse et d’inquiétude… Un petit bébé avait fait une énième infection… Un autre avait eu une sérieuse détresse respiratoire… un autre faisait de grave crise d’hypoglycémie car ses organes de digestion étaient trop immatures…
Grâce à Dieu, mes filles chéries n’ont pas eu de problèmes ; Diane a fait de nombreuses détresses respiratoires au début mais elle a trouvé la force de les surmonter sans qu’il n’y ait de dommages dans son petit corps. Quant à Agnès, comme je l’ai déjà dit, il ne lui restait plus qu’à grossir car tout fonctionnait à merveille. Les expériences des autres parents ont fait naître de la détresse car je redoutais un renversement de tendance pour mes filles comme des bébés l’avaient vécu. Et j’avais tellement d’exemples, que rien ne me paraissait gagné. Un jour, nous avons appris la mort d’un petit bébé, né à 25 SA** avec son frère jumeau. Une hémorragie du cerveau _ l’un des risques majeurs pour les bébés prématurés à cause de l’immaturité de la vascularisation du cerveau _ avait emporté ce petit ange. Le jeune couple qui l’avait enfanté a montré à tous une immense leçon de courage et de dignité dans le malheur qui les accablait, et toutes mes prières les ont accompagnés dans leur calvaire. Puissent-ils retrouver leur petit ange partit trop tôt auprès de Dieu.
Rester auprès de ses bébés à l'hôpital
Les expériences de ces autres parents m’ont montré d’une certaine façon que la prématurité ne pouvait pas être banalisée, même si les progrès médicaux ont été considérables ces dernières années***. 97 % des enfants nés vivants à 32 semaines survivent à leur réanimation. Mais ce chiffre tombe à 78 % pour ceux nés à 28 semaines, et à 50 % à 25 semaines.
A 36 SA, mes filles ont été transférées dans une maternité de niveau II car le service des soins intensifs de Hautepierre était plein. Les admissions étaient nombreuses et il fallait faire de la place. J’ai donc appris en arrivant un matin que mes filles partaient à Saverne à 13H. Je n’avais pas le droit de les accompagner dans l’ambulance. Je devais quitter immédiatement le centre d’accueil Ronald Mc Donald ( car mes enfants n’étaient plus hospitalisées à Hautepierre ) et le Lactarium de Strasbourg ne voulait plus me donner de petites bouteilles pour la même raison. Le choc a été terrifiant car je n’avais plus de repère. Ce fut très difficile pour moi car l’espèce de routine que nous vivions, avec mes journées dans le service des soins intensifs que je connaissais maintenant bien et notre vie le soir à la maison d’accueil, m’avait aidé à conserver un lien avec la réalité et ne pas sombrer dans la tristesse totale.
Mais sachez que lorsqu’un service décide de transférer vos enfants, vous ne pouvez rien faire.
Lorsque j’arrive au service de néonat de Saverne, je suis en larme malgré moi car l’angoisse m’étreint le corps tout entier. Je ne sais pas comment mes filles ont vécu le voyage, je ne connais pas le service mais je sais qu’il n’est pas équipé pour faire face à une aggravation subite de la santé de Diane, qui revient de loin.
Après avoir vu mes meufettes, qui vont très bien et qui avaient voyagé dans la même couveuse, j’apprends que le service ne dispose pas d’unité kangourou ( alors que c’est ce qu’on m’avait annoncé à Hautepierre ), ni de chambre accompagnant, ni de structure d’accueil ! Bref, aurevoir madame et bonne route !
En faite, si, il y avait une chambre « mère enfant**** » que l’on m’a proposé : Cette chambre était dans le couloir des "urgences enfants" et juste à côté de la salle des consultations pour les malades supposés de la grippe H1N1. J’étais abasourdie à l’idée de loger dans cette chambre et d’y amener mes filles vu les consignes sanitaires si strictes dont elles étaient entourées depuis leur naissance !
Par la suite, mon mari a insisté auprés du chef du service de néonat pour que l'on me trouve une chambre décente car le trajet en voiture me fatiguait beaucoup… et j’ai finalement été logée pendant 2 semaines dans une chambre destiné à recevoir les externes en pédiatrie.
Chaque année, 55 000 enfants naissent avant terme en France ( soit 7 % des naissances ), dont 20 % sont des grands prématurés, nés à moins de 33 semaines. Les structures d’accueil qui permettent aux parents de rester auprès de leur enfant hospitalisé sont fondamentales. Elles sont indispensable pour la bonne survie de l'enfant et pour que les parents jouent pleinement leur rôle pendant cette période si éprouvante. Ces structures devraient donc être multipliées.
D'ailleurs, dans la charte de l’enfant hospitalisé, on peut lire :
« Un enfant hospitalisé a le droit d'avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui, jour et nuit, quel que soit son âge ou son état. »
« On encouragera les parents à rester auprès de leur enfant et on leur offrira pour cela toutes les facilités matérielles, sans que cela n'entraîne un supplément financier ou une perte de salaire. On informera les parents sur les règles de vie et les modes de faire propres au service afin qu'ils participent activement aux soins de leur enfant. »
Les pouvoirs publics devraient faire en sorte que cette charte puisse être respectée au pieds de la lettre en faisant en sorte que chaque hôpital ou l'on accueille des enfants dispose d'endroits interne ou externe au site pour accueillir les parents.
Notes :

* les prix indiqués datent de fin 2009 et concernent les structures de Strasbourg Hautepierre. Beaucoup de mutuelles remboursent ce type de frais.



** 25 SA : 25 semaines d’aménorrhée ; C'est une unité de mesure du temps utilisée en Obstétrique pour calculer l'âge de la grossesse. Quand on calcule l'âge de la grossesse en utilisant les semaines d'aménorrhée, on commence le calcul à partir de la date qui correspond au quatorzième jour avant la date du début de la grossesse.
*** Par exemple, on arrive de mieux en mieux à pallier l’immaturité des poumons liée à l’absence d’un liquide appelé le surfactant et qui empêchent les membranes pulmonaires de rester collées entre elles à l’expiration. Avec à la corticothérapie maternelle avant la naissance : Grâce à deux injections administrées à 24 h d’intervalle, on peut accélérer la maturation des organes du fœtus. De même, les injections de surfactant d’origine animale directement dans les poumons du prématuré, dés la naissance, permettent aux membranes pulmonaires de ne pas rester collés entre elles. Mes meufettes ont eu ces injections et j’avais aussi eu les injections de corticoïdes à 29 SA. Ensuite, les couveuses pallient les dangers d’hypothermie et de déshydratation qui proviennent de l’immaturité de la peau des bébés prématurés qui ne retient pas bien l’eau et qui ne permet pas une bonne régulation thermique. Enfin, l’hypoglycémie et les troubles de l’absorption des aliments sont combattu grâce à la mise en place d’un cathéter pour amener les nutriments essentiels directement où les organes en ont besoin. Reste l’immaturité du cerveau et sa grande fragilité vasculaire qui demeure incontrôlable et qui représente la première cause de séquelles neurologiques chez les prématurés.
****Chambre mère-enfant : La maman peut passer du temps avec ses enfants hospitalisés dans cette chambre en toute intimité, sans la présence de personnel médical. Les temps de « rencontre » sont en général de une à deux heures, hors des repas de l’enfant et en accord avec le chef du service.

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