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Latinomanie

Publié le 02 septembre 2010 par Adamantane

 

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Dans Le Monde du 28 août, sous le titre A quoi sert le Latin, Michael Bulley s'interroge... Dans Le Monde du 3 septembre, Cecilia Suzzoni et Michel Walter lui répondent.

A noter qu'aucun des deux ne s'est exprimé en latin. Le mouvement pédagogique initié par Théodore Aubanel et médiatisé par la revue Vita Latina avait tenté, en 1957, de renverser les classifications langue vivante / langue morte - à la quelle nous pourrions ajouter la nuance langue mourante - en proposant d'apprendre et utiliser  le latin dans la perspective non de traduire Ciceron ou Cesar, mais de communiquer entre nous. Cet objectif initial a été réorienté. Il ne s'agit plus de communiquer, mais de découvrir de nouvelles pédagogies du latin et d'informer sur l'état des études latines .

De fait, de même que les tentatives de simplifier les relations entre les peuples par l'usage de langues universelles artificielles, ou plutôt chimériques, au sens biologique du terme, se sont heurtées à une formidable résistance au changement, de même l'idée, pourtant simple, de ressusciter une langue morte pour atteindre ce même but n'a pas eu plus de succès.

La biodiversité de l'humanité a très probablement besoin de la multiplicité des langues, des cultures, des systèmes politiques, des spiritualités,  pour maintenir le potentiel d'évolution adaptative des humains.

Les langues mortes, telle le latin, sont d'un apprentissage dépaysant, qui prépare à la pratique de la tolérance altruiste vis à vis de systèmes de pensée différent de celui dans lequel la plupart d'entre nous tombent quand ils sont tout petits. Voire au désir fraternel de connaître ce qui est différent. 

D'autres langues anciennes le sont plus encore, qui obligent à acquérir la capacité de lire un alphabet graphiquement différent, ainsi le grec, souvent associé au latin dans nos cursus scolaires.

De même que l'apprentissage des écritures symboliques et de la manipulation des représentations abstraites des opérateurs mathématiques serait - ou est ? - une formation utile à qui veut acquérir une capacité littéraire, celui des langues mortes serait -ou est ? - un entrainement pertinent à qui veut se doter d'un savoir-faire opérationnel dans une spécialité téchnologique.

Les arguments en faveur de cette manière de voir sont bien connus :

-élargissement des structures mentales, par l'expérimentation de manières de décrire et projeter le monde réel qui diffèrent de celle de notre primo-infection ;

-obligation pour réussir à résoudre les problèmes proposés de mettre en oeuvre une démarche analytico-synthétique qui est une des composantes de la méthode scientifique.

Je n'en ajouterai qu'un : la version grecque est un exercice plutôt amusant...

Retournement de perspective : A quoi sert l'algèbre linéaire ?  Il y aurait un article à faire là-dessus. Cette discipline mathématique est enseignée dans les classes prépa et nourrit certaines épreuves des concours d'entrée dans nos grandes écoles, Quels sont les ingénieurs en fonction qui ont régulièrement recours au théorème de Cayley-Sylvester [*] pour résoudre des problèmes professionnels ? Quelques-uns, et souvent sans le savoir, car ils en exploitent peut-être une conséquence, mais en réalité combien ?

[*] Les étudiants de Cambridge se souviennent-ils des efforts d'Arthur Cayley pour y fairre accepter des étudiantes, et les amateurs de calcul matriciel ont-ils été mis au courant de la passion de James Joseph Sylvester pour la prosodie ?


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