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Louise Bourgeois

Publié le 14 juin 2010 par Lironjeremy
Louise Bourgeois

De Louise Bourgeois, on se souvient la vieille femme à l’œil malicieux telle que l’a fixé Mappelthorpe en 1988, tenant sous le bras un peu négligemment quelque monstruosité génitale joliment baptisée « fillette ». Une manière de défi dans le regard en même temps que son apparence légèrement farfelue tout à fait sympathique. Depuis, elle était restée quelque part associée physiquement à son œuvre : la vieille femme sans tabou, inébranlable, s’amusant du regard des autres et poursuivant, imperturbable, une œuvre singulière prolixe et à peu près inclassable. Déployant dans une grande richesse de matériaux et de formes un véritable bazar nourri de ses souvenirs et de ses peurs, son œuvre était parvenue à une certaine autonomie vis-à-vis des classifications et des modes, un certain détachement. Ainsi, elle faisait comme un point repérable dans le paysage, une de ces vigies sur lesquelles le tumulte de l’actualité n’a pas prise. Dégagée des expériences formalistes, de l’art pour l’art, comme de toute idée progressiste, elle fit une œuvre autobiographique, cathartique, qui, si elle puisait ses sources du côté du surréalisme, ne semblait jamais ignorante des autres aventures initiées tout au long du siècle. Du surréalisme elle emprunte les incongruités, l’écoute de l’inconscient, les questionnements de l’identité sexuelle, la fusion du corps et de l’objet, la poétique suave tintée d’inquiétante étrangeté, mais aussi le gout de la métamorphose, la confusion des formes, leur indétermination. Souvent elle fut tout à fait proche des productions d’aliénés et autres formes brutes témoignant d’un certain primitivisme. Parfois ses totems renvoient à l’art d’Afrique ou d’Océanie. Ce qui fascinait en même temps que d’effrayer un peu, c’était son côté sauvage enfin. A l’image de ses « cellules » inventées dans les années 90, son œuvre constituait une sorte de refuge habité d’objets jouant sous un mode tantôt géométrique, tantôt organique le théâtre sombre de ses souvenirs et de ses obsessions en même temps qu’elle renvoyait à sa condition de femme, à la gestation et à sa position difficile dans la cellule familiale. Mais ce qui rend son œuvre habitable c’est que loin de se replier sur sa propre expérience, elle fourni des images suggestives qui nous amènent à convoquer nous aussi nos propres souvenirs et l’expérience de notre propre constitution psychique. « Le travail artistique agit comme une réparation, une restauration au sens propre comme figuré ». Celle d’un monde perdu de l’enfance, de la mémoire, celle aussi des douleurs, des choses laissées incomprises ou tues. Louise Bourgeois

Louise Bourgeois est morte ce mois de juin 2010 à New York, à l'âge de 98 ans.


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