Albert Camus disait : « Je n’ai qu’une seule patrie, la langue française ».
C’est peut-être, si paradoxal que cela puisse paraitre , de là que provient ma méfiance envers le concept de « francophonie ».
Car, vues mes origines, je n’ ai pas la même perception de la chose que les Français et j’ai souvent l’impression que le concept de « francophonie » demeure « prisonnier » d’un francocentrisme qui m’apparaît, si j’ose dire, de nature quelque peu « néocoloniale ».
Ce que je ressens (peut-être à tort), c’est que dans l’optique (plus ou moins consciente) de nombreux écrivains français, la Francophonie est appréhendée comme une sorte de système planétaire qui orbiterait autour du « soleil » central de la (certes brillante et prestigieuse) culture française, et qui, souvent encore, serait d’autant plus précieux qu’il servirait les intérêts de la « défense de la langue française » contre le vilain monde anglo-saxon et sa pénétration planétaire.
Eh bien, d’accord en cela avec Laurent DUBOURG, moi, je dis « non ! ».
Il y a autant de langues française qu’il y a d’aires culturelles où l’on parle français, exactement comme, à côté de l’Anglais, il y a un Américain, un Anglais Australien, ou, à côté du Portugais, un Brésilien, par exemple. Pourquoi n’en irait-il pas ainsi ? Cela me parait naturel…
Pas plus qu’on ne peut empêcher la dérive génétique, on ne peut contrecarrer la dérive linguistique, du fait de l’éloignement géographique et des métissages culturels.
La « francophonie », ou, disons plus exactement, les francophonies n’appartiennent pas à la France, vers laquelle elles me paraissent avoir, encore aujourd’hui, la tête trop souvent tournée (et pour cause : hormis le Québec, qui a vigoureusement su développer son identité francophone propre, tous les éditeurs de poids susceptibles de faire paraitre des livres en langue française se trouvent à Paris, prosaïque question d’argent !). Elle ne doit pas se faire « piéger » dans le jacobinisme centralisateur qui reste inhérent à cette culture, ce serait dommage…
Ça, déjà, Césaire , dans la foulée de sa Négritude protestataire et émancipatrice, l’avait bien vu.
Est-ce un hasard si, aujourd’hui encore, Césaire dérange tant ?
Personne n’a le droit de nous dire : « il faut écrire comme ça, il faut écrire comme ci (parce qu’à Paris, ça se fait, et que les salons parisiens restent les arbitres du « beau style »)".
Que l’on nous laisse écrire comme ça vient, selon les ressentis réels qui jaillissent de nos cœurs , de nos tripes ! La règle d’or du créatif, et la seule réellement valable, ça reste l’inventivité.
P.Laranco.