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Manfred Pernice : liquidation-tischwelten2

Par Thomas Ka

Lorsqu’on s’intéresse à un territoire particulier, les indices que l’on collecte peuvent provenir des domaines d’activité les plus divers. Qu’elles soient géographiques, historiques, scientifiques ou culturelles, les informations ainsi recueillies finissent par s’agréger en une image d’un lieu donné à un moment donné, formée selon des critères subjectifs. Discerner la simultanéité des informations, relever leurs contours friables et flottants pour mieux leur assigner une forme et un ordre d’apparition : c’est ainsi que l’on pourrait décrire les principales caractéristiques et qualités du travail de Manfred Pernice.

476 Manfred Pernice : liquidation tischwelten2   Céramique Design & Moderne

L’enchevêtrement ou, pour reprendre son expression, « la bouillie » (liquidation) qui lie le vécu de l’artiste (savoir, choses vues et collectées) aux invitations et rencontres susceptibles d’élargir son cadre de référence et d’aboutir à une exposition autour de nouveaux sujets, fait partie intégrante de sa démarche artistique. L’amas d’éléments apparentés ou inattendus est alors ordonné de manière à proposer une perspective et une vue d’ensemble hétérogènes pouvant par ailleurs être interprétées comme un regard réaliste posé sur « quelque chose ».

L’installation liquidation-tischwelten2 rassemble des objets de cristal et de céramique, associés à d’autres éléments ou objets trouvés et présentés sur des tables, sortes de displays évoquant les étalages d’un grand magasin. Tout doit disparaître !
Vers 1900, le bâtiment de l’actuel CEAAC (Centre européen d’actions artistiques Contemporaines) à Strasbourg hébergeait « le plus grand magasin de verre et de porcelaine en Alsace-Lorraine ». Dès le XIXe siècle, l’Alsace et la grande région comptaient de nombreuses manufactures de verre, de céramique et de porcelaine. Leurs produits sont autant d’indicateurs de l’histoire culturelle et politique : un service de table de Badonviller qui, dans les années cinquante, passa la frontière sarroise en contrebande, les dernières créations en cristal de Baccarat ou encore une réédition de coupes en céramique provenant de l’ancienne manufacture de Lunéville.

Les installations de Manfred Pernice comprennent souvent des récipients de provenances diverses.
La manière dont ceux-ci sont exposés (et donc valorisés ou banalisés) revêt une signification non moins importante que leurs origines : alors que la céramique de Strehla sur l’Elbe était assurée de débouchés réguliers en RDA, la production dut être arrêtée en 1997, lorsqu’il s’avéra que même les faïences bon marché n’étaient plus rentables. La table accueillant les porcelaines de Kahla en Thuringe s’inscrit dans une démarche plus générale qui s’intéresse à l’histoire au quotidien et qui, désireuse d’assigner à chacune des pièces une donne locale ou supra-régionale, ne présente dans un premier temps qu’une structure narrative ou des ramifications. En cela, elle reflète l’usage courant de la porcelaine et de la céramique en tant que récipients auxquels on prête volontiers un lien fondamental à la « vraie » vie et qui, dès lors, n’attendent que d’être à nouveau remplis d’histoire(s).

> http://www.ceaac.org/accueil.htm


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